Collectif des prisonnièr(e)s des
Cellules Communistes Combattantes

Le "FRAP", provocation et repentir

Avertissement

Nous aurions de loin préféré ne pas avoir à rédiger ce dossier.

En premier lieu, parce que nous n'y avons trouvé aucun intérêt. Nous estimons plus constructif et enrichissant de consacrer notre travail collectif au débat et à l'élaboration théorico-politique — au service de la révolution — qu'à la dénonciation de deux repentis et de leur malfaisance ( d'autant qu'eux et leur aventure nous sont entièrement étrangers ).

En second lieu, parce que selon l'expression courante : « plus on remue la merde, plus elle pue ».

Nous savons déjà tout l'acharnement que mettent bourgeoisie, police, etc. à diffamer le combat communiste et nous ne trouvons pas agréable de devoir exposer au grand jour des faits lamentables par lesquels ces ennemis tenteront de calomnier plus encore notre cause. Dénoncer des repentis, c'est aussi souligner l'erreur de ceux qui ont accueilli pareils misérables en leur sein et une victoire — certes insignifiante dans ce cas — de la contre-insurrection.

On ne peut évidemment rêver d'une lutte sans tache, cela n'existe pas. Toute lutte charrie son lot d'erreurs, d'imprudences ... et de trahisons. L'expérience montre que la lutte révolutionnaire n'échappe pas à ce problème.

Dans ce cadre, le devoir des militants révolutionnaires est de reconnaître leurs erreurs, d'apprendre d'elles afin de ne pas les reproduire. Il consiste aussi à mener une lutte infatigable dans leurs rangs pour le respect des principes organisationnels et de la morale communiste. Voilà comment se garantit le succès de l'avenir.

C'est dans un tel esprit que nous avons finalement décidé de rédiger ce document. Nous souhaitons qu'il n'en soit fait qu'un usage restreint, disons : utilitaire. Quel avantage y aurait-il à déterrer en grandes pompes de vieux cadavres putrides ? Aucun. Mais il s'impose de bien tasser la terre sur leur tombe quand ils manifestent la volonté d'en sortir.

Introduction

Au mois de juillet 1989, le bulletin Alternative Libertaire a présenté une très grande annonce — quasi une page pleine — à ses lecteurs : un appel en faveur de sept prisonniers. Parmi ceux-ci nous quatre, militante et militants des Cellules Communistes Combattantes. Comme nous avions été engagés malgré nous dans cette annonce, comme nous n'en partagions pas l'orientation politique et de surcroît elle nous liait honteusement aux deux repentis du "FRAP", Van Acker et Paternostre, nous avons demandé à Alternative Libertaire de publier un rectificatif dans son édition suivante. Ce qui fut accepté par le journal.

Mais ne fut pas du goût des deux repentis en question. Et dans l'édition d'octobre d'Alternative Libertaire, ils se sont tous deux fendus d'un courrier affolé où la stupidité politique, la plus basse immoralité, la tromperie et l'injure se subliment en un nauséeux bouillon.

Devant l'énormité du contenu de ces deux lettres, nous avons réfléchi à l'opportunité d'une nouvelle réaction de notre part.

D'un côté, nous savons qu'il serait maladroit et erroné de dialoguer avec ce duo de canailles. Maladroit, parce que ne fût-ce que les considérer comme interlocuteurs — même méprisables — reviendrait à leur apporter un crédit injustifié. Erroné, en ce que leurs éructations malsaines sont indignes d'un débat.

Mais, d'un autre côté, nous pensons qu'il serait inconscient d'ignorer les manœuvres de ces repentis. Non seulement ils ont déjà fait suffisamment de tort à la lutte révolutionnaire mais en plus il est manifeste qu'ils ne comptent pas se reposer sur leurs tristes lauriers. Quand nous découvrons que Van Acker et Paternostre prétendent à nouveau à la parole, qu'ils s'érigent effrontément en donneurs de leçons ... et même en juges du combat communiste ! et qu'ils revendiquent tant un « engagement militant » qu'une « solidarité avec les révolutionnaires », nous estimons qu'il est de notre devoir de parler, de dire qui sont réellement et complètement ces scélérats et ainsi d'avertir ceux qu'ils projettent de duper.

Le dossier qui suit est partagé en trois parties. La première traite du "FRAP" en lui-même ; la seconde concerne les arrestations et la collaboration politico-policière de Paternostre et Van Acker ; la troisième est consacrée au courrier des deux repentis dans Alternative Libertaire. Nous espérons qu'en vidangeant complètement la fosse où s'ébattent Van Acker et Paternostre, nous empêcherons que ses miasmes n'empuantent encore — voire empoisonnent — l'atmosphère, nous empêcherons les deux repentis de nuire à nouveau.

Première partie

Le "FRAP", « Front Révolutionnaire d'Action Prolétarienne » ( sic ! )

Qu'est-ce que le "FRAP" ? Soyons honnêtes jusqu'aux bouts des doigts et reconnaissons d'emblée les limites de notre réponse à cette question. D'un côté, nous n'avons jamais rencontré qui que ce soit osant se revendiquer franchement de cette appellation et, de l'autre, nous entendons — par principe — n'apporter aucune information concrète que nous avons pu recueillir si elle n'est pas déjà de notoriété publique. Mais cela n'est qu'un handicap relatif, les éléments accessibles d'approche et de définition du "FRAP" sont légion. Tout d'abord, pour comprendre ce que fut le "FRAP", il faut le resituer dans son époque.

Les années 1984 et 1985 en Belgique ont vu se développer une importante lutte armée de propagande menée par les Cellules Communistes Combattantes. Dans le premier semestre de 1984, diverses opérations préparatoires étaient menées, comme par exemple l'attaque du dépôt de la carrière de Scoufflény au cours de laquelle plus de 800 kg d'explosifs furent saisis. Le 2 octobre 1984, les Cellules ouvraient la Première Campagne anti-impérialiste d'Octobre, campagne menée à terme le 15 janvier 1985 par la destruction d'un centre de l'OTAN à Sint-Stevens Woluwe.

Les 20 et 21 avril 1985, deux attentats étaient menés à Bruxelles. Le premier contre l'Assemblée de l'Atlantique Nord et le second contre la firme AEG Telefunken. Après quelques jours, un communiqué revendiquant ces actions au nom d'un "FRAP" était rendu public. Nous allons revenir à ce papier.

Mais avant cela, il faut rappeler la façon dont la presse exploita immédiatement l'apparition du "FRAP" pour tenter d'introduire la confusion autour des Cellules Communistes Combattantes. Pour dénoncer cette manœuvre, citons le commentaire fait à ce propos par notre organisation dans les documents publiés à l'occasion de l'action contre le quartier général du patronat, la FEB, le 1er mai 1985 :

« Nous ne ferons pas ici une longue réflexion sur ce "FRAP" car nous n'en connaissons que ce que les médias nous ont rapporté ... et dont nous avons appris à nous méfier de la "qualité". Nous ne connaissons pas ce groupe et son orientation politique, ce que nous avons lu de ses revendications nous parait être le discours d'anarchistes révoltés ... attendons d'en savoir plus » (...) « On peut lire dans Le Soir du 22/4 : « Le FRAP ... la nouvelle étiquette des CCC ? », dans La Dernière Heure du 22 encore : « Une dissidence des CCC ? », et ce matin dans La Libre Belgique : « Certains, trouvant les CCC insuffisamment combatives auraient créé le FRAP et poursuivi les actions terroristes » (...)

« Nous l'avons déjà dit, nous ne connaissons pas le "FRAP" et n'avons aucun échange avec ces militants. Ce que nous voulons souligner, et pourquoi il en est ainsi, c'est qu'aucune scission ne s'est produite au sein des Cellules Communistes Combattantes dont l'actualité est à la multiplication et non à la division. »

Peu après, le "FRAP" allait se manifester une ultime fois et à cette occasion révéler un élément concret troublant. Le 26 juin 1985, une tentative d'attentat avait lieu contre la firme ACEC. La charge déposée n'explosait pas et était récupérée par les démineurs de l'armée. Elle recelait des explosifs saisis un an auparavant à Scoufflény. Comment expliquer pareil coup de vice ? Nous y reviendrons aussi.

[ Il s'impose quand même de souligner ici l'étrange moralité "prolétarienne" de ces "révolutionnaires" qui ne se sont pas inquiétés d'abandonner dans une usine, pendant une demi-journée et sans avertissement, une puissante charge explosive dont ils avaient perdu le contrôle. Visiblement, au "FRAP" on s'occupait déjà en premier lieu de sa sécurité personnelle et non d'être responsable de ses actes ... Exactement l'attitude politique et pratique des deux repentis par la suite. ]

Pour l'instant, restons au mois d'avril 1985. Nous possédons maintenant un élément sérieux ( enfin, façon de dire ! ) d'analyse : le communiqué du "FRAP" à propos des actions des 20 et 21 avril. Ce document est divisé en trois parties d'intérêt inégal. La première est une déclaration de révolte individualiste, plutôt confuse et politiquement indigente, dont nous savons aujourd'hui que la naïveté cache surtout une grande hypocrisie. Phrase-clé : « Nous voulons, en démolissant les façades, montrer les nids de charognards qui se cachent derrière elles ... ». Redoutable.

La troisième n'est qu'une annexe : diverses publicités exposant l'activité d'AEG Telefunken dans le domaine de l'armement.

Nous avons conservé la seconde partie du communiqué du "FRAP" pour la fin, parce qu'elle est de loin la plus éloquente. De quoi s'agit-il ?

Au-delà des formules « à la manière des révolutionnaires » dont ces six paragraphes sont hasardeusement truffés, il convient de retenir la prose 100 % pur "FRAP". On peut ainsi cerner les orientations politiques et les aspirations véritables de ceux qui agissent sous ce nom. Et que découvre-t-on par cette analyse ciblée ? On découvre que les positions du "FRAP" sont foncièrement anarchistes et naturellement antimarxistes. Plutôt que de présenter des thèses et un projet politiques propres, on découvre que le "FRAP" n'est finalement intéressé qu'à combattre la ligne et la pratique des Cellules Communistes Combattantes !

Voyons ça dans le détail.

Pour le "FRAP", les classes sociales ne se définissent pas selon l'économie politique mais selon l'individualisme et la subjectivité. Il déclare sans rire : « FRAP, car ceux qui prennent conscience de leur exploitation, qu'ils soient en bleu de travail ou en col blanc ( c'est une image ... ), qu'ils soient chômeurs ou lycéens, sont des prolétaires. »

D'ailleurs, pourquoi s'encombrer des classes sociales ? Les individus sont au centre de la « théorie » du "FRAP" : « ... nous rejetons cette société où tout est basé sur l'exploitation de l'Autre ... »

Nous conseillons aux "prolétaires" repentis, Paternostre et Van Acker, de lire au moins les quelques lignes qu'Engels, théoricien du matérialisme historique, a consacré — dans les Principes du communisme — à la définition des prolétaires.

Pour le "FRAP", la théorie scientifique, la confrontation d'idées, l'élaboration politique, la conception stratégique, etc., sont des « mesquineries » dont il s'impose de dégager la lutte de classe dans les plus brefs délais. Pour sa propre part, il y va sans nul complexe : « Nous voulons aussi, par l'élargissement du front, dépasser les conflits mesquins entre les idéologies rouge foncé, rouge clair, carmin ou noires (...) Nos divisions ne servent qu'au pouvoir impérialiste en place et l'aident à nous opprimer et à nous écraser davantage. »

Nous avions déjà appris aux bons soins du "FRAP" qu'étaient « prolétaires » ceux à qui il prenait envie de l'être. Maintenant nous apprenons que ces mêmes « prolétaires » sont priés de mener la lutte n'importe comment, l'important étant qu'ils se tiennent par la main. Tous ensembles sur un mauvais chemin, en chœur vers la catastrophe, tout va bien. En fait, si on récapitule le délire du "FRAP", on retient : n'importe qui pour faire n'importe quoi. Encore une fois, on retombe exactement sur les deux repentis ...

Plus loin, regardons ce que le "FRAP" tente de nous refiler en matière de « programme stratégique » : « Nous avons décidé de passer à l'action, c'est un choix politique que nous avons fait, nous pensons que l'action directe, si elle frappe au bon niveau, au bon moment, peut être efficace, les cibles sont innombrables ... (...) nous devons saboter et nous battre, à quelque niveau que ce soit et chacun selon ses moyens. Il faut détruire ce qui nous détruit et avancer ensemble dans le chemin vers l'organisation de notre LIBERTÉ. Le Front est ouvert ! Continuez le combat ... »

Dans ces quelques mots complètement creux et militaristes, nous découvrons encore une caractéristique propre au discours du "FRAP" : son rejet de l'organisation militante, sa haine du parti. Pour le "FRAP", l'organisation de la classe et la centralisation du combat révolutionnaire sont des hérésies qu'il troque contre la spontanéité et un front ouvert où le militarisme exemplatif, « l'action directe », fait figure de dynamique politique.

Inutile d'aller plus avant. Chacun a déjà pu comprendre en quoi l'aventure "FRAP" ne traduit qu'une provocation militariste, que l'anticommunisme, que « l'anarchisme » réactionnaire le plus grossier, toutes sortes de tares typiquement petite-bourgeoises. On peut dire que même un non-repenti revendiquant pareil héritage s'afficherait comme un contre-révolutionnaire ! Mais il serait vain d'attendre un non-repenti sur base de pareilles positions : elles-mêmes, dans leur contenu, annoncent et mènent à la trahison face à la répression. Parce que ces conceptions sont déjà celles de l'ennemi !

Il importe maintenant d'aborder les deux dernières questions que nous avons soulevées. Comment une provocation contre-révolutionnaire, une saloperie anticommuniste comme le "FRAP" a-t-elle pu bénéficier d'un soutien logistique en provenance de forces militantes ? Pourquoi l'objectif du "FRAP", tel qu'il apparaît réellement à travers le communiqué que nous venons d'analyser, vise-t-il prioritairement à s'opposer à la ligne et à la pratique des Cellules Communistes Combattantes ?

Voyons les choses dans l'ordre. Nous avons dit au début de ce chapitre qu'en juin 1984 des révolutionnaires avaient opéré une importante saisie d'explosifs. Parmi ces militants, certains appartenaient à notre organisation, d'autres étaient des camarades étrangers. Et les explosifs saisis furent fraternellement partagés.

En août 1985, selon ses dires suite à des filatures de Paternostre — qu'elle arrêtait, la police perquisitionnait deux bases d'Action Directe à Bruxelles. En janvier 1986 Van Acker était arrêté à son tour ... Et ce dont nous étions convaincus depuis longtemps se confirmait au grand jour. Ce "FRAP" n'était strictement rien d'autre qu'une provocation irresponsable construite en marge du groupe français.

Comment expliquer la complicité honteuse d'Action Directe dans cette affaire ? Nous l'ignorons dans le détail. Visiblement de très graves erreurs furent commises à l'époque et compte tenu que ces militants eux-mêmes ne semblent pas pressés de s'expliquer là-dessus, nous ne pouvons quand même pas proposer l'autocritique à leur place.

Nous pouvons cependant apporter quelques éléments de réponse.

Il est évident que malgré leur attachement frais et claironné au marxisme, le plus souvent les militants d'AD en ignorent jusqu'aux rudiments, tiennent un discours et développent une pratique qui font bien mauvais ménage avec le socialisme scientifique. De ce fait, qu'ils aient pu trouver bienvenu de soutenir une « alternative frontiste », même aussi politiquement nocive et concrètement bidon que le "FRAP", en opposition à la juste direction marxiste-léniniste des Cellules, ne nous surprend qu'à moitié. Et ne nous étonne d'ailleurs qu'au quart quand on se rappelle que, début 1985, Action Directe et la Fraction Armée Rouge annonçaient avec fracas la fondation d'un fumeux « Front de la guérilla ouest-européenne » ... que les Cellules avaient déjà rejeté et auquel elles portaient une critique fondée et radicale.

Alors, répondre réellement à ces deux questions posées plus haut, qui sont la base et la raison de la provocation "FRAP", incombe à d'autres que nous. Juger la maturité et la moralité politiques dont Action Directe a fait preuve dans cette combine appartient à tout le mouvement révolutionnaire. Pour notre part, nous appelons ces taiseux à réfléchir au coût de leur inconscience et de leurs provocations de 1985, à l'avantage que la bourgeoisie y a finalement trouvé dans tous les domaines et au problème qu'elles nous posent aujourd'hui encore.

Deuxième partie

Des arrestations au repentir et à la collaboration judiciaire

Après l'épisode criminel de la charge explosive abandonnée aux ACEC, le "FRAP" disparaît. A partir de la mi-août, les polices remontent concrètement sa piste. Arrestation de Paternostre, perquisitions d'appartements partagés par le "FRAP" et AD et en janvier 1986 arrestation de Van Acker.

Avant de présenter les comportements de Paternostre et Van Acker en détention préventive puis à l'occasion du procès, nous voulons faire un préliminaire de prudence.

Que l'on nous comprenne bien : nous pensons que contre l'ennemi policier ... tous les coups sont bons. Autrement dit face à la répression, si dans le fond il n'y a là comme ailleurs qu'une seule attitude juste qui consiste à défendre l'intérêt de la révolution avant le sien propre, dans la forme il y en a un large éventail car chaque situation doit s'estimer tactiquement selon ses caractères particuliers. Il ne nous viendrait jamais à l'idée de critiquer un militant parce qu'il ment à la police, qu'il trompe les juges, qu'il magouille les instructions, etc., si tout cela peut servir la lutte, ou même ne fût-ce que son souhait de recouvrer la liberté ( pour autant que ce souhait soit alors mesuré — avec ses camarades de combat — à l'aune de l'affrontement révolution / contre-révolution ). Au contraire, nous l'inviterions même, si la possibilité objective en apparaît, à se montrer de la meilleure des mauvaises fois dans ce sport.

Pour notre part, après avoir soigneusement analysé tous les caractères politiques et policiers de notre situation en janvier 1986, nous avons décidé d'une ligne de conduite extrême ( rupture totale et affrontement inconditionnel avec tout le judiciaire ). Mais nous ne pensons par pour autant que ce soit là l'unique façon honorable d'agir, ni qu'il faille l'adopter systématiquement et dogmatiquement.

Tout cela pour dire que les critiques que nous portons à Van Acker et Paternostre ne reposent strictement en rien sur le fait que, dans la forme, ils aient choisi une attitude différente de la nôtre face à la répression.

Le problème est de fond. Paternostre et Van Acker ont fait passer leurs petits intérêts mesquins et égoïstes avant l'avantage de la lutte révolutionnaire. Il est d'ailleurs plus juste de dire qu'ils se sont exclusivement occupés des premiers et qu'ils ont entièrement rejeté le second. Car pour être définitivement précis, il faut souligner que la vision que Paternostre et Van Acker ont de leurs intérêts propres se révèle ennemie acharnée de la lutte révolutionnaire, de la lutte contre l'ordre bourgeois.

Nous allons voir concrètement la façon dont cela s'est traduit.

Paternostre est arrêtée le 15 août 1985. Dès le premier jour, elle adopte le profil bas qu'elle n'abandonnera jamais : elle est « innocente », victime d'une persécution policière ( parce que « anarchiste » ) et elle en appelle à l'indépendance et au triomphe de la « justice démocratique ».

Quand les services de police lui mettent sous le nez des éléments difficilement contestables ( pour quelqu'un qui prétend jouer le jeu ) de sa présence au sein du "FRAP", Paternostre confie sa défense au courrier du cœur.

Auto-stoppeuse, elle a rencontré un gars charmant, « Michel ». Elle l'a revu et il l'a invitée chez lui. A l'occasion d'une de ces rencontres amoureuses, Michel lui a déclaré que les CCC n'étaient qu'une bande de débiles coupés des masses ( sic ! ) et qu'il serait franchement hilarant qu'elle rédige des communiqués d'attentats, ce qu'elle a fait — rions un peu !

Mais jamais Paternostre n'a deviné qu'elle squattait un appartement clandestin d'Action Directe ni que « Michel » était un cachottier de première bourre.

Que Paternostre souhaite se faire passer pour une idiote, elle y parvient avec un grand naturel. Qu'elle n'hésite pas à présenter les militants d'AD. mi-clowns mi-salauds, certes cela concerne ces derniers mais l'image du mouvement révolutionnaire ne s'en trouve pas valorisée.

Ce que nous retenons, c'est que le scénario de Paternostre, au-delà du ridicule, présente un trait essentiel : il exclut toute responsabilité et toute prise de position politiques. Si par exemple, dans un louable souci de dépénalisation, moins de placer ses visites boulevard Zamenhof sous le signe de Cupidon, elle les avait seulement justifiées par un travail d'investigation journalistique dans le but de mieux comprendre la lutte du "FRAP", Paternostre aurait pu s'en faire la porte-parole politique.

Elle aurait dû se faire ce porte-parole. Et c'est justement parce qu'elle ne voulait pas assumer cette responsabilité ( qui découlait pourtant de son engagement au sein du "FRAP" ) que Paternostre a choisi l'option de l'inconsciente innocente : « C'est pas moi, j'ai rien fait, j'ai rien à dire, ça ne me concerne pas, s'il-vous-plait la Justice protégez-moi de la police et laissez-moi retourner à ma petite radio, je ne m'en échapperai plus. » Voilà les termes exacts du repentir de Paternostre.

Ce leitmotiv d'ingénue trompée, Paternostre l'usera jusqu'à la corde du 15 août 1985 au 21 octobre 1988. Le credo de la repentie, ce fut : « Je suis innocente / inconsciente, je respecte les lois, je ne suis pas dangereuse pour le système bourgeois, si vous me croyez je marche avec vous jusqu'au bout. » Cela n'a rien à voir avec le fait de mener les flics en bateau et plutôt tout à voir avec une obséquieuse partie de rames à fond de cale. D'ailleurs rassurée par la conviction du repentir de Paternostre, la Justice lui accordera une liberté provisoire en octobre 1986.

Van Acker fera preuve d'un comportement moins indigne durant sa détention préventive. Arrêté en janvier 1986, il reconnaît ce qu'il ne peut nier, le revendique plus ou moins ( un peu à la façon plus ou moins de la réflexion du "FRAP" ) et s'en tient là. Certes il joue le jeu de la Justice mais ne le valorise pas politiquement. Il se cantonne à la démission discrète. Il bénéficiera à son tour d'une liberté provisoire quelque temps plus tard.

Pour ouvrir la partie de ce chapitre consacrée au repentir et à la collaboration dans le cadre du procès, rappelons la réponse que nous avons apportée à une question du journal Le Peuple le 23 octobre 1988 :

« L'enquête a-t-elle montré une collusion entre les Cellules Communistes Combattantes et le Front Révolutionnaire d'Action Prolétarienne dont les membres se retrouvent avec vous sur le banc des accusés ? »

« L'enquête a confirmé ce que les Cellules Communistes Combattantes annonçaient franchement dès l'apparition de ce "FRAP" : il n'y a pas — et il ne pourrait jamais y avoir la moindre collusion entre ce truc et notre organisation. »

« En fait, c'est là une chose connue depuis longtemps, cet étrange "FRAP" n'était rien d'autre qu'une gaudriole anarchiste développée en marge d'Action Directe et essentiellement malveillante à l'égard des Cellules et de leur juste ligne marxiste-léniniste. »

« L'instruction démontre tout cela en long et en large.

Mais comme nous l'avons souligné dès le début de cette interview, l'unique chose qui intéresse la Justice à l'occasion du procès n'est en rien sa propre cohérence. Ce qui intéresse la Justice, c'est l'attaque politique ... et de là, nécessairement, la manipulation. Aussi, plutôt que de renvoyer le dossier "FRAP" dans les bagages d'Action Directe, comme chaque page de ce dossier l'y invite, l'accusation nous balance deux pantins dégrisés dans les pieds. »

« A quoi cela rime-t-il concrètement ? »

« Cet amalgame s'inscrit parmi les nombreuses machinations nécessaires pour présenter aux audiences une image falsifiée de notre lutte. Nous confondre ainsi avec des ennemis politiques parachève trente-deux mois d'isolement carcéral renforcé visant à nous interdire toute préparation collective du procès. »

« La plus grande crainte de la bourgeoisie est que nous apparaissions publiquement tels que nous sommes : quelques militants des Cellules Communistes Combattantes emprisonnés mais toujours dévoués à la cause du prolétariat et fidèles au projet révolutionnaire. Aussi l'isolement est-il chargé d'atomiser notre collectif et l'amalgame doit-il en dénaturer chaque élément. Sans l'aide de ses manœuvres, la Justice sait très bien qu'elle n'aurait pas la moindre force politique et idéologique contre nous. »

« Puisque le combat des Cellules est une fraction indiscutable de la lutte des classes et de l'initiative des communistes organisés, l'amalgame avec ce "FRAP" doit substituer à sa nature politique évidente aux yeux de tous le dénominateur commun de l'infraction pénale. Ainsi abusivement exclue de son véritable contexte, vidée de son contenu, la lutte des Cellules Communistes Combattantes peut être récupérée par les critères judiciaires bourgeois. »

« Cette confusion organisée entre nous et deux misérables libertaires permet donc à la bourgeoisie de mettre en scène sa grand-messe obscurantiste et contre-révolutionnaire : "la société contre le terrorisme". »

« L'amalgame doit aussi permettre à l'appareil judiciaire bourgeois d'entretenir sa façade hypocrite d'apolitisme, d'équité, de sérénité et d'indépendance, tout en remplissant largement les basses œuvres contre-révolutionnaires qui lui sont dévolues. La présence de ces deux libertaires placés à nos côtés autorisant un fonctionnement répressif différencié, des peines de principe récompenseront les kollaborateurs tandis que d'autres, très lourdes, seront requises contre nous qui refusons d'abjurer notre dignité de révolutionnaires. »

« Cet aspect-là de la combine n'est d'ailleurs pas nouveau : les libérations provisoires rapidement accordées à Mme Paternostre et à Mr Van Acker les ont déjà remerciés pour leur bonne volonté et font le pendant de notre enfermement dans les conditions que l'on sait. En réclamant par mille et un tapages égoïstes l'exercice d'une Justice "démocratique" dans le cadre d'un Etat impérialiste, ils s'acquittent de la tâche que leur a tacitement assignée le pouvoir : légitimer la criminalisation de la lutte révolutionnaire. »

« Dans ce rôle, de surcroît, ils seront aussi la perche tendue par la bourgeoisie à la gauche réformiste pour réaliser l'union sacrée contre-révolutionnaire, la croisade "anti-terroriste". »

« En attirant l'attention sur tous ces problèmes secondaires, voire sur des questions de procédure ( "respect des droits de la défense", "publicité de l'instruction et des débats", "défense de l'Etat de droit", etc. ), les démocrates bourgeois — des plus conservateurs aux plus "progressistes" — tenteront comme toujours de cacher l'essentiel : le caractère de classe d'une justice dont la fonction globale est la contrainte et la régulation des rapports sociaux du système capitaliste, d'un système d'exploitation de l'homme par l'homme. »

« Voilà l'esprit général de cet amalgame abusif dépolitiser le combat des Cellules Communistes Combattantes, dépolitiser la situation et la lutte des militants prisonniers, permettre l'exercice manipulateur du cirque judiciaire bourgeois, gagner concrètement et justifier idéologiquement notre enfermement, réaliser l'union sacrée de la gauche démocrate et de la bourgeoisie impérialiste dans la pratique de la contre-révolution, préparer et légitimer la répression de demain contre tout le mouvement de classe. »

« Bien entendu, nous dénoncerons cette détestable magouille et lutterons contre elle. »

« Mais en attendant, elle présente l'avantage de démontrer, sans doute plus ouvertement que nos paroles pourront le faire, combien les appareils policiers et judiciaire ont une approche exclusivement politique du procès, comment ils sont tout entiers fonction des intérêts de la bourgeoisie. »

« Autant les bourgeois et leurs larbins vantent sur tous les toits l'indépendance de leur Justice, autant les faits se chargent de démontrer rigoureusement le contraire. »

Les faits concrets ont parfaitement confirmé la moindre ligne de notre analyse.

Plus d'un an après cette interview au Peuple, plus d'un an après le procès au cours duquel ils collaborèrent à la contre-révolution comme nous l'avions annoncé, Van Acker ose écrire : « Une fois n'est pas coutume, je réponds aux basses provocations des CCC ». Et Paternostre : « Depuis près d'un an, j'ai supporté les insultes gratuites des CCC ... » « Provocations », « insultes », voilà comment les deux repentis traduisent aujourd'hui la critique à leur collaboration judiciaire. Mais cela ne pourra jamais faire oublier cette question de fond et sa réponse : comment la bourgeoisie a-t-elle pu construire un procès à son avantage, s'appuyant sur l'amalgame ? Uniquement parce que Van Acker et Paternostre en ont été les acteurs volontaires.

Au printemps 1988, quand la Justice fixe le procès en Cour d'assises et sous le signe de l'amalgame, les deux repentis jouissent d'une liberté provisoire. Autrement dit, ils ont l'entière possibilité d'accepter ou de refuser ce procès, ils tiennent en main une alternative extrêmement claire : soit se ranger au côté de la bourgeoisie et de ses flics dans l'attaque contre la lutte révolutionnaire et quatre militant(e)s des Cellules, soit refuser passivement cette collaboration ( nous n'aurons jamais la sottise de penser qu'ils puissent se ranger au côté des forces révolutionnaires ).

Ce refus passif qui leur est aisément accessible ( il leur suffit de partir quelques semaines en vacances ) est l'attitude qui coule de source des prétentions affichées de Paternostre et Van Acker. La première est « innocente », le second lié au "FRAP" et non aux Cellules et tous les deux se déclarent traditionnellement respectueux quand pas solidaires du combat révolutionnaire, n'est-ce pas ? Le minimum serait donc qu'ils exigent d'être jugés — puisqu'ils en reconnaissent le droit à la bourgeoisie — dans leur cadre propre et qu'ils refusent de participer activement aux manipulations judiciaires, non ?

Eh bien non, ce minimum-là, les deux repentis n'auront ni la dignité ni le courage de l'assumer. Malgré nos demandes répétées. Et quelques jours avant l'ouverture du procès, ils iront docilement sonner à la porte des prisons de Saint-Gilles et Forest afin de se reconstituer prisonniers. A ce moment-là, les deux repentis sont forts d'un calcul comparatif qui traduit la merde qu'ils ont dans la tête : d'un côté l'avantage du camp révolutionnaire et de ses militants, de l'autre l'avantage du camp bourgeois et policier — et une aumône pour eux. Ils n'hésitent pas un seul instant.

Ce choix fait, plus rien ne retiendra la veulerie des deux repentis. Venus délibérément renforcer le tribunal, ils s'acquitteront de leur tâche avec autant d'entrain que d'imagination. Un livre complet ne suffirait sans doute pas pour raconter comment jour après jour Van Acker et Paternostre se sont complaisamment faits les supporters de la bourgeoisie, de son système et de son idéologie, contre la lutte et l'espoir révolutionnaires. Ceux qui ont suivi le procès en gardent un souvenir écœuré et méprisant.

A titre exemplatif, nous n'allons citer ici qu'un seul fait qui — ordure oblige — est l'œuvre de Paternostre. Sa dimension va au-delà du politique et touche au plus élémentaire de la solidarité. Dans l'interview au Peuple, nous prévenions donc : « En réclamant par mille et un tapages égoïstes l'exercice d'une justice "démocratique" dans le cadre d'un Etat impérialiste, ils s'acquittent de la tâche que leur a tacitement assignée le pouvoir : légitimer la criminalisation de la lutte révolutionnaire », mais nous n'imaginions pas ce qui allait suivre.

Alors que dans les cellules voisines à la sienne, nous menions une seconde grève de la faim pour briser l'isolement total qui nous était imposé depuis trente mois, Paternostre rédigeait tranquillement — « à destination de l'opinion publique » – une respectueuse liste de rouspétances visant l'amélioration de ses menus et l'embellissement de son bocal ...

Un commentaire de plus n'aurait pas de sens.

Troisième partie

Les nouvelles manœuvres provocatrices des repentis

Nous en sommes arrivés au problème qui a décidé la rédaction de ce petit dossier : les nouvelles manœuvres ordurières des repentis Paternostre et Van Acker. Plus précisément : le courrier aussi débile qu'infâme publié par le bulletin anarchiste bruxellois Alternative Libertaire.

Avant tout, il convient sans doute de relever un petit fait caractéristique et révélateur. Nous n'avons jamais tu nos critiques politiques à la provocation "FRAP", nous n'avons jamais hésité à dénoncer ouvertement les comportements collaborateurs, puis le repentir consommé de Paternostre et Van Acker. Que ce soit à l'occasion des interviews données au journal Le Peuple ou que ce soit dans le cadre des audiences du procès de 1988, nous avons toujours proclamé ces vérités haut et fort. Et pas une seule fois, pas même quand enfermés dans un box d'Assises derrière nous ils s'en retrouvaient contraints d'écouter, mot après mot, notre dénonciation et condamnation de leur infamie, Paternostre et Van Acker n'ont osé relever la tête ... Il faut dire que cela leur était alors impossible. Tout simplement parce qu'au même moment ils étaient occupés à se vautrer dans la boue du repentir, à ramper servilement dans la collaboration judiciaire et qu'ils n'avaient qu'un seul souci : en donner toute garantie à la bourgeoisie et à son tribunal.

Aujourd'hui, Paternostre et Van Acker entendent réécrire leur misérable petite histoire. Aujourd'hui, ils s'indignent : Quoi, ils ne vont pas accepter d'être traités de repentis, ce serait une nouveauté intolérable ! Et d'autant plus dans leur petit club d'Alternative Libertaire, où ils espèrent bien trouver quelques alliés obtus parmi les plus anticommunistes fervents de cette gazette !

Ce n'est pas la dénonciation de la provocation "FRAP" et du repentir de Paternostre et Van Acker qui est une « nouveauté », c'est l'audace et l'insolence de ces deux canailles à prétendre que les choses sont autres. Cela suffit à éclairer leur moralité présente. Fidèle à celle d'hier.

Nous allons passer maintenant à une lecture commentée de la prose de Van Acker et Paternostre. Ce travail présente une certaine utilité car les réactions des deux repentis s'avèrent indiscutablement plus révélatrices qu'ils ne devaient le souhaiter en les rédigeant.

Van Acker commence très fort en montrant sa totale incompréhension du rapport existant entre individu et collectif chez les communistes. Il vocifère : « Tout d'abord, si votre combat a un sens, et vos actions leur efficacité en tant que groupe ou cellule, en tant qu'individus, vous ne valez pas mieux que les cafards de vos cellules. Mais l'individu n'est rien, seule l'Organisation compte. Intègre donc. »

Que le personnage n'y comprenne rien quant à ce rapport n'est pas en soi répréhensible ( simplement, Van Acker n'est pas communiste ), mais la thèse selon laquelle notre lutte ( collective ) aurait un sens louable alors que nous ( individus participant à son élaboration et sa concrétisation, donc la déterminant ) ne vaudrions pas tripette est assez surprenante.

Nous ne développerons pas ici ce qu'il en est réellement de ce rapport entre individu et collectif chez les communistes, quoique cela ne manquerait pas d'intérêt pour souligner combien les libertaires et les anarchistes en ont une approche plus fantasmée que scientifique. Cela, sans doute en raison de l'opposition antidialectique qui fonde leur position à ce propos, opposition entre organisation et individu présentés comme des facteurs par essence contradictoires et inconciliables.

Il est plus intéressant de relever ici comment Van Acker, pour les besoins immédiats de sa cause, renverse les idées généralement admises par ceux qui partagent avec lui les valeurs idéologiques anarchistes. En effet, jusqu'à présent, nous avions été plus habitués à entendre argumenter contre ce qui fait la dimension collective, organisationnelle de notre lutte, contre des éléments auxquels nous sommes fort attachés tels que l'esprit de parti, le centralisme démocratique, la discipline militante, etc.  Or, voilà qu'aujourd'hui Van Acker vient prétendre que seule notre démarche organisationnelle permet de sublimer l'entière médiocrité de ses éléments constitutifs !

Van Acker témoignerait-il au fonctionnement de parti une confiance que nous-mêmes ne lui accordons pas ? Se ferait-il plus catholique que le pape ? Plus pro-parti que les marxistes-léninistes ? Possible, mais nous pensons qu'il est plus raisonnable de voir là une manœuvre assez médiocre ( digne d'un bon tribunal bourgeois ) visant à nous couper de ce qui fonde notre légitimité dans cette affaire, à savoir notre engagement révolutionnaire. En séparant ainsi, en dépit de toute vraisemblance, la lutte communiste révolutionnaire ( qu'il salue hypocritement ) des révolutionnaires communistes qui s'y engagent, qui la font et en assument la responsabilité, dans tous les sens du terme, le repenti cherche à nous niveler par le bas avec lui. Le seul fait d'avoir besoin d'un subterfuge aussi grossier et visiblement bricolé pour la circonstance démontre à l'envi qu'il est loin d'y parvenir.

Venons-en maintenant à la puérile partie de c'est-celui-qui-Ie-dit-qui-I'est entamée par Van Acker. Donc, il s'indigne tout d'un coup que nous le qualifions de repenti du "FRAP" : « ... Il faut être une bande de cafards pour parler de repenti du "FRAP". Le seul repenti qu'il y avait était de votre côté ( puisque vous placez le débat en ces termes ) et a été jugé bien avant notre procès ... »

Franchement, nous ne comprenons pas l'indignation de Van Acker à entendre appeler un chat un chat. A-t-il oui ou non participé à l'action du "FRAP" ? Oui, il y a participé, il a d'ailleurs reconnu publiquement avoir effectué le montage d'un élément de bombe qu'il savait être un engin du "FRAP" ( et il a même eu l'amabilité d'expliquer lors d'un interrogatoire de police en quoi il se sentait plus proche du "FRAP" que des Cellules ). Ensuite, Van Acker s'est-il oui ou non dissocié ( et jusque politiquement ) du "FRAP" et de la lutte armée révolutionnaire, cautionnant l'action de la justice bourgeoise contre l'un et l'autre, et déclarant au tribunal ( directement ou via ses avocats ) qu'il n'aspirait plus qu'à reprendre une vie normale, à poursuivre ses activités à Médecins sans frontières, à fonder un foyer, etc. ?

Oui, il a fait cela. Avec autant d'immoralité et de bassesse qu'il est prompt à se saisir de sa famille lorsqu'il craint pour lui-même. Après l'avoir utilisée tant que possible au procès, le voici maintenant dans Alternative Libertaire qui exhibe son bébé avec une rare indécence pour tenter de se défiler dans l'attendrissement général, pour tenter de masquer l'inconsistance de sa pitoyable prestation.

Il y a donc bien eu repentir, et même plutôt deux fois qu'une. Objectivement, Van Acker a bien rejeté les responsabilités élémentaires qu'il avait contractées en rejoignant le "FRAP" et il a collaboré avec la justice de l'ennemi contre la lutte révolutionnaire. Subjectivement, il s'est complètement démarqué de ses choix d'hier, il les a reniés publiquement et a promis au tribunal qu'on ne l'y reprendrait plus. Van Acker est très précisément ce qu'il convient d'appeler un repenti du "FRAP".

La lamentable diversion mise au point par Van Acker, dans l'espoir — déçu — de détourner de lui le légitime écœurement qu'inspirent généralement les renégats de tout poil, doit être envisagée sous deux angles.

D'abord, quand bien même y aurait-il eu un repenti dans nos propres rangs ( et quelle organisation de lutte pourrait se prétendre à l'abri définitif d'une telle mésaventure ? ), que cela ne changerait strictement rien à ce qu'il est lui, Van Acker. Un repenti du "FRAP" + un autre repenti = deux repentis ... et en aucune façon Van Acker javellisé. Elémentaire, non ?

Ensuite, comme nous venons de le démontrer, nous aimons appeler les choses par leur nom. Ce monsieur Vos que Van Acker agite inconsidérément nous paraît, après une lecture de son dossier ( joint « pour information » à celui contre les Cellules ), un exemple typique non pas de repenti mais plus odieux encore, de traître. Dans la mesure où ce Vos a apparemment collaboré à des instigations et des constructions policières ( en dénonçant et accablant des militants communistes notamment ), il est tombé dans le dernier stade de l'abjection où, nous le reconnaissons honnêtement, Van Acker n'a pas chu.

Mais l'essentiel qui nous intéresse ici, c'est de dénoncer les allégations de secours de Van Acker. Vos n'a jamais été militant des Cellules Communistes Combattantes, cet individu n'a jamais œuvré que dans une marge incontrôlable de cercles sympathisants, et d'une manière tellement irresponsable et floue que si elle avait été connue, elle se serait vue immédiatement sanctionnée par l'organisation qui n'apprécie pas les usurpations. Ainsi s'explique qu'en attendant que les comptes se règlent, nous avons sans difficulté exigé de nos sympathisants que les ponts soient rompus avec cet infect personnage. Pourquoi feindre de s'indigner d'une telle mesure de salubrité ? Pourquoi Van Acker pond-il des tirades du genre : « Mais bien entendu vous ne connaissez plus votre ancien copain, il n'a rien à voir, etc. ? » Pour lui agréer, faudrait-il que nous reconnaissions Vos comme un des nôtres, lui qui ne l'a jamais été et ne risque certainement pas de le devenir vu ses états de service ?

[ Indépendamment de sa fausseté, la déclaration de Van Acker désignant Vos comme militant des Cellules mérite aussi d'être éclairée aux bons soins des lumières de Paternostre. En effet, nous verrons plus loin qu'un des artifices stupides et injurieux de celle-ci consiste à nous accuser d'être des balances puisque nous la désignons comme liée au "FRAP" ... ( ce qui est connu de tout le monde et notamment de la Justice qui a réglé l'affaire en lui refilant cinq ans de prison à ce propos ). Que pense Paternostre de son copain Van Acker qui charge Vos — de surcroît erronément et à la seule fin de son intérêt mesquin — ... alors que, malgré beaucoup d'efforts, les flics ont été incapables de nous le coller dans le dos ? ]

Lorsque plus loin dans sa lettre Van Acker écrit : « N'avez-vous d'ailleurs pas au procès tenté de sauver votre tête en délivrant le jury de ses angoisses : ce coup-ci ça va, mais plus tard, attention aux représailles ? », il atteint le fond de l'abjection. Comme tous ceux qui ont pu lire ou entendre notre déclaration aux jurés ( déclaration politique qui les concernait pour une part d'autant plus restreinte que nous n'avons jamais eu la naïveté de croire, comme semble le faire Van Acker, que ceux qui siégeaient à l'occasion de notre procès n'avaient pas fait l'objet d'une sélection plus policière que naturelle ), Van Acker en a parfaitement compris le sens. Mais, encore une fois pour tenter de nous faire dégringoler jusqu'à son bas étage, il paie de sa personne. Tout à l'heure il balançait son froc anarchiste aux orties, maintenant il n'hésite pas à se montrer plus crétin qu'il n'est.

Remettons brièvement les choses à l'endroit à propos de notre déclaration aux jurés. Dans la mesure où la conscience politique révolutionnaire est encore très faiblement répandue dans les masses du pays, nous ne pouvons exiger que des jurés ( en principe catapultés à ce poste plus ou moins à leur corps défendant ) en fassent preuve. Au procès, nous avons fait la comparaison avec une grève : lorsqu'il n'y a qu'une poignée d'ouvriers conscients de la nécessité de la grève, ils ne peuvent user de violence à l'endroit de la majorité non consciente, ils ne peuvent que travailler à la rallier par l'argumentation en s'attaquant à l'ennemi commun, par exemple le patron. Mais par contre lorsque suffisamment d'ouvriers sont conscients de la nécessité de la grève et la font, il devient légitime d'user de violence envers les jaunes qui, restant sourds à toute argumentation, s'obstinent à compromettre le succès du mouvement. Suivant cette comparaison, nous nous trouvions politiquement vis-à-vis des jurés dans la situation de la poignée d'ouvriers conscients confrontés à une majorité de non conscients : il ne pouvait être question de violence à leur égard. Mais nous n'avons pas caché que le jour où la conscience politique révolutionnaire sera largement répandue dans les masses, servir la contre-révolution au procès comme ils étaient appelés à le faire ( et l'ont fait ) exposerait à de légitimes représailles. Et précisons encore que notre intervention à ce propos était faite en réponse à une diffamation politico-médiatico-judiciaire affirmant que les Cellules comptaient faire un massacre parmi les jurés.

Quelle est la personne ayant ne fût-ce que vaguement entendu parler du procès — et de ses conclusions ! — qui se sentirait autorisée à dire que nous avons cherché à « sauver nos têtes » ? Il aura fallu qu'une telle absurdité, une telle ignominie vienne de quelqu'un qui l'a bien sauvée, sa tête ! Pour nous tirer des flûtes, nous aurions dû imiter les repentis Van Acker et Paternostre et jouer soit l'égaré-de-bonne-volonté jurant un peu tard qu'on ne l'y reprendrait plus soit l'innocente-victime-de-sa-libido-et-d'une-persécution-policière revendiquant à longueur d'interrogatoires sa non-dangerosité pour l'ordre social actuel.

Voilà qui aurait été un plaisant spectacle, un joyeux tableau pour les bourgeois, flics, journalistes, etc.  La révolution ? La lutte communiste ? En Belgique ? Quelle absurdité ! Voyez donc cette bande de paumés irresponsables ! Regardez la lâcheté de ces provocateurs dès que se profile l'ombre menaçante de la prison ! Que le prolétariat se méfie comme de la peste de pareils tarés et de leur folie criminelle !

Ils n'ont pas eu ce plaisir. Ni les travailleurs cette honte. Malgré tous les efforts de Van Acker et Paternostre. Justement parce que nous avons mis nos têtes dans la balance ... pour qu'elle ne penche pas en faveur du régime. Que l'on nous comprenne bien, nous ne sommes pas en quête de lauriers ou de remerciements, nos vies appartiennent à la Révolution et le seul fait de lui être fidèles nous donne toute satisfaction personnelle. Chez nous, la loyauté et la dignité militantes sont une ligne de conduite. En fait, l'unique chose que Van Acker réussit à démontrer en nous injuriant de sa propre lâcheté, c'est combien lui-même est conscient de la bassesse de son comportement.

Van Acker a vendu sa dignité militante contre un confort égoïste. Van Acker a trahi la cause qu'il prétendait avoir épousée. Van Acker a servi l'ennemi bourgeois et il en est récompensé. Van Acker tente de digérer son plat de lentilles : « Concernant la conditionnelle, je satisfais aux exigences pour en bénéficier ni plus ni moins, comme n'importe quel taulard, car je ne suis pas un pro de la révolution ou membre d'une élite militante, j'en ai fait la demande. En pensant aussi à ma famille ( . . . ) Si vous souhaitez figurer au "Guinness Book of records" du nombre d'années en taule, libre à vous. »

Sans doute libre à nous d'être au service du peuple et de la révolution et libre à Van Acker d'être aux ordres de la bourgeoisie, des flics et de la contre-révolution. Mais que l'on ne mélange pas les genres.

Eliminons le faux problème de « l'élite militante », il ne se pose qu'à ceux pour qui le refus d'abjurer relève de l'impossible ... d'une inaccessible étoile. Van Acker se targue alors d'avoir été traité comme n'importe quel taulard. Décidément, du début à la fin de sa lamentable lettre il nous fournira le knout pour le battre. Satisfaire aux conditions du droit commun ( qui plus est, alors que les prisonniers sociaux arrivent de plus en plus rarement à le faire ... ) est l'éclatante démonstration d'un reniement abouti lorsqu'on est rattaché à une affaire politique. Van Acker est mieux placé que quiconque pour savoir que s'il s'était agi d'un cas de droit commun, il n'y aurait eu ni isolement carcéral, ni procès d'Assises, ni peines maximales ... L'avocat Vergès l'avait déjà mis en évidence lors des procès contre le FLN : en démocratie bourgeoise, le caractère politique d'un délit est objectivement considéré comme circonstance aggravante. Ainsi, si nous ne souhaitons figurer au Guinness Book pour rien du tout, il nous semble que Van Acker s'échine à y figurer au titre de l'argumentation la plus fausse et la plus ignoble. Quoique ...

Quoique ... la lutte sera serrée : Paternostre est bien placée dans la course au titre. Elle aussi commence sa lettre très fort, en prétendant avoir cru jusqu'à présent que nos interventions contre l'amalgame et nos dénonciations de son repentir procédaient d'une sorte de folie résultant de l'isolement carcéral. Sublime et éloquent : on trouve les alliés qu'on peut.

Après sa fulgurante entrée en matière et cette précieuse révélation, Paternostre précise encore : « Mes ennemis ne sont pas les marxistes-léninistes, mais les impérialistes, et tout ce qu'ils engendrent : injustices, famines, guerres ... »

Nous ne discuterons pas ici de la nature de cette profession de foi. Ayant décortiqué le communiqué du "FRAP", nous la savons déjà aussi déplacée que bidon. Soulignons plutôt l'embrouillamini abscons derrière lequel Paternostre voudrait tant que la vérité reste cachée. Paternostre prétend être attachée au camp de la révolution et en respecter toutes les familles politiques ... même les marxistes-léninistes ! Seulement voilà, les m-I eux, — sectaires d'autant plus furieux lorsqu'ils sont rendus fous par l'isolement en prison — ne sont que des salauds fusilleurs d'anarchistes. L'équation en béton de « l'anarchisme martyr » clôt ainsi, pour elle, tout débat.

Mais pas pour nous. Ce n'est en aucune façon parce qu'elle serait anarchiste que nous dénonçons Paternostre, mais bien parce qu'elle a trahi ses responsabilités, renié ses engagements et collaboré activement aux manœuvres de l'appareil judiciaire de la bourgeoisie ( appareil au service de l'impérialisme ... dont elle continue à avoir le culot de se déclarer fièrement l'ennemie sur papier ! ).

Il y a là une sacrée nuance.

Mettons donc un terme à la combine racoleuse avec laquelle Paternostre prétend expliquer notre mépris et notre condamnation à son égard par un « délire sectaire ». Comme nous l'avons déjà dit à d'autres occasions, nous ne considérons pas les anarchistes comme des ennemis. Ils peuvent le devenir dans des conditions historiques particulières lorsque leur action, bien que sincère, se dresse contre le mouvement révolutionnaire et qu'il est impossible de les amener à la raison, — cela s'est vu de manière dramatique en URSS par exemple. Mais dans la majorité des cas, nous les considérons comme des adversaires politiques à affronter par l'argumentation et nous portons assez de confiance à notre ligne pour ce faire. De surcroît, ce point de vue n'empêche ni la solidarité ni les alliances ponctuelles.

Si au cours du procès nous avions été confrontés à des anarchistes honorables ( c'est-à-dire tout simplement à des anarchistes ) et non à des petit-bourgeois dépravés, si nous avions découvert là des militants assumant leurs responsabilités et refusant, au minimum, de collaborer aux manœuvres contre-révolutionnaires de l'appareil judiciaire de la bourgeoisie, ces militants anarchistes auraient gagné notre confiance et nous aurions trouvé ensemble comment nous concerter et coopérer contre l'ennemi commun.

C'est précisément cette vérité-là que Paternostre doit travestir pour mieux camoufler la réalité de son repentir. Alors, de concert avec Van Acker, elle tire comme une enragée sur la plus grosse des ficelles : l'a priori du lectorat d'Alternative Libertaire en défaveur de ceux qui ne font pas mystère de leur identité communiste.

Venons-en à présent au plat de résistance, au morceau de bravoure de la réaction de Paternostre. Il repose tout entier sur un sophisme particulièrement gratiné que nous citons in extenso : « Repentis du FRAP ? Ah bon ! Pourtant jusqu'à ce jour, les polices pédalent dans la choucroute et n'ont toujours pas réussi à identifier les militants du FRAP ! Alors de deux choses l'une : — ou les CCC "savent" ( paraît que la science infuse existe ) que j'étais membre du FRAP, et ce sont des balances puisqu'ils me dénoncent, — ou les CCC ne savent rien et, pataugeant dans leurs délire sectaire et fantasmes obsessionnels, se laissent aller aux affabulations les plus basses, les plus viles, question de se défouler un p'tit peu. Dans les deux cas, cette attitude est indigne de vrais militants révolutionnaires ! »

Nous ne rêvons pas, voilà la repentie Paternostre en train de nous donner une leçon de dignité révolutionnaire ... Rien ne nous sera donc épargné.

Bon ! Procédons par ordre car dans ces lignes de Paternostre il y a à peu près autant d'imbécillités que de mots.

Ainsi donc, les polices pédalent dans la choucroute ... Paternostre arrive-t-elle vraiment à oublier que, pressé par les polices, Van Acker a reconnu avoir œuvré dans le cadre du "FRAP" ? Parvient-elle à oublier dans la même foulée que ces polices ont découvert des appartements, des armes et autre matériel, des garages, des véhicules, des documents ( parfois même manuscrits ! ) ayant trait aux actions du "FRAP" et à ce qui le relie à Action Directe ? Et Paternostre peut-elle oublier — ce serait un véritable exploit— que ces mêmes polices ont accumulé suffisamment d'éléments concernant le "FRAP" et sa petite personne pour en remplir cinq gros dossiers, pour l'arrêter, la faire juger et condamner entièrement par un tribunal dont elle a d'autant moins contesté la légitimité qu'elle en a volontairement joué le jeu ? On n'ose le croire [ Rappelons en outre que pour l'essentiel Paternostre n'a pas remis en cause la véracité des éléments de l'enquête policière. Elle s'est contentée d'ergoter quant à leur interprétation. Ainsi n'a-t-elle pas nié avoir fréquenté l'appartement clandestin du boulevard Zamenhof mais prétendu s'y être rendue pour consommer son idylle avec le fameux Michel. Ainsi n'a-t-elle pas nié avoir rédigé à ces occasions des revendications d'attentats mais prétendu que c'était là un égarement humoristique de la passion, etc.  Quelle choucroute, en effet ! ]

Il est ridicule de se voiler la face devant les quelques succès militaires que peuvent à l'occasion remporter les services policiers. On peut les regretter — nous sommes bien placés pour le savoir — mais l'important est de s'organiser pour qu'ils soient les plus rares et les plus limités possible. Si l'on veut tirer la leçon d'une erreur pour éviter de la reproduire, la première chose à faire est de la reconnaître. Nier, comme le fait Paternostre, les succès policiers contre le "FRAP", c'est prendre ses fantasmes pour réalité ( ... et apparemment, cela permet surtout d'éviter d'en assumer les conséquences ! ).

Il est temps maintenant de toucher au cœur de la manœuvre par laquelle Paternostre espère d'une part tirer son épingle du jeu et de l'autre nous clouer au pilori.

Le jeu de Paternostre est truqué : elle pose une question tout en refusant qu'on y apporte la bonne réponse. Mais elle aura beau pérorer ou ceci ou cela, il y a une réponse bien plus simple qui s'appelle vérité. Paternostre est liée au "FRAP", c'est connu et démontré depuis des années, c'est judiciairement réglé.

En réalité, dire que Paternostre participa à la provocation politique que fut l'éphémère "FRAP", c'est autant le propos d'une « balance » qu'affirmer que Jean-Marc Rouillan était militant d'Action Directe ou que Bertrand Sassoye était militant des Cellules Communistes Combattantes. Dans chacun de ces trois exemples, l'appareil policier-judiciaire bourgeois sait très bien à quoi s'en tenir et puisque Paternostre amène le débat sur ce terrain ( policier/judiciaire ), signalons quand même qu'il est impossible de « balancer » quelqu'un qui a déjà été jugé dans le cadre d'une procédure qui clôt l'affaire. Or, l'affaire Paternostre est close, cette repentie grande amie du droit bourgeois doit le savoir !

Certains seront peut-être tentés de retourner le problème. Puisque Paternostre, jouissant aujourd'hui d'une totale garantie d'impunité, persiste à nier sa participation au "FRAP", n'est-ce pas qu'elle dit tout simplement la vérité ? Ce serait oublier l'essentiel. Paternostre ne peut toujours pas reconnaître son engagement d'hier parce que cette reconnaissance entraînerait une accusation bien plus terrible que celles contenues dans un dossier d'instruction. Reconnaître l'évidence du passé serait pour elle avouer crûment son repentir d'aujourd'hui, avouer sa tromperie ignoble à l'égard de tous ceux et toutes celles qu'elle a appelés à la rescousse d'une innocente victime ! Voilà le véritable nœud qui étrangle la repentie Paternostre.

Oui, nous affirmons que Paternostre est une repentie du "FRAP" et il n'y a rien à ajouter ... sauf peut-être que ses œuvres de repentie sont plus écœurantes encore dans leur impudeur que celles de son comparse Van Acker. Paternostre connaît, et pour cause, notre ferme attachement à la morale révolutionnaire et il lui est facile d'exploiter encore et encore la certitude que nous, nous ne donnerons jamais aucun élément inédit à la police dans sa quête de connaissance du mouvement révolutionnaire, pas même en ce qui concerne des pages aussi frauduleuses que celles écrites par le "FRAP".

Rassurons-la, Paternostre a et aura donc beau jeu de répéter « vous voyez, vous voyez ils n'apportent aucune preuve » après avoir brandi l'épouvantail de « balances » à notre effigie. Elle ne fait et ne fera jamais que nous rendre l'hommage que le vice rend à la vertu.

On ne peut se faire une opinion sur la question du repentir de Paternostre ( et Van Acker ) qu'en se reposant en confiance sur la démarche et l'honnêteté militantes que démontre l'une des deux parties. Que chacun se pose donc la question : pourquoi Paternostre adopte-t-elle par rapport à son engagement passé une attitude telle qu'elle en arrive à vouloir le cacher à tous ... alors que les impérialistes qu'elle prétend combattre en connaissent parfaitement les limites ?

Une dernière chose, un peu particulière, vaut encore la peine d'être mentionnée ici. Puisque Paternostre a jugé utile de souligner dans sa petite lettre combien la « balance » est un être vil et méprisable, nous allons très brièvement rappeler comment, à l'occasion de sa défense au procès, elle nous en avait elle-même donné l'illustration.

Pour justifier sa présence dans un des appartements clandestin du "FRAP"/Action Directe, Paternostre avance une rocambolesque affaire sentimentale. Auto-stoppeuse, elle aurait rencontré un inconnu, « Michel », qui l'aurait entraînée là sans que jamais elle devine où elle mettait les pieds. Un peu fourbe, l'accusation se demande alors si le sieur Michel ne ressemblerait pas par hasard à Georges Cipriani, militant d'Action Directe ... car d'un Michel, l'accusation ne trouve aucune trace.

— Cherchons ensemble ! est la réponse de Paternostre et de sa défense qui, piochant la documentation policière jointe au dossier, vont alors débusquer à cent lieues un authentique homonyme, Michaël K., ressortissant ouest-allemand, animateur à l'époque d'une revue radicale. Le compte-rendu du procès dans le journal Le Peuple nous rappelle, en date du 18 octobre 1988, l'accusation lancée par Paternostre qui exploite des rapports d'espionnage policier liant ce Michaël K. à de nombreux militants qui participaient à l'époque à un travail d'édition au niveau international.  [ Prudence. Précisons, pour les camarades qui ont connu ce Michaël K. depuis disparu, que c'est pour la clarté de l'exposé que nous ne jugeons pas utile d'évoquer ici la question fondamentale qui vise ce personnage. Pour nous, cette question reste cependant posée. ]

« Balancer », c'est effectivement déjà un crime parmi les plus graves, mais « balancer » une personne que l'on sait pertinemment bien étrangère à sa petite affaire, en mettant de surcroît en danger tous ceux et celles que cette personne a approchés dans l'aire militante, qu'est-ce que c'est ? C'est la morale de Paternostre, c'est la pratique de Paternostre.

Voilà bientôt tout ... Dans quelle mesure était-il nécessaire de se replonger dans ces peu reluisantes histoires pour se convaincre que les réactions puériles et teigneuses de Paternostre et Van Acker n'ont d'autre essence que l'infamie ?

L'innocente Mère Michel qui nous explique qu'il est moche de moucharder est une hallucination aussi carabinée que le Père Pétard libéré qui nous explique comment nous avons essayé de sauver nos têtes. A la vérité, nous le répétons, ce à quoi aspirent ces deux misérables, c'est bien de jouir du fruit de leur repentir et de leur collaboration avec l'appareil judiciaire bourgeois, c'est-à-dire de leur libération, sans devoir porter la honte d'un tel trafic ... et même tout en continuant à plastronner comme "révolutionnaires". Et ceci concerne tout particulièrement Paternostre qui termine son papier d'octobre pour Alternative Libertaire par une envolée qui serait touchante si nous ne la savions, d'expérience, foncièrement hypocrite et malhonnête : « Quoi qu'il en soit, je réaffirme ma solidarité et ma sympathie pour tous les militants révolutionnaires sincères et honnêtes ( ce que ne sont plus les CCC ) qui luttent contre l'oppression, l'exploitation, le racisme, la misère, pour la libération des peuples et des individus. Quant à moi, mon combat continue, à une petite échelle, certes, mais selon mes moyens, la radio libre. Je ne suis pas mégalo ... »

On aurait tort en lisant ces lignes d'y déceler une démonstration de sincère contrition. En fait, de cette façon, Paternostre tente encore de se réfugier dans la position qu'elle n'a pas réussi à conquérir, elle cherche toujours à s'abriter sous une auréole de révolutionnaire, en l'usurpant. C'est contre cette usurpation que nous voulons finalement mettre en garde chacun et chacune. Il est facile d'affirmer dans un micro ou d'écrire dans une revue « Je suis révolutionnaire ! Et vive la Révolution ! Et je suis solidaire du combat armé, et bla bla bla ! » Mais affronter honorablement les responsabilités qui incombent à l'engagement révolutionnaire, c'est une autre paire de manches. Que signifie une solidarité tonitruée tous azimuts qui ne sert qu'à masquer sa propre disposition à poignarder dans le dos les révolutionnaires dès que son confort personnel est menacé ? Ici encore, comme tout au long de sa prestation, Paternostre ne fait que tricher : après avoir essayé d'évacuer la problématique malhonnête / honnête au profit de l'artifice opportuniste anarchiste / marxiste-léniniste, la voilà qui remet ça à l'échelle de l'humilité : mégalo / mon-combat-continue-à-une petite-échelle-certes-mais-selon-mes-moyens.

Quant à nous, nous la tirons, l'échelle, sur une constatation amusante. En tâchant d'usurper l'identité de révolutionnaire, ce n'est pas sur les marxistes-léninistes mais sur les anarchistes que Paternostre fait rejaillir son propre discrédit. En dénonçant le repentir et la veulerie de Paternostre et le repentir de Van Acker ( reconnaissons-lui la prudence de ne plus la ramener en ce qui concerne la lutte révolutionnaire, il lui sera peut-être pardonné beaucoup pour cela ), ce sont deux brebis galeuses infectant leurs rangs que nous désignons à l'opprobre des anarchistes. Et nous pensons que de cette façon, nous sommes vraiment allés au plus loin de la bienveillance que l'on peut attendre de nous. Rideau.

Pierre Carette, Didier Chevolet, Bertrand Sassoye et Pascale Vandegeerde, militants et militante des Cellules Communistes Combattantes

Ecrit pour l'information du mouvement militant, janvier 1990