Collectif des prisonnièr(e)s des
Cellules Communistes Combattantes

Déclarations particulières au procès
Sur des faits ( 1
 & 2 ), 29 septembre 1988

[ Textes réécrits à partir de notes ]

1.

Nous allons demander la production de deux pièces d'instruction. Pour commencer, nous voudrions les présenter brièvement ainsi que le cadre auquel elles se réfèrent.

Hier et ce matin nous avons entendu un rapport fait par la juge d'instruction. Certainement, de façon tout à fait spontanée, beaucoup auront pu relever d'eux-mêmes les nombreuses contradictions, incohérences, confusions de dates, de lieux, de personnes, etc., qui caractérisent principalement ce rapport et qui lui ôtent tout crédit. Mais ce n'est pas cet aspect global de la chose qui nous intéresse ici.

[ Interruption de Durant, le président du tribunal. ]

Nous voulons relever deux points particuliers, parmi tous les autres, dans le propos de la juge d'instruction. Et pourquoi ceux-là plutôt que tous les autres à notre disposition dans l'éventail d'invraisemblances de son propos ? Parce que ces deux points ont une dimension politique que nous entendons dénoncer. Une dimension d'autant plus flagrante que ces deux assertions mensongères choisies dans le rapport de la juge d'instruction, nous les retrouvons affirmées avec plus de vigueur encore dans le fameux « acte d'accusation » signé par le procureur et répandues en long et en large, avec autant de mauvaise foi, dans la plupart des médias du régime.

Venons-en à la première pièce en question. Nous avons pu entendre hier la juge d'instruction déclarer sans rire qu'un militant révolutionnaire français, à savoir le camarade Frédéric Oriach, aurait participé à la rédaction ou aux corrections du communiqué de l'action menée par les Cellules Communistes Combattantes le 1er mai 1985. Toujours selon la juge d'instruction — et nous le répétons : plus encore selon « l'acte d'accusation » du procureur —, le révolutionnaire Frédéric Oriach aurait mené ce travail depuis sa détention à la prison de la Santé à Paris et sa correspondante à cette occasion aurait été notre camarade Pascale Vandegeerde.

Pour rappel des propos de la juge d'instruction dont nous ne nous souvenons pas exactement, citons le procureur : « ... les enquêteurs ont saisi une lettre de Frédéric Oriach ( Action Directe ), [ Précisons au passage que le camarade Oriach n'a jamais été militant d'Action Directe et qu'il n'entend certainement pas le devenir ], adressée à Vandegeerde, ainsi qu'un document avec en-tête au nom de Frédéric Oriach intitulé « Corrections des premières pages du texte du 1er mai 1985 » ( attentat contre la FEB ). Les enquêteurs en ont déduit que Vandegeerde envoyait d'abord les communiqués des CCC à Oriach qui les renvoyait après correction. »

Il serait bien sûr légitime de s'inquiéter de l'élémentaire : comment une juge d'instruction et un procureur, des gens en principe renseignés des choses de la police, peuvent-ils raconter sans crainte du ridicule qu'une organisation révolutionnaire clandestine recherchée par toutes les forces répressives écrirait à un prisonnier politique célèbre, lui expédierait à l'avance et par la poste des communiqués d'actions politico-militaires à venir, lui demanderait d'en assurer une correction ... tout cela sous le regard bienveillant de la police, des services spéciaux, des censures pénitentiaires, etc.

[ Interruption de Durant. ]

La réponse à cette question est extrêmement simple : la juge d'instruction et le procureur racontent cela au risque du ridicule, parce qu'ils en ont besoin. Et tant pis si pour ce faire ils inventent dans leur propos des pièces qui n'existent pas. Ou plutôt pour être plus précis : et tant pis s'ils doivent falsifier le contenu de certaines lettres pour qu'elles correspondent aux besoins de leur attaque policière contre nous ou notre organisation. Nous, nous savons que ce document décrit par la juge d'instruction et le procureur n'existe pas. Il n'existe pas, parce qu'il ne peut tout simplement pas exister : le camarade Frédéric Oriach n'a jamais été militant des Cellules Communistes Combattantes et à l'époque du 1er mai 1985 ni la camarade Vandegeerde ni le camarade Chevolet n'avaient encore rejoint notre organisation.

[ Interruption de Durant. ]

L'instruction et l'accusation ont le besoin d'inventer de toutes pièces des documents qui n'existent pas ou d'en falsifier d'autres. Elles ont besoin de cela parce qu’autrement toute leur construction visant à réduire à nous quatre l'ensemble de la lutte de notre organisation s'effondre définitivement. La police a besoin de cela parce qu'elle veut criminaliser le camarade Frédéric Oriach dans notre pays afin de lui en interdire l'accès. C'est là une chose très révélatrice des manœuvres en cours ici.

Alors nous demandons que soit produite maintenant cette fameuse correspondance échangée entre le révolutionnaire Frédéric Oriach et notre camarade Pascale Vandegeerde, correspondance soi-disant saisie dans laquelle le militant français se serait occupé de corriger le communiqué revendicatif de l'action menée contre le quartier général du patronat le 1er mai 1985 par les Cellules Communistes Combattantes.

Au cas où la juge d'instruction et le procureur auraient l'audace de s'enferrer dans leur provocation en exhibant le document évoqué à la page 58 de « l'acte d'accusation », nous demandons que soit rendu public le contenu exact de ce document afin que tous puissent estimer combien il est totalement étranger à la revendication de notre organisation.

2.

[ Il fallut toute la fermeté des militants pour que Durant ouvre le micro et qu'ils puissent lire ce document. ]

Voici la seconde demande de production de pièce d'instruction. Encore une fois, nous allons la présenter très brièvement. Cela d'autant plus que personne ne pourra en contester l'importance capitale. Pour aller droit au but, nous dirons que cette demande est directement liée au drame du 1er mai 1985 et qu'elle permettra de faire la lumière sur les positions des parties en présence dans ce procès.

Nous pourrions, hélas, revenir trop facilement sur les tonnes d'ordures déversées depuis quatre ans par les flics, le monde politique, les médias du régime, par tous ceux-là qui en général ignorent jusqu'au sens du mot honnêteté. Nous ne reviendrons pas sur tout cela mais ce petit rappel était nécessaire pour souligner la portée politique de la question dont nous allons parler, à savoir l'utilisation du drame du 1er mai par la propagande contre-révolutionnaire du régime.

[ Interruption de Durant ]

Tout le monde a pu entendre hier, au cours du rapport fait par la juge d'instruction, cette dernière affirmer péremptoirement que dans l'appel d'avertissement transmis par notre organisation à la gendarmerie, au service 901 la nuit du 1er mai, il était question d'une adresse incomplète si pas fausse, à savoir la rue Ravenstein et non la rue des Sols.

Examinons cette question posément.

Le Premier Mai 1985, deux pompiers sont morts rue des Sols et plusieurs de leurs camarades ont été grièvement blessés. C'est là un drame terrible qui fut ressenti très douloureusement, dans tous les sens du terme par nous, par notre organisation et par le mouvement révolutionnaire. Nous insistons sur ce point ...

Ce drame a eu lieu alors que les Cellules Communistes Combattantes avaient pris deux importantes mesures de prudence qui devaient garantir que l'action menée contre le patronat ne dépasse pas les limites de la destruction matérielle de son quartier général, c'est-à-dire la FEB.

Une des mesures était le dépôt de nombreux tracts d'avertissement bilingues tout autour de la camionnette piégée, dépôt fait au vu de vigiles situés à quelques mètres à peine du lieu de l'intervention. Une autre de ces mesures était un appel clair et précis, un avertissement téléphonique transmis à la gendarmerie.

C'est de cet appel que nous voulons parler maintenant. Nous ne nous souvenons plus exactement des termes employés par la juge d'instruction, mais comme nous avons reconnu dans son propos une copie conforme de « l'acte d'accusation » déjà évoqué à plusieurs reprises, c'est dans les pages de celui-ci que nous allons nous rafraîchir la mémoire.

Ouvrons le document en question, on peut y retrouver la voix de la juge d'instruction. À la page 14, on peut lire le soi-disant message transmis par les Cellules : « CCC, camionnette ... Ravenstein ... touchez pas au véhicule, ça va péter à 0 h 30 ». À la page 15 : « il convient de noter que le message téléphonique indiquait la rue Ravenstein où se trouve l'entrée principale de la F.E.B. et non la rue des Sols ... ». À la page 16 : « Il y a lieu de souligner que l'appel téléphonique concernait la rue Ravenstein ( et non la F.E.B. ou la rue des Sols ) ... ». À la page 18 : « l'arrivée de la gendarmerie ( envoyée à la rue Ravenstein par les CCC ! ) ... ».

Bon, prenons maintenant le communiqué des Cellules Communistes Combattantes, communiqué rendu public le 6 mai 1985 après l'attaque contre la Direction Supérieure de la Logistique et des Finances de la Gendarmerie. Dans ce document, qui expliquait sans complaisance les tenants et aboutissants du drame du 1er mai, on peut lire l'information suivante : « Au même instant, très précisément à minuit quart, un camarade lançait l'alerte via le 901. Il annonçait le placement de la voiture piégée et exigeait impérativement l'évacuation de la rue des Sols et de la rue Ravenstein ( cela fut répété deux fois ) ».

Alors maintenant de deux choses l'une.

Soit notre organisation a menti en affirmant qu'elle avait prévenu la gendarmerie en indiquant la nécessité d'évacuer et la rue Ravenstein et la rue des Sols.

Soit c'est la juge d'instruction, et avec plus d'outrecuidance encore le procureur, qui mentent en affirmant que l'appel reçu par la gendarmerie n'indiquait que la rue Ravenstein et en aucun cas la rue des Sols.

[ Interruption de Durant. ]

Chacun comprendra combien, au-delà des faits concrets, cette question est lourde de sens. Non seulement la résolution de cette question permettra de mieux faire la part des choses en ce qui concerne l'origine du drame du 1er mai, mais surtout elle permettra de voir une bonne fois pour toutes qui, ici, est attaché à la vérité et qui ne recule pas devant des mensonges d'autant plus ignobles qu'ils récupèrent un drame humain à des fins bassement politiques et policières.

Eh bien, nous, militants et militante communistes, nous avons confiance dans l'honnêteté de notre organisation. Nous n'avons pas peur que la vérité surgisse et nous demandons, ici et tout de suite, l'audition publique de l'enregistrement du message d'alerte reçu par la gendarmerie, message enregistré automatiquement par le 901. Vu que cet enregistrement a déjà pas mal voyagé ( il fut même « perdu » tout un temps ), nous indiquons qu'il est répertorié au greffe sous le numéro 9265/85.