Collectif des prisonnièr(e)s des
Cellules Communistes Combattantes

Seconde interview au journal Le Peuple, 23 septembre 1988

Au centre de l’accusation, on trouvera probablement l’attentat mené le 1er mai 1985 contre le siège de la Fédération des Entreprises de Belgique à Bruxelles. La responsabilité directe de la mort de deux pompiers vous sera sans doute imputée pratiquement et théoriquement. Pratiquement parce que la chronologie des faits montrerait que votre organisation a suscité l’arrivée des victimes sur les lieux. Théoriquement parce que, dans une revendication, elle prétend que « la vie humaine n’est pas un absolu en soi ». Pouvez-vous répondre sur ces deux plans ?

Effectivement, nous nous retrouvons maintenant tous les quatre inculpés d’homicides volontaires pour l’action du Premier Mai contre le quartier général du patronat. Nous allons démontrer combien cette inculpation repose sur une totale manipulation des choses ... et sur la volonté de les manipuler plus encore.

Avant d’aborder les aspects pratiques et théoriques de ce problème, nous pensons qu’il convient surtout de l’examiner à la lumière du simple bon sens politique.

Notre organisation, les Cellules Communistes Combattantes, est une organisation révolutionnaire marxiste-léniniste. Toute son activité politique et militaire tend à l’émergence et au développement d’un puissant mouvement prolétarien organisé pour la liquidation du système capitaliste et pour l’édification du Socialisme. Chaque parole, chaque geste de notre organisation ne peut être que fidèle à ce cadre et cet objectif.

Comment alors les Cellules Communistes Combattantes auraient-elles pu projeter une action politico-militaire visant à blesser ou tuer des travailleurs ? Pourquoi l’auraient-elles fait ? Dans quel but ? Avec quel espoir ? Pareille folie aurait été pleinement contraire à leurs principes et à leur propre raison d’être. Dans le drame du 1er mai 1985, il y a deux grands perdants et deux grands gagnants. Les perdants sont d’un côté les victimes et leurs proches, de l’autre le mouvement révolutionnaire qui pâtit de cet échec des Cellules. Les gagnants sont la bourgeoisie et les médias qui ont trouvé là matière à offensive manipulatrice en règle contre le point le plus sensible de l’initiative communiste : sa liaison avec le peuple.

Voyons maintenant l’aspect pratique des faits. Le dossier d’instruction policière, au contraire de pouvoir jeter l’un ou l’autre doute quant aux intentions de notre organisation lors de cette action, démontre irréfutablement combien l’attaque contre la FEB avait été organisée avec la plus grande vigilance afin, justement, de se limiter à la destruction de l’immeuble.

Ce dossier confirme dans le détail la démarche responsable des militants qui ont mené l’action : dépôt de tracts d’avertissement bilingues tout autour de la camionnette piégée, alerte clairement transmise — et dans un délai largement suffisant — à la gendarmerie. L’instruction révèle que plusieurs services de garde et de police sur place étaient parfaitement renseignés de l’attaque en cours bien avant l’explosion. Et elle indique surtout comment si, malgré toutes les précautions prises par les révolutionnaires, deux pompiers ont pourtant perdu la vie cette nuit-là, cela est imputable à une bavure, un cafouillage énorme et généralisé — imprévisible — parmi ces mêmes services.

L’accusation est parfaitement consciente de cela. Mais elle n’en a strictement rien à faire. L’accusation est politique et rien que politique. Ce qui intéresse le pouvoir, c’est l’aspect calomniateur de l’accusation : « Accusons, diffamons, il en restera toujours quelque chose ». Et puis, imagineriez-vous que le parquet reconnaisse de lui-même comment, dès le lendemain des faits, le ministre Gol et tous ses complices mentaient effrontément à l’opinion publique, pastichaient odieusement l’émotion, mettaient en scène des funérailles nationales aux « victimes du terrorisme », etc., alors qu’ils avaient déjà sur leurs bureaux des rapports précis indiquant la vérité des faits ?

Passons au plan théorique et au détournement vicieux de la citation sur le sens de la vie. Précisons d’emblée que cette réflexion n’était en aucune façon liée à l’action contre la FEB, mais qu’elle est extraite du communiqué revendiquant l’attaque contre le SHAPE en janvier 1985, attaque qui incluait l’éventualité d’atteindre des MP yankee.

Chaque chose à sa place !

Il s’impose d’être honnête et de cesser de trafiquer cette réflexion en extrayant quelques mots d’une pensée plus large. La phrase falsifiée par l’accusation est en fait celle-ci : « Les actions de la guérilla révolutionnaire ne sont jamais dirigées contre le peuple mais toujours contre les ennemis du peuple, les exploiteurs bourgeois et leurs alliés. (...) La vie humaine n’est pas un absolu en soi, une valeur mystique, elle ne revêt pour nous aucun caractère sacré. Ceux qui de leur existence biologique se font les rouages d’un système de mort, sont appelés à disparaître dans la lutte pour la vie. (...) À la mort au quotidien, à la misère des peuples soumis à une clique de nantis, nous opposerons, pour triompher, l’humanité de la violence rouge la plus radicale, sans compromis, sans aucune hésitation. »

Le fond de cette problématique, c’est la libération ou l’oppression de l’humanité. C’est savoir si la vie est liée à un sens philosophique historique émancipateur ou à la magouille idéologique du judéo-christianisme. La réflexion de notre organisation est parfaitement claire à ce sujet. Nous vivons dans un monde où le crime est roi, où l’humanité est niée, aliénée, écrasée et menacée comme jamais par un ordre aussi absurde que dément : l’impérialisme fauteur de misère et de guerres. Dans ce monde, le seul vrai respect de la vie consiste à prendre les armes pour se débarrasser de cet ordre et de la classe qui le défend.

On comprend ainsi toute la veulerie, toute la corruption, — en fait, toute l’appartenance à la classe évoquée ci-dessus ! —, du procureur qui ose tirer un trait d’union entre cette pensée accablante pour lui d’une part, et les victimes de ses propres services le 1er mai 1985 d’autre part.

Pour conclure, on peut bien évidemment se demander pourquoi l’accusation s’enferre dans une combine aussi foireuse, étayée par une fable ouvertement malveillante. Mais que voulez-vous qu’elle fasse d’autre ? Qu’elle dise la vérité ? Autant demander au procureur qu’il devienne un propagandiste de la Révolution !

Si la justice s’avance d’une façon si grotesque, c’est tout simplement parce qu’elle n’a plus rien d’autre à agiter pour tenter de duper la conscience sociale, d’enrayer les manifestations de sympathie qui nous sont témoignées pour le combat des Cellules, de récupérer ignoblement la douleur des familles des victimes, de détourner la colère de leurs compagnons de travail, etc.

La leçon principale à tirer des mensonges et des manipulations de l’accusation, c’est l’aveu de la peur de la bourgeoisie devant la vérité de la lutte des Cellules Communistes Combattantes.

Vous êtes donc en mesure d’affirmer que les actions de votre organisation étaient menées en parfaits contrôle et conscience ?

Il n’est pas nécessaire d’affirmer cela, les faits s’en chargent on ne peut plus clairement. Et l’avenir le montrera plus encore.

Avez-vous le sentiment qu’avant votre arrestation, votre groupe ou l’un de vous aurait fait l’objet de manipulations ?

Ne pensez-vous pas qu’il serait plutôt grand temps de vous interroger à propos de la vôtre de manipulation ? Regardez vous-même combien de questions, plus loin dans l’interview, reproduisent des calomnies honteuses répandues à l’encontre de notre organisation par les ténors de l’intox contre-révolutionnaire ! Et pour vous montrer jusqu’à quel point c’est vrai, savez-vous que vos collègues espagnols, grecs, italiens, allemands, etc., véhiculent rigoureusement les mêmes scénarios préfabriqués contre le mouvement communiste révolutionnaire dans leurs pays respectifs ?

Les Cellules Communistes Combattantes sont apparues en octobre 1984 et immédiatement elles ont été l’objet de toutes sortes de campagnes de calomnies. Ces attaques malhonnêtes, les unes après les autres, se sont effondrées en démasquant les intérêts véritables de ceux qui les orchestraient : refuser la vérité de l’époque et fuir la confrontation politique.

Parce que le fond du problème est là et rien que là : tant que l’on discute en termes de mauvais roman d’espionnage, « manipulation », « infiltration », « complot », « déstabilisation », « provocation », et autres fadaises, certains savent très bien que l’on ne discute pas en termes politiques. Certains se réjouissent de ce que l’on ne pose pas sur la table la question centrale qui intéresse réellement le monde du Travail : la question d’une stratégie prolétarienne offensive dans la lutte des classes. Et les mêmes sont ravis de voir occultée cette vérité pourtant décisive : la lutte armée est — ici et dès maintenant — incontournable à la reprise du processus révolutionnaire.

Cet épandage ininterrompu de mystifications contre la lutte des Cellules Communistes Combattantes en particulier et le Marxisme-léninisme en général, met en évidence un fait essentiel : le régime, ses larbins réactionnaires et ses alliés réformistes sont incapables d’affronter publiquement l’une et l’autre sur le terrain du réel.

Les gouvernements Martens et Cie pourraient-ils accepter de confronter leur politique économique capitaliste ( surexploitation, dette, chômage, austérité, etc. ) à la planification socialiste ( nationalisation sans indemnisation, « travailler tous, travailler moins », enrichissement de tous et de chacun, gratuité de tout le service public, etc. ) ? Les partis réformistes pourraient-ils accepter de confronter leur politique, qui soumet le monde du Travail pieds et poings liés aux diktats du patronat et des banques, à la stratégie révolutionnaire qui trace clairement le chemin de conquête du pouvoir par le prolétariat ?

Naturellement non, parce que les couches laborieuses en ont plus que marre d’être impuissantes face à une bourgeoisie toujours plus cupide et féroce, et qu’elles sont à la recherche d’un véritable changement, donc nécessairement du moyen adéquat pour le réaliser.

Alors, pour empêcher que le monde du Travail se reconnaisse dans le Socialisme, pour empêcher qu’il saisisse à pleins bras la stratégie de lutte qui y mène, toutes les forces contre-révolutionnaires ( de droite ou de gauche, sans distinction ) n’ont plus d’autre solution que de brouiller les cartes, d’étouffer sous les plus invraisemblables ordures et diffamations la moindre initiative œuvrant correctement — concrètement — pour la révolution socialiste.

Voilà la véritable raison pour laquelle la lutte de notre organisation est systématiquement falsifiée en un polar malsain par les ennemis du prolétariat. Et voila surtout la raison pour laquelle ce dernier se doit d’étudier le combat des Cellules tel qu’il est réellement.

Pouvez-vous expliquer les faits ou rencontres qui, avant 1984, vous ont conduits vers la lutte armée révolutionnaire ?

Comment devient-on militant(e) révolutionnaire ? Par conscience de classe, par éducation politique, et au regard de la réalité objective.

Méfions-nous d’envisager cette question sous l’angle du romantisme ou de l’individualisme. L’engagement au service de la cause révolutionnaire du prolétariat n’est pas une affaire aventureuse reposant sur tel fait accidentel ou telle rencontre personnelle. L’engagement révolutionnaire émane naturellement de l’espace et du mouvement de la lutte des classes : il en est un produit.

A la rigueur, la question serait d’ailleurs plus constructivement posée en étant inversée : comment est-il possible de ne pas être révolutionnaire aujourd’hui quand on constate la réalité du monde, du pays, quand on étudie un tant soit peu l’Histoire et que l’on est sincèrement attaché aux intérêts des travailleurs ? Comment est-il possible qu’aujourd’hui tant de forces vives de la classe puissent encore être trompées et égarées par les politiques réformistes et capitulardes de la gauche ?

Certes, nous ne nierons quand même pas que chacun ait son vécu, et qu’ainsi telle expérience propre, telle rencontre militante puisse accélérer une prise de conscience, décider d’un engagement, etc., mais ces petites choses-là, plutôt intimes, n’ont pas de signification réelle pour l’ensemble.

Un regard rapide sur nos itinéraires ou sur ceux d’autres militants de l’organisation démontre bien cela. Certains camarades étaient marxistes-léninistes avant de prendre conscience de l’importance stratégique de la lutte armée dans le processus révolutionnaire ici et aujourd’hui ; d’autres étaient convaincus de la nécessité de la pratique armée révolutionnaire mais sur des bases politiques partielles ( anti-fascisme, anti-militarisme, anti-impérialisme, etc. ) avant de comprendre la valeur du Marxisme-Léninisme dans la conduite de la lutte anti-capitaliste. Certains ont rejoint les Cellules après une longue marche politique et militante dans les limites du réformisme, d’autres se sont ouverts à la lutte communiste à partir du combat même des Cellules. Et on pourrait encore citer beaucoup d’autres chemins.

Pour donner une réponse directe à votre question, nous dirons que le fait qui conduit à la lutte armée révolutionnaire, c’est le refus intransigeant de l’exploitation et de l’oppression du capitalisme et que la rencontre qui y mène, c’est la maîtrise du Marxisme-Léninisme comme guide de ce refus. Cela, c’est une réalité que tous les prolétaires peuvent partager.

Réaffirmez-vous n’avoir eu aucune liaison avec les « tueurs du Brabant » ?

Nous n’acceptons plus ce genre d’interrogation insensée et injurieuse. Et laissez-nous dire que vous semblez tenir la clairvoyance de vos lecteurs en piètre estime !

Quel système de défense comptez-vous adopter devant la Cour d’assises ?

Aucun système de défense.

Parce que l’on ne peut jamais se défendre de marcher avec l’Histoire, d’œuvrer pour le communisme. Comment serait-il permis de se défendre de lutter pour une société plus juste, équitable et heureuse ?

Parce que ceux-là qui se repaissent des malheurs de l’humanité nous en feraient grief ? À ceux-là nous n’avons rien à dire, le rapport qui nous lie est la guerre des classes, et pour notre part nous ne sommes pas disposés à y renier quoi que ce soit.

Notre intervention dans le cadre des audiences sera donc fidèle à la cause du peuple et fidèle au devoir des communistes : l’initiative, toujours l’initiative.

Oui, il est juste de se battre pour le Socialisme.

Oui, il est juste de dire que la démocratie ( bourgeoise ) a fait son temps, qu’elle n’est plus aujourd’hui que décadence réactionnaire et qu’il nous faut maintenant gagner l’étape supérieure de notre chemin de libération : la dictature du prolétariat.

Oui, il est juste d’enfreindre les lois quand ce sont celles qui protègent la bourgeoisie.

Oui, il est juste d’exercer la violence révolutionnaire, seule méthode capable de chasser définitivement les exploiteurs du pouvoir.

Oui, il est juste de mener la propagande armée.

Oui, il est juste de construire des Cellules de lutte, de développer des réseaux combattants partout où c’est possible.

Oui, il est juste dès maintenant de prendre les armes et de mener des attaques de guérilla contre la machine impérialiste et l’ennemi bourgeois.

Oui, il est juste de consacrer toutes ses forces à la construction de l’Organisation Combattante des Prolétaires et, ensuite, à celle du Parti Communistes Combattant.

Oui, il est juste de refuser, au prix de sa liberté ou de sa vie si cela s’impose, le crime de la barbarie impérialiste.

Oui, c’est un devoir pour tous les prolétaires et tous les communistes partout dans le monde.

Oui, il est juste d’œuvrer à la Révolution.

Non, cela ne peut plus attendre.

Voilà notre justice.

Tant qu’un seul homme, une seule femme, un seul enfant sur la terre sera exploité, opprimé ou humilié, il sera juste de se battre, il sera défendu d’abandonner les armes.

Peut-on imaginer que l’esclave ait à se défendre de sa révolte devant le maître ? Le Communard devant le versaillais ? Le Résistant devant le nazi ? L’Africain devant le colon ? Le Palestinien devant le sioniste ?

Le Camarade Fidel disait au tribunal qui croyait pouvoir le juger : « Condamnez-nous, peu importe. L’Histoire nous acquittera ». L’Histoire acquitte toujours les révolutionnaires, la victoire est déjà dans notre camp : le communisme c’est la jeunesse du monde.

L’enquête a-t-elle montré une collusion entre les Cellules Communistes Combattantes et le Front Révolutionnaire d’Action Prolétarienne dont des membres se retrouvent avec vous sur le banc des accusés ?

L’enquête a confirmé ce que les Cellules Communistes Combattantes annonçaient franchement dès l’apparition de ce "FRAP" : il n’y a pas — et il ne pourrait jamais y avoir — la moindre collusion entre ce truc et notre organisation.

En fait, c’est là une chose connue depuis longtemps, cet étrange "FRAP" n’était rien d’autre qu’une gaudriole anarchiste développée en marge d’Action Directe et essentiellement malveillante à l’égard des Cellules et de leur juste ligne marxiste-léniniste.

L’instruction démontre tout cela en long et en large. Mais, comme nous l’avons souligné dès le début de cette interview, l’unique chose qui intéresse la justice à l’occasion du procès n’est en rien sa propre cohérence. Ce qui intéresse la justice, c’est l’attaque politique ... et de là, nécessairement, la manipulation. Aussi, plutôt que de renvoyer le dossier "FRAP" dans les bagages d’Action Directe, comme chaque page de ce dossier l’y invite, l’accusation nous balance deux pantins dégrisés dans les pieds.

À quoi cela rime-t-il concrètement ?

Cet amalgame s’inscrit parmi les nombreuses machinations nécessaires pour présenter aux audiences une image falsifiée de notre lutte. Nous confondre ainsi avec des ennemis politiques parachève trente-deux mois d’isolement carcéral renforcé visant à nous interdire toute préparation collective du procès.

La plus grande crainte de la bourgeoisie est que nous apparaissions publiquement tels que nous sommes : quelques militants des Cellules Communistes Combattantes emprisonnés mais toujours dévoués à la cause du prolétariat et fidèles au projet révolutionnaire. Aussi l’isolement est-il chargé d’atomiser notre collectif et l’amalgame doit-il en dénaturer chaque élément. Sans l’aide de ces manœuvres, la justice sait très bien qu’elle n’aurait pas la moindre force politique et idéologique contre nous.

Puisque le combat des Cellules est une fraction indiscutable de la lutte des classes et de l’initiative des communistes organisés, l’amalgame avec ce "FRAP" doit substituer à sa nature politique évidente aux yeux de tous le dénominateur commun de l’infraction pénale. Ainsi abusivement exclue de son véritable contexte, vidée de son contenu, la lutte des Cellules Communistes Combattantes peut être récupérée par les critères judiciaires bourgeois.

Cette confusion organisée entre nous et deux misérables libertaires permet donc à la bourgeoisie de mettre en scène sa grand-messe obscurantiste et contre-révolutionnaire : « la société contre le terrorisme ».

L’amalgame doit aussi permettre à l’appareil judiciaire bourgeois d’entretenir sa façade hypocrite d’apolitisme, d’équité, de sérénité et d’indépendance, tout en remplissant largement les basses œuvres contre-révolutionnaires qui lui sont dévolues. La présence de deux libertaires placés à nos côtés autorisant un fonctionnement répressif différencié, des peines de principe récompenseront les Kollaborateurs tandis que d’autres, très lourdes, seront requises contre nous qui refusons d’abjurer notre dignité de révolutionnaires.

Cet aspect-là de la combine n’est d’ailleurs pas nouveau : les libérations provisoires rapidement accordées à Mme Paternostre et à Mr Van Acker les ont déjà remerciés pour leur bonne volonté et font le pendant de notre enfermement dans les conditions que l’on sait. En réclamant par mille et un tapages égoïstes l’exercice d’une justice « démocratique » dans le cadre d’un État impérialiste, ils s’acquittent de la tâche que leur a tacitement assignée le pouvoir : légitimer la criminalisation de la lutte révolutionnaire.

Dans ce rôle, de surcroît, ils seront aussi la perche tendue par la bourgeoisie à la gauche réformiste pour réaliser l’union sacrée contre-révolutionnaire, la croisade « anti-terroriste ».

En attirant sur tous ces problèmes secondaires, voire sur des questions de procédure ( « respect des droits de la défense », « publicité de l’instruction et des débats », « défense de l’État de droit », etc. ), les démocrates bourgeois — des plus conservateurs aux plus « progressistes » — tenteront comme toujours de cacher l’essentiel : le caractère de classe d’une justice dont la fonction globale est la contrainte et la régulation des rapports sociaux du système capitaliste, d’un système d’exploitation de l’homme par l’homme.

Voilà l’esprit général de cet amalgame abusif : dépolitiser le combat des Cellules Communistes Combattantes, dépolitiser la situation et la lutte des militants prisonniers, permettre l’exercice manipulateur du cirque judiciaire bourgeois, gagner concrètement et justifier idéologiquement notre enfermement, réaliser l’union sacrée de la gauche démocrate et de la bourgeoisie impérialiste dans la pratique de la contre-révolution, préparer et légitimer la répression de demain contre tout mouvement de classe.

Bien entendu, nous dénoncerons cette détestable magouille et lutterons contre elle.

Mais en attendant, elle présente l’avantage de démontrer, sans doute plus ouvertement que nos paroles pourront le faire, combien les appareils policiers et judiciaire ont une approche exclusivement politique du procès, comment ils sont tout entiers fonction des intérêts de la bourgeoisie.

Autant les bourgeois et leurs larbins vantent sur tous les toits l’indépendance de leur justice, autant les faits se chargent de démontrer rigoureusement le contraire.

On a dit que vous auriez partagé, à un moment donné, un appartement avec des membres d’Action Directe et du FRAP. On dit également que lors des perquisitions effectuées en France lors de l’arrestation des militants d’Action Directe, des documents et d’autres pièces retrouvés là établiraient des liens avec des perquisitions effectuées dans l’enquête relative aux CCC en Belgique ...

Il n’y a aucun mystère là-dessous. Notre organisation elle-même n’a jamais caché qu’elle avait entretenu des contacts avec Action Directe en 1983 et 1984. Il est donc tout à fait naturel que des éléments témoignant de ces relations révolues puissent apparaître en France ou en Belgique. En ce qui concerne ce "FRAP", apparu bien plus tardivement, nous ne pensons pas nécessaire de nous répéter.

Et qu’en est-il de cette correspondance que l’un de vous aurait échangée avec des membres d’Action Directe comme J.M. Rouillan, ou avec le militant révolutionnaire internationaliste Frédéric Oriach ?

Pour ce qui concerne les militants d’AD, c’est bien la première fois que nous entendons parler d’une correspondance entre eux et nous. Par contre, il est plus intéressant d’évoquer les échanges avec le camarade Oriach car l’un d’entre eux illustre une des combines grossières de l’accusation.

Au printemps 1985, Frédéric était emprisonné pour ses écrits solidaires de la lutte du peuple palestinien et, à l’époque, il entretenait une correspondance avec Pascale, alors militante dans un collectif de propagande tout à fait public et légal. Cette correspondance était on ne peut plus officielle, elle circulait par la poste, transitait par la censure pénitentiaire et autres services spécialisés ... et traitait de questions théoriques, de l’édition de documents politiques, etc.

Maintenant, le procureur semble vouloir présenter cet échange comme hautement conspiratif ! ( Bien conseillés, certains journalistes n’ont d’ailleurs pas hésité à déclarer que Frédéric Oriach rédigeait les communiqués de notre organisation depuis la prison de La Santé — mais c’est bien sûr ! ). Que voulez-vous, il faut quand même que le procureur trouve n’importe quoi pour justifier l’inculpation de militants qui n’appartenaient tout bonnement pas à l’organisation au moment des faits. Cette farce apparaîtra dans toute sa vacuité dès que les échantillons des lettres incriminées seront rendus publics.

Le point d’interrogation demeure quant au financement des structures clandestines et des campagnes de guérilla ...

Détrompez-vous, aucun point d’interrogation ne demeure quant à la question du financement des Cellules Communistes Combattantes. Elles-mêmes, au printemps 1985, apportaient déjà spontanément toute la lumière à ce propos : l’argent nécessaire à la lutte de l’organisation provient des contributions des militants et des sympathisants, ainsi que des expropriations prolétariennes réalisées dans les banques.

Les banques dévalisent le peuple via la dette publique et mille autres rapines, les révolutionnaires exproprient les banques et restituent au peuple l’argent ainsi saisi à travers la lutte pour le Socialisme. Rien que de très honorable.

Toutefois, il est vrai que les services policiers, listes des attaques de banques non élucidées en main, ignorent lesquelles attribuer à notre organisation. Mais comme il n’y a qu’eux d’intéressés par cette question, inutile d’aller — si jamais nous en étions capables — plus avant à ce propos ... ils ne pourraient qu’en faire un usage déplorable.

Un personnage X serait apparu au cours de l’instruction. Il semble avoir disparu. En savez-vous plus à ce propos ?

Il n’y a pas de personnage mystérieux nommé X. Ce X, en fait, est un machin juridique pouvant désigner aussi bien une personne que cinquante. Lorsque les enquêteurs sont incapables d’attribuer tel ou tel acte à telle ou telle personne identifiée, ils l’attribuent automatiquement à X.

L’enquête contre nous devant être conclue pour qu’un procès puisse se tenir, l’enquête contre X en couvre les lacunes et permet la poursuite des investigations policières contre notre organisation. C’est là un procédé tout à fait habituel.

Par contre, ce qui est nettement moins traditionnel, c’est que les autorités judiciaires d’une part continuent d’envoyer des bataillons de flics aux trousses de X, tandis que d’une autre, par la voix du procureur, elles prétendent que l’ensemble de la lutte des Cellules en 1984 et 1985 serait l’œuvre exclusive de nous quatre. Car de deux choses l’une, soit nous sommes les seuls auteurs de toute l’activité de notre organisation ( et dans ce cas X est de trop ), soit nous n’en sommes pas les auteurs exclusifs et dans ce cas il n’y a pas lieu que le procureur l’affirme souverainement. C’est là l’élémentaire bon sens.

Mais nous avons déjà pu constater comment ne fut-ce que sa propre cohérence ne guide pas l’appareil judiciaire dans sa lutte contre-révolutionnaire. Alors, tirée à hue et à dia, la « très indépendante » justice bourgeoise se retrouve truffée de contradictions. Voyons cela d’un peu plus près, cela vaut la peine.

D’un côté, la bourgeoisie entend faire croire au plus grand nombre que tout le travail des Cellules Communistes Combattantes a été réalisé par nous quatre. Au niveau idéologique, ce bobard lui permet de réduire la lutte d’une organisation communiste à l’activité fébrile de quatre militants, et ainsi de renforcer l’intox selon laquelle notre lutte serait isolée ... pour tenter de l’isoler réellement. Au niveau judiciaire, cette thèse sert grandement les visées de l’accusation, car elle permet de nous condamner globalement dès que la preuve ( même la plus anodine et particulière ) est faite de notre appartenance à l’organisation.

C’est comme cela, par exemple, que l’on peut retrouver Pascale et Didier inculpés pour une année de combat des Cellules ... alors qu’à l’époque ils étaient l’une et l’autre extérieurs à celles-ci.

Mais d’un autre côté, la bourgeoisie sait très bien qu’entre ce qu’elle a besoin de faire croire aux gens, ce qu’elle doit inventer pour ses accusations, et la réalité, il y a la contradiction du mensonge et de la vérité.

Et la vérité est celle-ci : parmi les quatre militants prisonniers, deux n’ont rejoint l’organisation qu’à l’automne 1985 ( et les flics, qui ne les ont pas lâchés d’une semelle durant les douze mois précédents alors qu’ils militaient dans un collectif public de propagande, le savent mieux que quiconque ) ; quant aux deux autres, à moins de leur prêter des talents plutôt exceptionnels, il est difficile de croire qu’ils aient pu assumer à eux seuls l’intense activité de l’organisation avant octobre 1985.

C’est là la très grande gêne de l’accusation. Concrètement, elle est incapable de prouver la participation de chacun d’entre nous à aucune action précise et globalement il est évident qu’elle ne peut prétendre à l’arrestation de tous les militants de l’organisation. Alors elle fuit en avant dans la provocation la plus énorme : les militants arrêtés sont par principe coupables de tout et du reste, et à eux, éventuellement, de démontrer le contraire !

Avec vos arrestations, les Cellules Communistes Combattantes ont-elles été décapitées ?

Certes non ! Et cela tout simplement parce qu’elles n’auraient pu l’être. Expliquons-nous.

Au moment de nos arrestations, les Cellules Communistes Combattantes étaient encore trop restreintes pour devoir impérativement se doter d’une direction collégiale permanente. Les décisions politiques pouvaient être prises à travers un processus de débats « ouverts » impliquant successivement tous les pôles de l’organisation, tandis que les décisions concernant les modalités militaires se prenaient à chaque échelon concerné.

Aujourd’hui, en tant que prisonniers, nous ne savons pas ( et d’ailleurs n’avons pas à savoir ) comment progressent les Cellules et s’organisent nos camarades. Mais cela est peu de chose : nous avons confiance dans notre organisation et ses militants. Nous avons confiance dans le mouvement révolutionnaire du prolétariat, nous savons que l’une, les uns et l’autre ne peuvent que se nourrir réciproquement. Patience. ( Et nous souhaitons un bon travail aux révolutionnaires ! )

La « mobilisation des masses » n’a eu lieu à aucun moment de vos actions ou de votre détention. Est-ce un échec politique ?

Etes-vous sérieux ? Savez-vous ce qu’est une « mobilisation des masses » dans le processus révolutionnaire ? C’est une période insurrectionnelle ou, au moins, pré-insurrectionnelle. Pensez-vous que ce soit là une question d’actualité pour la réalité sociale et politique du pays aujourd’hui ?

La réponse complète à votre question, c’est-à-dire le développement de la stratégie marxiste-léniniste appliquée à la réalité objective de notre pays aujourd’hui, est bien trop vaste et complexe pour être présentée en quelques mots. Nous invitons alors les travailleurs et les militants intéressés à se procurer, étudier et discuter, les écrits politiques dirigeant le combat de notre organisation ou d’autres formations communistes comme les Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant et l’Union des Communistes Combattants italiennes, le Parti Communiste d’Espagne ( reconstitué ) et les Groupes de Résistance Antifasciste du Premier Octobre espagnols, etc.

Mais nous voulons apporter un début de réponse à votre question. Le nom entier de notre organisation est celui-ci : « Cellules Communistes Combattantes pour la construction de l’Organisation Combattante des Prolétaires » ; cela démontre déjà en soi combien celles-ci n’ont jamais eu la sottise de prétendre à la mobilisation des masses ( ce qui est la tâche du Parti, lui-même étape qualitative supérieure à l’Organisation ). Non, les Cellules se sont fixé comme premier objectif stratégique celui qui est le plus modeste : la fondation de l’Organisation Communiste Combattante. Et de surcroît, plus prudentes et sincères encore, elles ont défini leur contribution à cette construction comme nécessairement partielle.

Qu’est-ce que l’Organisation Communiste ? C’est la première unification politique et structurelle des avant-gardes objectives du prolétariat ; unification qui se réalise dans la pratique révolutionnaire et sur base de la théorie marxiste-léniniste. Alors, l’apparition des Cellules en 1984 n’est-elle pas un indéniable progrès dans ces deux domaines ? L’héritage politique des trois premières campagnes n’est-il pas la plus grande richesse où puiser pour guider le présent ?

Qui pourrait nier la vitalité, l’empreinte fertile que les années 1984 et 1985 ont marquées dans la mémoire collective de classe ? Qui pourrait prétendre que ces années n’en annoncent pas d’autres, toujours plus fortes, toujours plus offensives ? Qui pourrait encore accorder maintenant le moindre crédit aux petits groupes réformistes et opportunistes de l’extrême-gauche ? Est-il encore permis de discuter sérieusement de la question révolutionnaire dans ce pays sans que ne s’impose incontournablement celle de la lutte armée, celle de la violence révolutionnaire, celle de la stratégie de la « guerre populaire prolongée » ?

Tout cela, c’est l’acquis indestructible des années 1984 et 1985. Tout cela mûrit. Tout cela, c’est l’avenir en mouvement.

Ensuite, il y avait une seconde partie à votre question : la mobilisation autour de notre détention. Notre réponse sera très brève. Nous avons toujours refusé que se développe une agitation en notre faveur personnelle. L’Association des Parents et Amis des Prisonniers Communistes regroupée autour de nous lutte pour nous garantir de bonnes conditions de travail politique en prison et pour relayer notre expression politique.

Nous sommes des militants au service de la classe prolétarienne et nous n’entendons pas détourner pour notre intérêt personnel la moindre force de classe.

Quant à vos conditions de détention ?

La grève de la faim que nous avons reprise au début de ce mois est la réponse la plus explicite à ce propos. Après bientôt trois années d’isolement carcéral dégradant, et après la liquidation complète des acquis de notre lutte de 1986, nous n’entendons plus tergiverser avec le pouvoir politique et judiciaire de cet État.

En fait, il y a deux leçons très simples à tirer des attaques portées contre les militants communistes prisonniers.

La première, c’est à quel point la bourgeoisie a peur de ce que nous sommes, a peur ne fut-ce que de nos idées. Si le pouvoir bourgeois jouissait encore de la moindre légitimité, de la moindre assise historique, il ne s’inquiéterait pas trop devant notre discours révolutionnaire. Or, il avoue le craindre par-dessus tout. Par là, il révèle toute sa propre vulnérabilité et toute la correction de nos choix. Le pouvoir indique lui-même combien il est possible de le vaincre, et comment la ligne et la stratégie des Cellules Communistes Combattantes constituent la voie pour y parvenir.

La seconde, c’est à quel point il serait irrationnel pour le prolétariat d’accorder le plus petit crédit à l’idéologie démocratique de la bourgeoisie. Si, face à une poignée de militants désarmés au plus profond de ses geôles, le pouvoir d’État se révèle déjà à ce point brutal et terroriste, il est aisé de deviner ce dont il sera capable quand le mouvement de masse se lèvera les armes à la main pour le Socialisme.

Dès lors, tout le monde peut comprendre que la question des prisonniers communistes n’est pas l’affaire personnelle de nous quatre contre une bande de politiciens bourgeois et quelques agents des services spéciaux de l’État. C’est plutôt une question concrète qui concerne directement l’ensemble du mouvement prolétarien : la bourgeoisie, ici et aujourd’hui, a-t-elle ou non les mains libres pour étouffer au fond de ses cachots les révolutionnaires ? Au delà de notre situation propre, c’est un enjeu lourd de signification pour l’avenir de la lutte des classes.