Brève chronologie, 1983 – 1986
1983
Amorce d'un processus de réflexion politique et
d'accumulation de forces en vue de l'ouverture d'une pratique révolutionnaire
communiste en Belgique. Les militant(e)s prisonnièr(e)s des Cellules reviendront plus tard, dans « La Flèche et la Cible », sur la situation politique qui vit la genèse de leur organisation en
la résumant ainsi :
« Le prolétariat belge allait souffrir plus brutalement de l’impact de la crise de 1980-1982 car cette fois il n’est plus seulement atteint dans le domaine de l’emploi, mais aussi par une baisse des revenus, un renforcement de l’exploitation, la perte d’acquis sociaux, etc. De 1981 à 1985, la diminution moyenne du pouvoir d’achat par emploi est de l’ordre de 2,2 % l’an, soit en fait 8,7 % de perte cumulée. La perte cumulée de revenu disponible par ménage est évaluée à 4,8 %. Par contre, le niveau du taux de profit des entreprises ( qui avait quelque peu stagné entre 1974 et 1981 ) augmente de 4,3 % l’an durant la même période, soit 17,2 % de gains cumulés. Ce résultat est le fruit des politiques anti-ouvrières des gouvernements Martens / Gol ( coalition social-chrétienne / libérale ), les licenciements massifs et la baisse du salaire réel permettent des gains de productivité considérables. C’est ainsi que, si l’on fixe à 100 le coût salarial par unité produite aux USA en 1970, on obtient pour la Belgique un indice de 248,9 en 1980 et de 142,9 en 1985, soit un gain de productivité de 74 % en cinq ans ! Dans le même temps, la moyenne des mêmes indices auprès des principaux pays concurrents ( USA, Canada, Japon, Pays-Bas, RFA, France, Italie et Royaume-Uni ) passe de 223,1 à 171,1 — soit une modification de 30 % seulement. À cela il faut ajouter la suppression de 170.000 emplois entre 1974 et 1985, qui participe à la nouvelle flambée du chômage »
« Cette situation va engendrer un nouveau cycle de lutte qui culminera avec la grande grève du secteur public lancée en 1983 par les cheminots. Ce cycle comportera bien sûr des luttes où les intérêts de fractions du prolétariat seront mis en avant ( par exemple, l’opposition au plan de restructuration de Cockerill-Sambre, dont la manifestation des sidérurgistes à Bruxelles en 1982 fut un moment très combatif ), mais aussi des luttes à caractère de plus en plus politique dans l’intérêt de l’ensemble du prolétariat ( par exemple, les mobilisations pour la défense de l’index et pour le maintien du secteur public ) et même visant directement le gouvernement en place ( comme la grande grève de septembre 1983 qui fit effectivement vaciller le gouvernement Martens 5 ). Par ailleurs ces luttes ne pouvaient éviter la radicalisation : de chaque côté on lutte le dos au mur. Les capitalistes belges sont harcelés par la concurrence internationale qui de 1974 à 1983 ne cesse de leur rafler des parts du marché et ils n’ont d’autre solution qu’une surexploitation de leurs salariés ... ce qui impose en priorité d’en briser la capacité de résistance. Les licenciements de délégués syndicaux prennent alors une nouvelle ampleur et les luttes qui s’ensuivent, naturellement extrêmement combatives, débouchent parfois sur le lock-out si pas sur la fermeture pure et simple des usines où les ouvriers se montrent trop rétifs aux diktats patronaux. La grève à Cuivre et Zinc en 1983 reste le type même de conflits de cette catégorie. »
« Une double tendance s’affirmait alors. D’une part les conflits deviennent moins fréquents ( de 1978 à 1984 le nombre de journées de travail perdues pour fait de grève chute de 75 % ), ce qui est logique dans la mesure où ils exigent de plus en plus de sacrifices pour des résultats toujours plus aléatoires. D’autre part ces mêmes conflits deviennent plus profonds, plus radicaux, plus politiques. À partir de là — et ceci est très important — la politique et l’idéologie réformistes devaient inévitablement entrer en crise : non seulement le réformisme et le trade-unionisme se révèlent incapables d’apporter des réponses aux besoins des masses en ces jours d’épreuves, mais de surcroît il s’avère que la configuration organisationnelle de classe établie par les réformistes au temps de leur splendeur de la décennie 1960-1970 laisse en fait le monde du Travail désarmé face à une agression ouverte de la bourgeoisie. La chute du niveau de vie des masses, la réactivation de la crise générale du mode de production capitaliste ( dont la caducité apparaît plus crûment ), le bilan négatif des politiques réformistes et des formes de luttes traditionnelles, pacifiques et légales, etc., sont alors autant d’éléments qui créent des conditions objectives favorables pour l’impulsion d’une initiative de lutte révolutionnaire. Des conditions par ailleurs renforcées par une importante mobilisation populaire contre la guerre à la même époque.
Jusqu’à la fin des années 1970 la tendance à la guerre se
manifeste de manière peu perceptible pour les masses. Ainsi, par exemple, la
hausse des dépenses militaires est perçue bien plus comme un gaspillage honteux
( parmi
tant d’autres )
que comme l’expression d’une réelle menace pour la paix en Europe. Et beaucoup
ont d’autres soucis que l’augmentation des interventions militaires
impérialistes dans les pays dominés, le surarmement des USA, la multiplication
des conflits régionaux qui traduisent l’affrontement entre les deux grandes
puissances, etc. En 1979, le projet d’installation de 48 missiles
atomiques US de type Cruise en Belgique ( dans
le cadre d’un plan plus vaste concernant aussi les Pays-Bas, la RFA, le
Royaume-Uni et l’Italie ) va brusquement dévoiler la réalité et la gravité de la
menace de guerre et entraîner une opposition importante. De gigantesques
mobilisations populaires ( 200.000 manifestants à Bruxelles
en 1981, le double en 1983 ! Soit un belge sur 25 dans la rue et la manifestation de
masse la plus énorme depuis la libération de Bruxelles en 1944 )
expriment un large et net refus des missiles US : 79 % de la population se déclare
hostile à l’implantation. Ce qui n’empêche nullement que les Cruise soient déployés en 1985 à la base de Florennes ... et ce qui ajoute encore au discrédit des réformistes qui
tiennent les rênes du mouvement anti-guerre et ont toujours prétendu que
l’expression d’un refus populaire, alliée aux vertus d’un débat parlementaire,
suffirait à empêcher cette installation. »
« Pour résumer, on peut dire qu’à
l’époque de la gestation ( dès 1983 ) et de l’apparition publique ( 1984 ) des Cellules Communistes
Combattantes, une ligne de fracture bien nette se dessinait entre les masses et
le régime, et cela dans des domaines aussi essentiels que l’emploi, les
salaires, les droits sociaux et la paix. Cette fracture était d’autant plus
propice à l’initiative révolutionnaire que les réformistes se trouvaient
incapables de la réduire : les méthodes de lutte et les formes corporatistes
d’organisation héritées des années de croissance économique et de collaboration
de classe institutionnalisée avaient montré leur inaptitude à répondre aux
besoins des masses. Seuls les communistes révolutionnaires étaient en mesure de
proposer une alternative globale et sérieuse au capitalisme en crise, au capitalisme-fauteur-de-guerre. Et à ce tableau général de
la situation belge ( dont certains traits étaient communs à d’autres
pays européens ),
il faudrait encore ajouter nombres de contradictions secondaires ( parce qu’à caractère réformiste ) qui n’en contribuaient pas moins à
rendre le terrain fertile au travail révolutionnaire, pour peu que l’on
développât une politique correcte. »
[ « La Flèche et la Cible », question n° 14 ]
12 mai 1984
Attaque de la caserne « Ratz » du 3e
Chasseurs ardennais, à Vielsalm pendant la nuit, par
des révolutionnaires internationalistes. Un soldat est ligoté et un officier de
garde, qui surprend l'opération en cours, est blessé d'une rafale d'arme
automatique. De nombreuses armes ( fusils FAL, FALO, pistolets-mitrailleurs « Vigneron » ) sont saisies, elles équiperont les Cellules
Communistes Combattantes mais aussi Action Directe.
2 juin 1984
Attaque du dépôt d'explosifs de la carrière de Scoufflény à Ecaussines ( Hainaut ) par des révolutionnaires internationalistes, 816
kilos d'explosifs ( Tolamite, Irémite,
Triamite et dynamite ) sont saisis. Ces explosifs seront employés par les Cellules
Communistes Combattantes mais aussi par Action Directe et la Fraction Armée
Rouge ( RAF ), notamment lors de l'action contre l'école des
officiers de l'OTAN ( SHAPE School,
le 18 décembre 1984, à Oberammergau ( RFA ).
2 octobre
1984
Les Cellules Communistes Combattantes attaquent à l'explosif
LITTON International — LITTON Business Belgium,
à Evere ( Bruxelles ). C'est la première action de la « Campagne anti-impérialiste d'octobre ». LITTON Industrial est
alors la 18e multinationale de l'électronique ( en 1982 et au niveau mondial ) et l'un des principaux pourvoyeurs d'armes de
l'OTAN. À travers sa filiale canadienne, LITTON Industrial
est le concepteur, le fabricant et le producteur du système de guidage des
missiles Cruise qui doivent être installés sur la
base de Florennes. Le 14 octobre 1982, le groupe révolutionnaire Direct Action
avait déjà attaqué avec un camion piégé de 200 kg d'explosifs LlTTON System Canada LTD, là même où est fabriqué le
système de guidage des Cruise, causant ainsi des
dégâts très importants. Le 23 juin 1984, à Düsseldorf, LlTTON
Business System avait été attaqué par des révolutionnaires au moyen d'une bombe
incendiaire. Quelques temps plus tard, le siège italien de LITTON fera aussi
l'objet d'une action du même type.
3 octobre
1984
Les Cellules attaquent à l'aide de carburant et de bombes
incendiaires les camions stockés sur le dépôt de la société MAN Truck and Bus à Dilbeek ( Bruxelles ). C'est la deuxième action de la « Campagne anti-impérialiste d'octobre ». MAN est alors le 7e constructeur
militaire en RFA ( et
par exemple fournit l'armée belge en camions de 4 tonnes ), et le constructeur des semi-remorques de type
P1-A-EL qui transportent et lancent les missiles atomiques US de type Pershing
Il, que l'OTAN vient de déployer en RFA. Pour cette raison, le 19 septembre
1983, les Cellules Révolutionnaires ( RZ ) ont fait
sauter le centre informatique de l'usine MAN de Mayence, en RFA, où sont
précisément fabriqués les châssis des véhicules lanceurs de Pershing.
8 octobre
1984
Les Cellules attaquent à l'explosif le QG de HONEYWELL
Europe à Evere ( Bruxelles ). HONEYWELL, trust bien connu de l'électronique et
de l'informatique, collabore alors activement au programme de construction des
missiles Cruise en fournissant, entre autres,
l'électronique du système de direction. HONEYWELL, c’est aussi le principal
fournisseur dans la fabrication de missiles intercontinentaux de type MX Peacekeeper, le fabricant du système de navigation des
bombardiers géants B-52 ( que l'on équipe alors de la version
air-sol des missiles Cruise ), de radars, de torpilles, de bombes à fragmentation
etc. Rappelons que HONEYWELL avait fabriqué l'ordinateur qui coordonnait
les bombardements massifs de 1972 sur le Nord Vietnam, et que la Fraction Armée
Rouge ( RAF ) a détruit lors de son attaque contre le QG de
l'armée américaine en Europe à Heidelberg. Le 20 novembre 1983,
HONEYWELL-BULL à Düsseldorf avait été attaqué par les Cellules Révolutionnaires
( RZ ). Le 14 décembre 1983, l'United
Freedom Front ( UFF ) avait attaqué, également à l'explosif, les bureaux et installations de
HONEYWELL à New York. L'action d'Evere constitue la troisième action de la « Campagne anti-impérialiste d'octobre ».
15 octobre
1984
Les Cellules attaquent à l'explosif la Fondation
Internationale Jean Rey / Centre Paul Hymans à
Ixelles ( Bruxelles ). Il s'agit de l'institut de recherche politique et
idéologique de l'Internationale Libérale ( dont le Centre Paul Hymans est la section belge ). La Fondation Jean Rey a vu le jour à l'instigation de politiciens
libéraux tels que Otto Graf Lambsdorff ( ex-ministre
ouest-allemand ), Gaston Thorn
( ex-premier ministre luxembourgeois
et ex-président de la CEE ), Willy De Clercq,
Jean Gol, Raymond Pulinckx ( ex-patron des patrons — FEB ), Herman De Croo … Le Parti Réformateur Libéral est à
ce moment un des piliers de la coalition gouvernementale « Martens 5 ».
C'est la quatrième action de la « Campagne
anti-impérialiste d'octobre ».
17 octobre
1984
Les Cellules attaquent à l'explosif, à Gand, le secrétariat
du Parti social-chrétien flamand ( CVP ) de
l'arrondissement de Gent-Eeklo — à savoir
l'arrondissement électoral du Premier ministre Wilfried Martens. C'est la
cinquième action de la « Campagne anti-impérialiste d'octobre ».
19 octobre
1984
Les différents services policiers ( PJ, Gendarmerie, etc. ) lancent une vaste opération connue sous le nom de « Opération Mammouth » : une centaine de perquisitions tous azimuts frappent
les milieux communistes, anarchistes, etc. Au cours de cette opération,
le groupe de propagande révolutionnaire « Ligne
Rouge » dans lequel militent Pascale Vandegeerde et Didier Chevolet
est notamment visé.
Mais ces deux militants ne sont pas autrement inquiétés,
tant il est vrai qu'ils ne sont pas encore militants des Cellules Communistes
Combattantes ( leur
entrée dans l'organisation, qui impliquera une clandestinisation immédiate et totale, n'aura lieu qu'en octobre
1985 ).
5 novembre
1984
Un avis de recherche est lancé contre Pierre Carette, mais le camarade avait depuis longtemps anticipé
cette menace, en passant à la clandestinité plusieurs mois auparavant.
26 novembre
1984
Les Cellules attaquent à l'explosif un centre de télécommunications
périphérique à la base aérienne de Bierset ( près de Liège ). Deux pylônes-antennes et leurs installations au
sol sont détruits. La base de Bierset accueillait les
escadrilles de chasseurs-bombardiers Mirage 5 mis sous le commandement
direct de l’OTAN à travers la 2e Force Aérienne Tactique
Alliée, dont le QG de Ramstein ( RFA ) a été attaqué à la voiture piégée par la Fraction Armée Rouge ( RAF ) en août
1981. C'est la sixième action de la « Campagne
anti-impérialiste d'octobre ».
11 décembre
1984
Les Cellules attaquent le réseau des oléoducs de l'OTAN ( Central Europe
Pipe Line System, CEPS ). Six charges explosives détruisent
des relais de sécurité placés dans des trappes d'accès blindées de la 4e
division ( belge ) du CEPS à Clabecq-Gibecq,
Glons ( en
deux endroits ), Gastuche,
Ensival et Brugelette. Ces actions sont donc portées
simultanément en trois provinces, coupant en des points névralgiques ce réseau souterrain
et l'approvisionnement des forces armées de l'OTAN. Ces six actions s'intègrent
dans la « Campagne anti-impérialiste d'octobre ».
15 janvier
1985
Les Cellules attaquent à la voiture piégée un centre de
l'OTAN à Sint Stevens-Woluwe
( Zaventem ). Cette base abrite le NATO SHAPE Support Group, le
US Benelux Contracting Directorate,
le US Defensive Investigative
Service et le NATO Support Activity. L’action est
dédiée aux prisonnièr(e)s de
la Fraction Armée Rouge ( RAF ) en grève de la faim collective depuis décembre 1984 contre les
conditions de détention / extermination
en RFA. Deux policiers militaires américains sont légèrement blessés lors de
cette action qui conclut la « Campagne
anti-impérialiste d'octobre ».
Janvier
1985
Action Directe et la Fraction Armée Rouge ( RAF ) rendent public le document fondateur du « Front de la guérilla ouest-européenne ». On lit notamment dans ce document :
« Contre tous les débats idéologiques
et les programmes abstraits "sur l'internationalisme", nous affirmons :
La stratégie de la guérilla est,
par sa détermination,
partie et fonction de la guerre de classe internationale,
par sa pratique,
unité politique des communistes en Europe de l'Ouest, construction de l'attaque
contre la totalité du système impérialiste, la transformation matérielle de
l'internationalisme que la situation actuelle nécessite. La stratégie
révolutionnaire authentique en Europe de l'ouest se déploiera dans l'attaque
contre les projets centraux impérialistes :
collectivité et cohérence des combattants, à partir de leur situation
particulière ; unité qui, dans la destruction des
structures Impérialistes, conquiert le terrain sur lequel se développe la
conscience et le pouvoir prolétarien. »
Ce texte est le résultat de discussions auxquelles les
Cellules Communistes Combattantes furent un temps associées. Les Cellules
restèrent hostiles à ce concept de « front » et les militant(e)s prisonnièr(e)s auront plusieurs fois l’occasion d'exposer les
raisons de cette divergence :
« Cette conception [frontiste] qui
constitue la ligne centrale de la RAF depuis 1982 n'est en fait qu'une forme
d'opportunisme à double sens. D'un côté, par son mouvementisme, elle est la
négation des plus élémentaires principes et catégories du matérialisme
historique ainsi que de toute l'expérience du mouvement communiste international,
de l'autre elle prétend ingénument résoudre la faiblesse objective par
l'illusion de la force. Nous pensons que plutôt de se livrer à de narcissiques
liaisons médiatiques, la tâche des militants révolutionnaires est de se lier au
prolétariat de leur pays et d'en unifier les avant-gardes sur une ligne de
classe. »
« Car finalement, que suggèrent les
"anti-impérialistes" ( dans
la plus grande ignorance des thèses léninistes sur l'impérialisme et la lutte
prolétarienne ) ?
Ils proposent indistinctement à tous les pôles à prétention et/ou pratique
radicale ou révolutionnaire en Europe de l'ouest de s'articuler dans une
dynamique plus ou moins commune. Il ne s'agit donc pas pour eux de formaliser / renforcer / qualifier une
unité objective basée sur des caractères politiques ( communauté du but et des objectifs, des principes et
des méthodes, etc. ), mais plutôt de chercher à se
conforter par un artifice d'unification recouvrant en fait l'éclectisme social
et politique promu au nom du principe de " l'autodétermination " des pôles de lutte, ( si pas au nom du principe du " poids grandissant de la subjectivité " ! ). »
« Nous sommes des communistes. Notre
souci n'est pas de résister à la bourgeoisie et à son système ni de faire de la
lutte contre eux une démarche existentielle. Notre but est d'animer un
processus historique menant une classe sociale, le prolétariat, à la conquête
du pouvoir d'État et à l'édification du Socialisme. Il n'est pas inutile de
rappeler cela, car si sur la base de concepts tels que " résistance ",
" libération ", " anti-impérialisme ", etc., toutes les cohabitations se prétendant " unité "
sont en effet possibles, il en va tout à fait différemment dans le cadre du
projet révolutionnaire communiste. Dans ce cadre, qui considère rigoureusement
une classe sociale, un but historique, des principes et méthodes liant
dialectiquement l'une et l'autre, une seule ligne et une seule stratégie justes s'imposent pour guider le prolétariat et ses avant-gardes.
De la même manière que s'imposent une seule direction et une seule organisation : le Parti. »
De ce moment date la fin des relations privilégiées entre
Action Directe et les Cellules Communistes Combattantes ( mais il s'agit de la conclusion d'un processus
d'échanges politiques qui, tout au long de l'année 1984, a mis en évidence les
divergences entre les Cellules et AD ),
et la constitution formelle, dans le mouvement révolutionnaire européen, de
deux grandes lignes : la ligne marxiste-léniniste ( appelant à la formation de Partis de type léniniste
et, sur cette base, d'une Internationale Communiste ) et la ligne « anti-impérialiste » mise en avant par la Fraction Armée Rouge ( RAF ) et
Action Directe. La critique la plus sévère de la ligne « anti-impérialiste »
sera portée par la « Commune Karl Marx » des prisonniers du Parti Communiste d'Espagne ( reconstitué ) et des Groupes Révolutionnaires Antifascistes du
Premier Octobre ( GRAPO ) dans un document datant de février 1986 et intitulé « Deux lignes ».
On peut lire dans ce document :
« Un des plus importants succès du
mouvement de guérilla apparu au début des années 1970 en Europe est d'avoir
brisé la fausse paix bourgeoise réformiste des institutions capitalistes
européennes, et d'avoir ainsi attiré l'attention des masses sur la perspective
révolutionnaire. Mais quelques groupes, trop obnubilés par les succès remportés
par l'activité de guérilla, continuent leurs activités comme si rien n'avait
changé depuis ce temps. Ils ne considèrent pas plus que, aujourd'hui, on ne
peut ajourner l'accomplissement de tâches révolutionnaires historiquement
abandonnées, qu'il faut intégrer l'activité de guérilla dans l'important
mouvement politique, militaire et organisationnel qui naît et s'étend partout.
Il est vrai que, comme les événements l'ont démontré dans la période qui va du
début des années 1970 aux années 1980, cette forme-là d'activité armée s'imposait,
en grande partie, comme le moyen de faire de la politique révolutionnaire dans
les pays impérialistes. Mais aujourd'hui, les conditions ont suffisamment mûri,
et si nous poursuivions la lutte de la même manière, nous poursuivrions, de
façon injustifiée, une pratique unilatérale et même préjudiciable pour le mouvement
révolutionnaire européen. »
« Pour sortir de cette impasse, il
faut réunir les forces révolutionnaires sur la base du marxisme-léninisme,
commencer à élaborer le programme prolétarien de la révolution socialiste et
édifier un Parti léniniste solide et de haute cohésion idéologique. Il est
certain qu'avec une vision politique et militaire plus large, basée sur une position
de classe prolétarienne et fonction des objectifs — des plus immédiats aux
plus lointains — qu'impose au prolétariat la révolution socialiste, nous
pourrons plus adroitement définir nos tâches politiques et militaires. »
20 et 21
avril 1985
Deux attaques à l'explosif visent l'Assemblée de
l'Atlantique Nord puis la firme AEG Telefunken à
Bruxelles. Ces actions sont revendiquées par un « Front Révolutionnaire d'Action Prolétarienne » ( FRAP ). Il se révélera une création de toutes pièces
d'Action Directe, qui se donnait ainsi un « correspondant » belge ( purement artificiel ) au Front de la guérilla ouest-européenne qu'elle avait entrepris de
mettre sur pied avec la Fraction Armée Rouge ( RAF ), après le refus des Cellules de
s'y intégrer.
1er
mai 1985
Les Cellules attaquent à la camionnette piégée le siège du
patronat belge, la Fédération des Entreprises de Belgique ( FEB/VBO ) à Bruxelles. Les gendarmes, avertis préalablement
au téléphone de manière détaillée par les Cellules ne se manifestent pas. Les
vigiles, avertis de la nature de l’action en cours par un tract des Cellules
diffusé sur place et les invitant à évacuer les lieux, appellent les pompiers
sans les informer de la nature du danger :
deux pompiers sont tués dans l'explosion. Les autorités politiques et la presse
escamotent alors la responsabilité de la gendarmerie et en profitent pour se
livrer à une campagne de propagande hystérique qui culminera au procès de
quatre militant(e)s trois ans plus tard. À l'occasion
de cette action, les Cellules Communistes Combattantes rendent public un
document intitulé « À propos de la lutte armée » dans lequel elles exposent leurs vues politiques et
stratégiques. On peut, parmi les trente-cinq points envisagés, lire les
quelques points suivants :
« 5. Actuellement, et dans
ce pays comme dans d’autres, la bourgeoisie et le prolétariat s’affrontent sur
deux terrains fondamentaux : la lutte contre l’austérité et la
lutte contre la guerre. C’est au sein de ces deux affrontements que se trouve,
aujourd’hui, concentré le conflit de classes. »
« Dans chacun de ces espaces de lutte,
une ou plusieurs contradictions irréductibles opposent totalement les exploités
et les exploiteurs, et dans chacun de ces cas, l’impossibilité de trouver un
règlement négocié avec la bourgeoisie induit une opposition de plus en plus
globale, nécessairement de plus en plus politique, au mode de production
capitaliste. Enfin, face à ces deux nœuds de l’antagonisme, les organisations
réformistes et kollaborationnistes ( PC, PS, syndicats et mouvement de
la paix, par ex. ), ont perdu tout crédit quant à
leur volonté et leur capacité de faire face à la situation. »
« Au regard de cela, nous pouvons dire
que la conjoncture est historiquement propice à l’implantation et au développement
d’un fort mouvement révolutionnaire, si la direction politique des avant-gardes
de ce mouvement est capable de comprendre les potentialités et les exigences de
cette conjoncture et de remplir son devoir face à elles. »
« C’est donc au sein des deux champs
où s’affrontent la bourgeoisie et le prolétariat, pour le devenir historique,
que les Cellules Communistes Combattantes fondent leur politique. »
« 6. Il existe pourtant
bien d’autres terrains de mobilisation à partir desquels s’exprime le mécontentement
populaire et sa volonté d’un monde moins injuste. Citons par exemple, les
luttes contre les fastes onéreux pour l’incursion de Wojtyla,
la famine en Ethiopie, la pénalisation de l’avortement, l’anarchique
développement des industries nucléaires, la dégradation de l’environnement, les
interventions US en Amérique latine, etc. »
« Mais, même s’il est vrai que ces
revendications sont fondamentalement légitimes, elles ont un caractère
réformiste, donc secondaire, et ne peuvent être prises en considération comme
contradictions à partir desquelles existe la possibilité d’homogénéisation
politique et organisationnelle de la classe ouvrière. Les luttes réformistes ne
s’opposent pas de façon antagonique au développement du capitalisme, elles
visent généralement à son aménagement et ne visent jamais à sa destruction, ce
qui explique aussi pourquoi ces luttes sont presque toujours dirigées par la petite-bourgeoisie intellectuelle, dont le rôle historique
en cette époque est d’être la courroie de transmission de l’idéologie
bourgeoise vers les masses. »
« Pour résumer, nous pouvons dire que
les luttes réformistes sont l’expression de contradictions objectives entre la
société et l’impérialisme, et que dans ce sens les révolutionnaires doivent y
répondre. Mais elles n’ont en aucun cas la potentialité globalisante,
l’irréductibilité historique qui définissent la lutte contre l’austérité et la
lutte contre la guerre ( même
si aujourd’hui l’organisation des masses sur ces questions est aux mains de la
bourgeoisie et de la petite bourgeoisie ). »
« 7. Dans cette
compréhension des choses, quel doit être l’axe principal du travail politique ? Il faut développer la compréhension de la globalité
recouvrant tous les problèmes auxquels notre classe est confrontée, c’est-à-dire
développer la compréhension de l’impérialisme comme stade suprême du mode de
production capitaliste, de la lutte des classes comme moteur de l’histoire, de
la nécessité de la destruction du mode de production capitaliste et de la
construction de l’État Ouvrier, du socialisme, comme seule réponse à nos
problèmes. »
« Pour les Cellules, comme pour tout
révolutionnaire conséquent, il s’agit donc de mettre en avant l’unité objective
des intérêts de la classe prolétarienne, et sur cette base, tracer les perspectives
concrètes de la marche vers le socialisme. »
« Toute l’activité des Cellules
Communistes Combattantes tend en ce sens, en reliant les mouvements
anti-austérité et anti-guerre en un unique mouvement de classe contre le
capitalisme fauteur de crises et de guerres, en reliant chaque partie de
l’ensemble dans la lutte pour le socialisme. »
(…)
« 11. Par quelles voies les
avant-gardes révolutionnaires peuvent-elles remplir ce travail politique et
organisationnel — et ainsi prétendre à leur légitimité dans cette
responsabilité —, par quels chemins le mouvement de masse peut-il
s’homogénéiser et progresser dans l’optique révolutionnaire ? Nous devons, dès maintenant, mettre en avant les
options stratégiques fondamentales qui peuvent guider le mouvement de masse
sous la direction marxiste-léniniste. Pour les Cellules Communistes
Combattantes, l’analyse matérialiste historique impose, comme option
stratégique majeure et non différable aujourd’hui, la lutte armée, qui seule permettra
le développement qualitatif et quantitatif du combat de classe pour le
communisme. »
(...)
« 14. Une des valeurs
intrinsèques de l’action armée ( celle
sur laquelle on s’arrête trop souvent )
est qu’elle est destruction immédiate, concrète, des instances de domination et
de pouvoir bourgeois. Il est vrai que la mise hors fonction de rouages
essentiels du pouvoir bourgeois permet clairement de tracer une ligne de
démarcation bien nette entre l’ennemi et nous. »
« 15. Mais nous pensons
qu’aujourd’hui une autre valeur est à mettre en avant. L’action armée renforce
et stimule la conscience de la classe ouvrière en ce qu’elle peut être porteuse
de victoires ( même
partielles ). Pour la première fois depuis trop
d’années, ce ne sont plus nous, travailleurs et militants qui en prenons plein
la gueule, mais bien la bourgeoisie qui subit défaite sur défaite. Même si l’on
peut penser que ces victoires sont éphémères dans les faits, après des années
de trahisons, de défaites, de " manifs " matraquées, de prison, d’occupations
d’ateliers ou d’usines sans espoir, de privations pendant les grèves où nous
n’avons rien gagné, et le tout sous le regard méprisant des princes qui
gouvernent, la moindre victoire compte, en ce qu’elle apprend comment elle fut
gagnée, et qu’elle ouvre la porte à des lendemains de combat victorieux. »
« 16. La lutte armée pour
le communisme est un vecteur de propagande particulièrement efficace quand elle
est menée correctement. Cette force réside dans ce qu’elle porte de rupture
avec le cirque démocratique dont la bourgeoisie rédige le programme, dans ce
qu’elle est destruction objective chez l’ennemi, dans ce qu’elle témoigne de la
réalité, même encore limitée, de forces prolétariennes organisées pour la lutte
de classe, et dans ce qu’elle est irrécupérable par les idéologues appointés de
la bourgeoisie : " les faits sont têtus ! " »
« 17. De plus, la pratique
de la lutte armée, en ce qu’elle est rupture révolutionnaire, anticipe et
prépare les phases futures du mouvement révolutionnaire, la guerre civile,
l’insurrection, pour la prise du pouvoir par le prolétariat et l’élimination de
la bourgeoisie et ses agents. Le mouvement de classe, trempé dans la lutte de
guérilla, arrivera aux échéances décisives de son histoire avec l’expérience et
l’organisation, les forces réelles de maturité politique, organisationnelle, et
même subjective absolument nécessaires. »
« 18. La lutte armée pour
le communisme permet enfin de démasquer par les faits tous les traîtres au
mouvement ouvrier, tous ceux qui ne manquent pas de rejoindre la bourgeoisie et
de dénoncer les révolutionnaires quand l’orage s’annonce ! La lutte armée a un
caractère d’anticipation concrète du pouvoir ouvrier, elle démasque les
politiques de kollaboration et d’intégration des
traîtres syndicaux et réformistes. »
« 19. Et surtout, la lutte
armée exprime la pratique d’un véritable Internationalisme Prolétarien, car, à
l’époque où le mode de production capitaliste a mondialisé sa domination, à
l’époque de l’impérialisme, une unité de plus en plus grande s’impose entre les
avant-gardes et les masses des pays dominés et des métropoles. Cette unité,
face à un ennemi commun, se réalise dans le combat révolutionnaire et impose
d’attaquer l’ennemi sur tous les fronts. À l’heure où tant de peuples du monde
combattent la bête les armes à la main, les révolutionnaires dans les
métropoles se doivent d’attaquer les arrières de la machine impérialiste avec
la même détermination. »
(…)
« 21. Depuis Marx et
jusqu’à la fin de la seconde guerre, les communistes conséquents défendaient la
thèse de la prise du pouvoir par la classe ouvrière en un temps très bref, sous
la forme d’une insurrection. Le triomphe de la Révolution d’Octobre à l’appui,
cette thèse fut au centre de la conception de la Troisième Internationale ( Komintern ), selon laquelle le rôle des Partis Communistes
était de développer une politique de conscientisation et d’organisation des
masses en fonction de cette échéance, et cela, légalement ou " paralégalement ". »
« La faillite des partis " communistes "
organisés sur cette thèse nous oblige à voir pourquoi les PCI, PCF, PCE, et les
autres ont sombré, d’abord dans le révisionnisme, ensuite dans le plus imbécile
des réformismes pour se muer en partis sociaux-démocrates. »
« Cette thèse tenant l’insurrection
pour des jours meilleurs, pour une échéance lointaine vis-à-vis de laquelle il
fallait être " prêt " a, de fil en aiguille, d’année en année, amené ces partis à la
perdre de vue et à en oublier la finalité de leur raison. L’hypertrophie du
travail légal de " conscientisation " a fini par recouvrir la totalité des activités
de ces partis, les amenant, poussés par un populisme anxieux, à ne plus se
mouvoir que dans l’espace du légalisme bourgeois, c’est-à-dire à participer
activement à son équilibre. »
« Si, dès maintenant, on ne tient pas
compte du but, c’est-à-dire de la prise du pouvoir par le prolétariat dans un
processus de violence, et des échéances, si on ne tient pas compte de cela dans
chacun de nos gestes, alors, de fait, cette échéance recule. »
« Les " avant-gardes "
de la classe ouvrière qui n’organisent pas tous leurs efforts en vue de la
prise du pouvoir par les masses et de l’exercice de la violence
révolutionnaire, deviennent rapidement des " arrière-gardes " sombrées dans le
révisionnisme, le réformisme, la trahison. »
À ce document est annexée une « Lettre ouverte aux militants de base de PTB ... et aux autres »
qui fustige la réaction infantile et hystérique de la direction de PTB à
l'apparition des Cellules ( cette
réaction était d'un aveuglement volontaire :
la réalité des Cellules et de ce qu'elles représentaient — une initiative
vraiment révolutionnaire et donc une critique vivante du légalisme et de
l'opportunisme de PTB — était purement et simplement niée, jugée comme non
existante, PTB ne préférant voir que de fantasmatiques « complots »
et « provocations » ). Un
autre document est annexé au texte « Sur
la lutte armée », il s'agit de « Réponses concrètes à des questions concrètes » démontant, exemples concrets à l'appui, quelques
bobards répandus ( notamment
par la presse de PTB ) sur les Cellules Communistes
Combattantes.
6 mai 1985
Les Cellules attaquent à l'explosif la Direction Supérieure
de la Logistique et des Finances de la Gendarmerie à Woluwe-Saint-Pierre ( Bruxelles ). Cette action répond à la campagne de presse dirigée
contre les Cellules à propos des événements du premier mai et leur permet de
s'expliquer en soulignant, entre autres, que la Gendarmerie a été avertie en
temps et en heure de l'action contre la FEB, de telle manière qu'elle était en
mesure d'assurer l'évacuation des quelques vigiles d'ordinaire seuls présents
dans la rue.
1985
Une bombe artisanale est découverte sous une camionnette de
gendarmerie à Saint-Josse ( Bruxelles ). Cette tentative d'action est revendiquée par un « GIA », un « Groupe Inconnu Anarchiste » ( malicieux
démarquage du GlA officiel, le Groupe Interforces Antiterroristes ). Ce « GIA » avait déjà réalisé deux actions à l'explosif avant l'apparition
publique des Cellules Communistes Combattantes. La première charge avait
explosé à l'entrée du palais de justice de Bruxelles, la seconde avait explosé
devant une agence de la Société Générale de Banque à Ixelles ( Bruxelles ).
26 juin
1985
Une tentative d'attentat est menée contre l'usine ACEC à Drogenbos, la charge déposée n'explose pas et est
abandonnée sur place sans avertissement ni précaution. L'action avortée est
revendiquée par le « FRAP ».
3 juillet
1985
La police arrête sur un parking d'autoroute à Heverlee ( près de
Louvain ) AA et LJC, deux jeunes militant(e)s
révolutionnaires proches du groupe « Ligne
Rouge », qui sont en train de déterrer un pistolet-mitrailleur
« Sterling ». Le père de la camarade, ancien combattant
républicain de la guerre civile espagnole, est aussi arrêté. Tous trois nient appartenir
aux Cellules Communistes Combattantes, non sans cacher leur sympathie pour elles.
Le pistolet-mitrailleur étant hors d'usage, ils sortiront peu à peu de prison ( le dernier en 1986 ).
15 août
1985
Selon ses dires suite à des filatures de CP. — qu'elle
arrête —, la police judiciaire perquisitionne deux bases d'Action Directe
à Uccle et Anderlecht ( Bruxelles ). Des documents relatifs à de futures actions du « FRAP », des
documents d'Action Directe, des explosifs provenant d'Ecaussines
et des armes de Vielsalm y sont découverts. La
révélation de la relation directe entre Action Directe et le « FRAP »
transforme la nature de la fracture entre les Cellules et AD. Alors que
l'éloignement, fruit des divergences politiques, était conçu dans le respect
mutuel, la création irresponsable du « FRAP », qui fut tout profit pour la contre-révolution,
mène les Cellules à refuser tout contact avec Action Directe tant qu'une
autocritique de sa part n'aura pas rétabli « le
minimum de confiance nécessaire ».
8 octobre
1985
Les Cellules attaquent à la camionnette le siège principal
du trust de l'énergie INTERCOM à Bruxelles. Au cours des trois années
précédentes, les trois trusts de l'énergie ( EBES, INTERCOM et UNERG ) ont réalisé 36 milliards de bénéfices ( sans payer un franc d'impôt en raison de leur statut « d'intercommunales mixtes » bien que les intérêts privés s'y élèvent à 87 % de la distribution et à la quasi totalité des
moyens de production ), tandis qu'à Bruxelles 30.000
compteurs sont coupés en permanence et 56.000, rien que pour l'UNERG, dans le Brabant. Les tarifs de gaz ont augmenté de
40 % durant les trois mêmes années.
L'hiver 1984-1985 a provoqué le décès de nombreuses personnes privées de
chauffage par INTERCOM et ses homologues. Cette action ouvre la « Campagne Karl Marx »
dont les mots d'ordre sont : « Contre le capitalisme et sa crise :
la guerre civile ! »,
« En avant vers la construction de
l'Organisation Combattante des Prolétaires ».
12 octobre
1985
Les Cellules attaquent simultanément, au moyen de deux
charges explosives, le siège régional de FABRIMETAL ( association patronale de la
métallurgie, des industries mécaniques, électriques et plastiques ) et l'Office des Contributions Directes, à Charleroi.
Ces deux actions font partie de la « Campagne
Karl Marx ». A titre d'exemple des communiqués
que les Cellules rendent public lors de chaque action, voici ce qu'elles écrivent
à l'occasion de l'action contre FABRIMETAL :
« Sous la présidence du patron de Boelwerf SA, Philippe Saverys,
qui est par ailleurs membre du Comité de Direction de la Fédération des Entreprises
de Belgique ( FEB - VBO, dont
nous avons détruit le siège principal ce 1er mai ) et administrateur du Groupe Bruxelles-Lambert ainsi que du holding COBEPA, FABRIMETAL
est en fait le point de jonction du patronat belge des secteurs métallurgiques,
mécaniques, etc., grâce auquel s’élaborent les offensives anti-ouvrières selon
les directives FEB et CEE »
« Car si, dans la métallurgie comme
ailleurs, le rétrécissement de la base d’exploitation de la bourgeoisie
implique une concurrence de plus en plus acharnée et de plus en plus agressive
tant au niveau national ( opposition entre Cockerill Sambre et Sidmar, par
exemple )
qu’au niveau européen ( concurrence entre la Belgique, les industries de Lorraine,
de la Rhur, d’Italie etc. ) et qu’au
niveau mondial ( voir
le récent conflit CEE/USA à propos des exportations de tubes d’acier ), il est un point où tous les
patrons de la métallurgie, administrateurs de holdings, fonctionnaires
nationaux ou européens s’entendent. »
« Cette belle unanimité se traduit par
la tentative de faire peser au maximum le poids de la crise capitaliste de
surproduction d’acier, de la surproduction d’outils de travail, sur les épaules
des prolétaires d’Europe, toutes nationalités confondues. »
« Il y a là un jeu subtil de la
bourgeoisie impérialiste qu’il convient de bien saisir si le monde du travail
veut intervenir efficacement dans cette situation. Nous avons d’un côté
concurrence acharnée, d’un autre tentative nationale ou européenne de mettre un
minimum d’ordre dans ce foutoir, et par dessus tout unanimité à exploiter un
maximum les travailleurs. »
« — Concurrence acharnée tout d’abord,
quand au sein de la CEE la consommation d’acier a baissé de 2 % chaque année de 1980 à 1984. Toutes les entreprises
sidérurgiques européennes n’atteignant pas rapidement le " top niveau " en matière de productivité
périrent rapidement dans cette crise. Cette situation affirma les tensions
internationales à travers, par exemple, l’augmentation des barrières
douanières, l’imposition de quotas d’importation, les échecs dans les
négociations internationales ayant trait au libre-échange ( GATT ), etc. »
« — Tentative de rationalisations
ensuite, particulièrement à l’échelle européenne où, sous l’égide de Davignon ( récemment nommé Président de la
Société Générale de Banque et Administrateur de Solvay, tiens, tiens ... ), l’instauration de quotas de production et leur
répartition entre les différentes industries nationales sonnèrent le glas pour
les sidérurgistes lorrains, luxembourgeois et wallons. Cette politique étant
répercutée au niveau national par des responsables bourgeois tels que Jean
Gandois ou Raymond Haim Lévy, son successeur à la
tête de Cockerill-Sambre et ancien responsable des
fermetures à USINOR et Creusot-Loire, en France. »
« — Politique anti-prolétarienne
enfin, car si au sein de la CEE la production d’acier a diminué de 25 % entre 1974 et 1984, l’emploi y a diminué, sur la
même période, de 44 % ! Et ce n’est pas seulement le
volume de l’emploi qui est dans le collimateur de la bourgeoisie impérialiste,
mais également sa stabilité, les revenus, les droits syndicaux, etc. »
« Si l’emploi global diminue,
l’exploitation du travail du sidérurgiste est, par contre, en augmentation
constante. 100 heures de travail en 1983 permettaient la production de 16,3
tonnes d’acier, et les mêmes cent heures permettaient l’année passée 2,2 tonnes
supplémentaires. À l’heure du bilan pour les métallos d’Europe, il ne reste
qu’une surexploitation et 350.000 emplois supprimés en 10 ans. »
« La surproduction d’acier est aussi
typiquement capitaliste que la surproduction agricole ( " excédents " laitiers et autres ). Et il apparaît clairement que
seuls les rapports induits par le mode de production capitaliste développent de
pareilles aberrations ! L’humanité a besoin d’acier, de transports, de câbles, de
navires ou de logements comme elle a besoin d’aliments. Il faut en finir avec
cette absurdité !
Le déménagement de VALFIL en Chine en est l’illustration. Ici, l’usine était de
trop, comme elle sera bientôt de " trop " pour les capitalistes
chinois. La surexploitation des travailleurs chinois pour des salaires de
misère leur accorde néanmoins un sursis. »
« Aujourd’hui, les travailleurs de la
sidérurgie paient durement les défaites passées, défaites dont il faut dès
maintenant tirer les leçons. Comment un tel carnage put-il
être réalisé par la bourgeoisie impérialiste ? »
« Celle-ci a, avant tout, savamment
provoqué, développé et entretenu la division entre les travailleurs. Qui s’est
réellement soucié des luttes admirables des prolétaires français et immigrés,
d’USINOR, SACILOR et d’autres ? Au delà d’une solidarité ponctuelle et d’une modeste
reconnaissance de l’appartenance à un même monde, celui du travail et de l’acier,
ces camarades se sont battus seuls. Quelques années plus tard, ce fut notre
tour et nous nous retrouvâmes également seuls, et plus encore car non seulement
isolés de nos camarades de RFA, d’Angleterre ou d’ailleurs, mais aussi entre
nous. »
« Le sceptre de la division s’est
répandu également entre les travailleurs du nord et du sud du pays, division
exploitée par nos notables régionaux qui, sous le prétexte du fait que ce fut
la Wallonie qui souffrit le plus des restructurations, déchargèrent la bourgeoisie
impérialiste transnationale de sa responsabilité pour la faire endosser sur une
" entité
flamande ",
confondant de manière insultante travailleurs et patronat flamands. Pire, la
pomme de discorde fut même portée au sein du prolétariat wallon dans l’odieuse
mise en scène de " guerre des bassins " où, somme toute, les
licenciés de Montignies pouvaient encore s’estimer
heureux et consolés par les licenciements à Seraing ! Et vice-versa ! L’égalité dans le chômage et la
misère était respectée, les profits assurés pour les patrons : c’est cela la démocratie
bourgeoise. »
« À cette occasion, les appareils
réformistes ( politiques ou syndicaux ) se sont ouvertement dénoncés comme
ce qu’ils sont :
des capitulards !
En échange de vagues promesses sur l’emploi, de considérations fumeuses sur la
réduction du temps de travail, de miroirs aux alouettes dans lesquels ils se
contemplent et pour lesquels ils nous vendent et nous trahissent, les
réformistes se sont, au nom d’une politique " raisonnable " — la raison du capital —,
prostitués à la bourgeoisie. »
« Tout cela est certes fort amer. Et
il faut faire en sorte que cela ne se reproduise plus, et plus encore, que cela
ne puisse plus se reproduire, plus jamais. Pour balayer le carcan de la
dictature bourgeoise, il nous faut balayer le carcan du mode de production
capitaliste. Pour balayer le mode de production capitaliste, il nous faut
construire un nouvel ordre économique mondial, de nouveaux rapports économiques
et sociaux basés sur la production de richesses pour la satisfaction des
besoins de tous et de chacun. Il nous faut marcher vers le Socialisme, vers le
Communisme. Pour cela, il faut que le monde du travail soit seul maître de son
histoire, qu’il ne concède plus rien à la bourgeoisie. Et comme aujourd’hui les
rapports entre les classes sont la domination de la bourgeoisie, il faut que le
prolétariat s’arme de toutes ses forces pour imposer sa dictature. Il faut nous
organiser et frapper sans relâche l’ennemi dans une perspective révolutionnaire
de prise du pouvoir par la classe ouvrière ! Notre attaque contre l’association
patronale FABRIMETAL n’est que cela, elle est tout cela. »
19 octobre
1985
Les Cellules attaquent à l'explosif un bureau d'information
et de recrutement des forces armées à Namur. Cette action ouvre la « Campagne Pierre Akkerman » ( du
nom d'un militant communiste belge, commissaire politique à la Xlle Brigade Internationale, mort au combat en
janvier 1937 au nord de Madrid ).
20 octobre
1985
Les Cellules mènent une attaque symbolique à Uccle ( Bruxelles ), elles lancent un cocktail Molotov contre la
voiture de Pierre Galand, dirigeant du Comité
National d'Action pour la Paix et le Développement ( CNAPD ) et
acteur de premier plan dans l'orientation pacifiste petite bourgeoise impulsée
au mouvement de masse contre la guerre.
Cette action est la deuxième de la « Campagne Pierre Akkerman ».
4-5
novembre 1985.
Les Cellules attaquent quatre importants centres de
l'oligarchie financière à Charleroi, à Etterbeek ( Bruxelles ) et à Leuven ( Louvain ).
Le siège bruxellois de la Banque Bruxelles Lambert ( BBL ) est
attaqué à la voiture piégée dans la nuit du 4 novembre ; un vigile de la société SECURITAS intervenant contre
l'action en cours essuie une rafale d'arme automatique, sans être blessé mais sans
plus insister. Le siège de la Société Générale de Banque ( SGB ) à
Charleroi est attaqué en plein jour, le matin du 4, par des militants qui y
placent une charge et diffusent des tracts provoquant l'évacuation du bâtiment.
Le siège de la Manufacturer Hanover Bank ( MHB ) dans la même ville est attaqué à l'explosif dans la
nuit du 5 novembre. Dans la journée du 5, le siège de la Kredietbank
( KB ) à Louvain est attaqué comme l'a été le siège de la
SGB la veille. Le BBL, la KB et la SGB sont les principales banques du pays ; la MHB est engagée, en pleine crise de la dette du
tiers-monde, dans des crédits aux pays pauvres s'élevant à 370 milliards de dollars.
Ces quatre actions font partie de la « Campagne
Karl Marx ».
21 novembre
1985
Les Cellules attaquent à l'explosif le QG européen de
MOTOROLA Corp à Watermael-Boitsfort ( Bruxelles ). Cette action, la troisième de la « Campagne Pierre Akkerrnan », est réalisée en plein jour au quatrième étage d'un
immeuble de bureaux ( les
militants installent la charge et diffusent des tracts appelant à l'évacuation
du bâtiment ), au moment même où le président
américain Reagan entre au siège de l'OTAN à Bruxelles pour y présider une
réunion des chefs d'États impérialistes. MOTOROLA, trust US de l'électronique
militaire, est impliqué dans des programmes de missiles, d'avions de
reconnaissance, de bombes à fragmentation, etc., et à l’époque équipe notamment
les forces de sécurité de l'Apartheid. Ce trust a fait l'objet en janvier 1984
d'une attaque à l'explosif de l'United Freedom Front ( UFF ) à New-York.
4 décembre
1985
Les Cellules attaquent à l'explosif le siège anversois de la
Bank of America. Cette
action, la quatrième de la « Campagne
Pierre Akkerman »,
se déroule elle aussi en plein jour :
les militants diffusent des tracts appelant à l'évacuation des lieux. La Bank of America est alors la
seconde banque en ordre d'importance au niveau mondial.
6 décembre
1985
Les Cellules Communistes Combattantes et un groupe de
communistes internationalistes en France attaquent conjointement le réseau des
oléoducs de l'OTAN ( CEPS ). Les Cellules détruisent à l'explosif le relais de
sécurité de Petegem mais ne parviennent pas à
détruire le relais d'Huissignies, tandis que d’autres
militants communistes attaquent à l'explosif le Central Europe Operating Agency, le quartier général du CEPS situé à Versailles. Ces
actions clôturent la « Campagne Pierre Akkerman ».
16 décembre
1985
La police arrête dans l'après-midi Pierre Carette, Didier Chevolet,
Bertrand Sassoye et Pascale Vandergeerde,
militants et militante des Cellules en réunion à Namur. Ils sont transférés par
l'Escadron Spécial d'Intervention de la Gendarmerie à Bruxelles en début de
soirée et amenés le lendemain aux prisons de Forest et de Saint-Gilles. À ce
moment-là, la police a repéré trois structures de l'organisation, toutes dans
la région de Charleroi : un appartement dans la ville et un
garage à Marcinelle qui sont investis, et un appartement à Dampremy
autour duquel est monté un guet-apens. Armes, voiture, explosifs et documents sont
découverts.
Janvier
1986
La police arrête LVA qui finit par reconnaître une
participation aux activités du « FRAP » dans un des appartements perquisitionnés en juin
1985.
17 janvier
1986
Avertie par un propriétaire, suite à la diffusion à la télévision
des photos des militant(e)s arrêté(e)s à Namur, la police investit une base des
Cellules à Saint-Josse ( Bruxelles )
et ensuite, grâce aux documents découverts là, un garage à Molenbeek
( Bruxelles ). Sont découverts des armes, des munitions, des
explosifs, des faux papiers, des archives, une voiture, etc.
Janvier
1986
Les quatre militant(e)s des
Cellules Communistes Combattantes détenu(e)s à l’isolement depuis leur
arrestation ( un isolement qui durera trois ans ) rendent public un document où ils et elle expriment
leur confiance dans la capacité de la lutte révolutionnaire à surmonter l'effet
de l'offensive policière.
1er
février 1986
Un locataire du premier étage d'un immeuble du centre de
Liège voit son appartement investi par des personnes armées, qui le quittent
aussitôt, dans la confusion. La police, constatant que le locataire du rez-de-chaussée
est absent depuis plusieurs semaines, force la porte du logement … et découvre une importante base des Cellules
contenant des armes, des explosifs, des faux documents, du matériel de
reproduction, etc.
1er
mai 1986
Une grenade est lancée contre le siège de la Société
Générale de Banque à La Louvière. Cette action n’est pas revendiquée.
17 juin
1986
La police arrête à Bruxelles PV, un militant proche du
groupe « Ligne Rouge ». Il est porteur d'un pistolet et la police l'accuse
de tentative de reconstitution des Cellules Communistes Combattantes ( un projet de
revendication d'un attentat à venir ayant été trouvé par la suite ). Il se révélera que ces ébauches d'initiatives ne
relevaient aucunement des Cellules, tout se développant spontanément dans la
périphérie des cercles sympathisants. PV finira par collaborer avec la police
mais, si ses déclarations vaudront des ennuis à plusieurs militants et sympathisants
communistes, elles ne toucheront pas les Cellules avec lesquelles il n'a jamais
eu de contact. La collaboration de PV lui vaudra une condamnation de principe
pour son « port d'arme prohibée ». Elle sera toutefois à l'origine de plusieurs
opérations répressives, et notamment celle qui verra l'arrestation et
l'emprisonnement de CV, militant à « Ligne
Rouge ». Considérant la situation
extrêmement confuse et malsaine dans laquelle se trouve alors le groupe « Ligne Rouge »
( suite à
l'affaire PV, à d'importantes lacunes de direction, à une infiltration
policière, etc. ), les prisonnièr(e)s
des Cellules en demandent et obtiennent la dissolution.