Sommaire
Introductions aux
différentes éditions
Déclarations
liminaires, 27 septembre 1988
o
Clarification
concernant les jurés
o
A propos du procès et de la justice
Déclaration
centrale, 14 octobre1988
2.
Quelques éléments politiques
Introduction
à la première édition ( 1988 )
Travailleurs, Travailleuses,
Camarades,
Le vendredi
21 octobre 1988, la justice de la bourgeoisie a confirmé sans la moindre
équivoque combien l’unique rapport entre les classes sociales, entre
l’exploitation du monde du Travail et sa libération, entre la décadence
criminelle de l’impérialisme et la révolution socialiste, c’est la guerre.
Ce 21
octobre, en condamnant à la perpétuité quatre militants et militante
communistes révolutionnaires, la justice de la bourgeoisie a avoué on ne peut
plus clairement qu’il n’y a plus aujourd’hui la moindre latitude entre sa
domination et l’oppression du prolétariat :
ceux qui se révoltent, ceux qui œuvrent concrètement pour le progrès socialiste
doivent disparaître, immédiatement et totalement.
La
bourgeoisie, FEB et banques en tête, sait très bien aujourd’hui que toutes les
étincelles de lutte révolutionnaire annoncent l’inévitable brasier. La
bourgeoisie sait très bien que la ligne et la stratégie politiques des Cellules
Communistes Combattantes éclairent la seule voie qui libérera la classe
laborieuse de la crise et de l’exploitation capitalistes.
La
bourgeoisie croit pouvoir arrêter l’Histoire avec la
répression …Quelle ignorance méprisable !
Peut-on enfermer l’idéal de liberté ? Peut-on
croire que le prolétariat oubliera la lutte ?
Quatre camarades sont tombés hier, des milliers se lèveront demain !
Par la
brutalité de sa répression, la bourgeoisie est forcée de reconnaître la vérité
face aux masses : son pouvoir est tellement
illégitime, tellement fragile, tellement vulnérable qu’elle craint quatre
militants quand ceux-ci s’engagent sur le chemin de la Révolution.
Que
personne, aucun prolétaire, aucun militant ouvrier, ne cède face au terrorisme
des condamnations d’hier. Que tous comprennent combien ce verdict exprime avant
tout la peur d’une bourgeoisie aujourd’hui aux abois devant la lutte communiste
révolutionnaire.
Par les
condamnations contre quatre militants des Cellules Communistes Combattantes, la
bourgeoisie nous indique combien l’exemple des camarades des Cellules doit nous
guider dans le combat de classe. Et l’Histoire nous
indique que nous serons toujours plus à marcher sur le chemin qu’ils ont ouvert …
et aussi qu’il nous faut nous y engager dès aujourd’hui.
Car celui
qui ose lutter pour la juste cause du prolétariat,
celui-là peut vaincre, il ne peut que vaincre.
Et
nos camarades emprisonnés nous l’ont encore prouvé en réussissant à briser,
après une grève de la faim de cinquante-six jours, l’isolement criminel
instauré depuis 1985 par Gol et dans lequel le PSC Wathelet comptait les maintenir.
SOLIDARITE AVEC NOS QUATRE CAMARADES !
QUE MILLE CELLULES NAISSENT !
EN
AVANT VERS LA REVOLUTION COMMUNISTE !
Collectif CLASSE
CONTRE CLASSE !
[ Ce
dossier a été réalisé afin de mettre rapidement à la disposition de tous la
retranscription intégrale des interventions de nos quatre camarades aux
audiences. A leurs déclarations, où se lit leur indiscutable victoire politique
au procès, nous avons joint la deuxième interview parue dans le journal « Le
Peuple » du 23 septembre 1988.
On pourra
ainsi constater, en les confrontant aux faits, combien les réponses des
camarades étaient franches, lucides et prévoyantes, et cernaient bien le cadre
de l’attaque bourgeoise au procès, contre eux-mêmes, militants communistes et
surtout contre la ligne politique et stratégique de leur organisation. ]
Introduction
à la seconde édition ( APAPC,
1989 )
Un souci de
précision impose de signaler que les militants des Cellules Communistes
Combattantes sont encore intervenus à quatre occasions aux audiences. Mais ils
ont défini ces brèves interventions comme essentiellement tactiques et n’ont
pas souhaité qu’elles soient jointes à ce recueil. Elles seront publiées
ultérieurement.
Signalons-en
toutefois le contenu. Les trois premières démasquaient et dénonçaient des
provocations policières à finalité exclusivement politique, à savoir la
tentative de criminalisation du révolutionnaire internationaliste Frédéric Oriach, la manipulation des événements du 1er
mai 1985 afin de nier la responsabilité totale et flagrante de la gendarmerie
dans ce drame, et encore la falsification d’autres témoignages par cette même
gendarmerie. La quatrième intervention tactique concluait quant au sens
exclusif et véritable du verdict : une attaque militaire contre des forces
organisées du prolétariat, une attaque politique contre tout le mouvement de
classe.
Introduction
à la troisième édition ( APAPC,
1998 )
Les
prisonniers ont effectué la correction de la composition de cette nouvelle
édition. Soucieux d’améliorer quelque peu la piètre forme des originaux, ils en
ont profité pour ici et là modifier la ponctuation, découper des phrases
interminables, simplifier des constructions, etc.
Cela ne touche en rien au contenu des textes. A ce niveau, ils avaient déjà
procédé à la rectification de deux maladresses et d’une conception imprécise.
Successivement :
·
Dans la déclaration liminaire « Clarification
concernant les jurés », le texte original était :
« Mais quand plus tard, petit à petit mobilisés par
l’exemple donné par de centième ouvrier combatif, il y a cinquante travailleurs
de l’usine qui l’ont rejoint — et qui se sont mis en grève — alors la situation
n’est plus du tout la même. La situation n’est plus la même en ce qui concerne
la moitié restante du personnel qui courbe la tête devant le patron et qui
trime double. »
·
Dans la déclaration liminaire « A
propos du procès et de la justice », le texte
original était : « Alors,
la classe sociale révolutionnaire devient la classe dominante et elle impose
ses propres formes de pouvoir, ses propres valeurs idéologiques, sa propre
justice et sa propre légalité, à savoir toute l’illégalité de la veille. »
·
D’une façon générale, l’expression « guerre
populaire prolongée » était utilisée en place de
« guerre révolutionnaire prolongée ».
Collectif des prisonnièr(e)s des Cellules Communistes Combattantes
Déclarations liminaires au procès, 27
septembre 1988
Si nous prenons la parole dès à présent, c'est pour
commencer à démonter ce qui se passe ici. Ce procès est une sinistre farce.
Notamment parce qu'il est composé de manipulations tous azimuts et en tous
genres.
Les exemples de ces manœuvres ne manquent guère, depuis nos
conditions de détention jusqu'à ce que nous venons d'entendre, en passant par
la mise en scène présente sans compter les campagnes de presse, les livres
malfaisants, les tentatives d'intimidation de nos sympathisants ... et la liste n'est certainement pas exhaustive.
Pourquoi cet acharnement ? Pourquoi cette agitation ? Pourquoi ce tapage ? C'est très simple et compréhensible pour tous : il s'agit d'intoxiquer la conscience sociale.
Mais ce dont nous voulons parler immédiatement est ceci : nous, militant(e)s des
Cellules Communistes Combattantes, n'avons rien à voir avec ces deux personnes 1. Pas plus que notre organisation
n'a quelque chose à voir avec le "FRAP". Nous sommes six dans ce box,
et à ce rythme-là nous pourrions aussi bien y être cinquante, tellement cet
amalgame est une supercherie. En effet, depuis les premières déclarations des
Cellules à ce propos jusqu'à l'enquête policière elle-même et en passant par
les faits, l'attitude des prisonniers et de la Justice, et encore le simple bon
sens, tout démontre qu'il n'y a rien de commun entre eux et nous.
Nous avions espéré que ces deux personnes auraient
l'honnêteté, la dignité et le courage de ne pas se présenter ici, quitte à se
faire oublier deux mois à l'étranger et à revenir ( si elles le désiraient ) se jeter dans la gueule du loup, seules et après le procès. Mais non,
elles ont préféré venir gentiment se présenter ici, en véritables marionnettes
du pouvoir. Elles ont préféré cautionner et servir la manipulation politique et
policière que constitue cet amalgame scandaleux ( plutôt que d'indisposer les
instances judiciaires par leur absence ).
Cette attitude ne nous étonne pas trop, elle est en parfaite
conformité avec leur identité politique de libertaires
attachés à leur petit confort personnel. Tout ce que nous pouvons leur
reconnaître, c'est une certaine continuité dans la mendicité, la pleurnicherie,
l'irresponsabilité et la collaboration. Bien entendu, cela finit par être
payant, notamment par une attitude généralement plus clémente des autorités ( des libérations
provisoires par exemple ).
Bon, parlons un peu de ce "FRAP". II est évident,
à la fois pour nous et pour ceux qui se sont intéressés à cette histoire, que
cette aventure lamentable et irresponsable ( personne n'oserait appeler cela une
lutte menée par une organisation révolutionnaire ) n'est qu'une agression montée contre la politique des Cellules. Rien
de plus, rien de moins. Ou plutôt si :
c'est aussi un fiasco total. Donc, comme nous avons des choses plus importantes
à faire, nous laissons aux faits le soin de démontrer politiquement et
pratiquement l'ineptie de cet amalgame et de la démarche anarchiste ( plus personne
n'oserait appeler cela un projet ).
Que ce soit bien clair. Quand l'un de nous quatre parlera,
il le fera exclusivement au nom du collectif des militant(e)s
des Cellules Communistes Combattantes emprisonné(e)s, en référence à leur
organisation, au nom du projet communiste, et c'est tout. Rien de ce qui viendra de ces deux personnes ne nous
concerne, et nous rejetons même sans compromission ni exception tout ce qui les
concerne ou vient d'elles.
Il y a ici deux réalités bien distinctes, entièrement
étrangères et totalement inconciliables :
celle de militant(e)s communistes et de la lutte de
leur organisation, et celle qu'il appartient à ces brillants acteurs de vous
présenter. La moindre insouciance ou complaisance à l'égard de cet amalgame
abusif équivaut à tomber dans le piège de ceux qui craignent la vérité de la
lutte révolutionnaire.
[ 1 Il s'agit bien évidemment de Paternostre et Van Acker, les
deux repentis du "FRAP" venus servir, avec tout l'empressement
dénoncé par les camarades dans l'interview au Peuple, la construction policière
et politique du procès. ( Note
placée dans les éditions ) ]
Cette mise au point faite, nous voulons parler de la grève
de la faim collective et illimitée que nous avons reprise le 2 septembre. Cette
action extrême a été décidée alors que les responsables politiques de ce pays
entendent perpétuer les mesures d'exception qui accompagnent notre détention
depuis près de trois ans, malgré la clôture de l'instruction, malgré la tenue
de ce procès et malgré les engagements pris en 1986 par les autorités lors de
notre première grève de la faim.
Nos revendications sont exactement les mêmes qu'en 1986 et
visent à obtenir les moyens de contribuer collectivement au travail théorique
et politique nécessaire au mouvement révolutionnaire aujourd'hui en Belgique,
en Europe et dans le monde.
Nous voulons pouvoir conserver notre intégrité politique qui
se fonde dans notre lien actif à la classe prolétarienne. Nous voulons aussi
préserver notre capacité de lutte ...
qui nous aurait déjà été bien nécessaire pour intervenir au mieux dans ce
procès.
Or, pendant près de trois ans, nous avons été soumis à un
isolement social renforcé et à une censure politique draconienne. C'est là la
réponse du pouvoir bourgeois à la politique prolétarienne pour laquelle nous
militons.
La bourgeoisie ne peut affronter politiquement le projet
communiste et l'idéal prolétarien de libération. Elle se verrait confrontée à
un débat qui déboucherait sur la dénonciation éclatante de la nature véritable
de son ordre social, de sa domination sans partage et de l'exploitation des
travailleurs.
Le régime de ce pays, comme d'autres, ne peut dès lors que
se crisper sous son masque démocratique, déployer plus largement et renforcer
son appareil répressif.
C'est par l'accentuation de l'intoxication et de la
manipulation de la conscience sociale, par la falsification et la calomnie des
principes et de la stratégie révolutionnaires que la bourgeoisie tente de faire
croire à sa probité. Et, dans le prolongement, elle utilise tous les moyens —
parfois les plus extrêmes — pour neutraliser les éléments et les forces qui lui
résistent et qui représentent l'espoir et le projet révolutionnaires.
Parmi ces forces, les militants communistes captifs sont la
cible privilégiée : le pouvoir bourgeois les empêche —
nous empêche — de restituer l'analyse critique du capitalisme et la vision exacte
et dynamique du projet et de la lutte communistes. Il nous empêche d'assurer
cette responsabilité essentielle des militants prisonniers à l'égard de la
classe.
Ce devoir militant des communistes et la vulnérabilité de
leur situation lorsqu'ils sont fait prisonniers, les exposent donc à
l'agression et à l'arbitraire de la bourgeoisie. Il n'est pas inutile de
rappeler ici le sort des révolutionnaires captifs de la bourgeoisie turque,
espagnole, allemande, britannique, etc. Partout
où s'affrontent les forces révolutionnaires et l'impérialisme, les militants
désarmés et prisonniers sont soumis à des mesures terroristes allant jusqu'à
l'assassinat.
Nous n'en sommes pas encore à ces extrémités ici en
Belgique, mais il est significatif que nous quatre soyons les seuls prisonniers
à subir ces conditions de détention exceptionnelles, permanentes, lancinantes,
appliquées à chaque instant, à chaque mouvement de notre vie.
Cet encerclement coercitif n'est pas l'effet du hasard, il
s'inscrit dans la série d'expériences et d'études menées de longue date dans de
nombreux pays voisins pour la destruction clinique des opposants
révolutionnaires. Les modalités de notre enfermement sont prescrites par des
organismes internationaux, véritables associations criminelles, tels le groupe
TREVI, Interpol, etc.
Les ministères belges de l'Intérieur et de la Justice y sont
affiliés, y sont très actifs, et y fourbissent l'arsenal retors dont le Groupe lnterforce Antiterroriste et l'administration pénitentiaire
usent contre nous.
Ces pratiques infâmes révèlent toute la fraude historique de
la démocratie telle que conçue et mise en oeuvre par la bourgeoisie. Ces
pratiques devraient être révolues dans un État prétendument démocratique, dont
la légitimité reposerait sur la raison du Droit dont elle se réclame.
Ces pratiques devraient avoir fait place à l'argumentation
politique de la bourgeoisie en réponse à la critique portée par la politique
prolétarienne contre le capitalisme et l'ordre social qu'il engendre.
Mais face à la voix de quatre prisonniers, face à notre
seule voix, l'Etat belge ne peut que mentir, bâillonner, manipuler et harceler.
Face à la politique prolétarienne révolutionnaire dont nous quatre, prisonniers
aujourd'hui, sommes des représentants, la bourgeoisie n'a pas d'autre réponse.
Par ses exactions à l'encontre des prisonniers communistes, elle démontre
clairement l'étendue de son hypocrisie et de ses incapacités politiques.
Voilà toute la nature politique de l'ordre qui nous opprime,
fût-il démocratique. Et cela augure bien du terrorisme auquel la bourgeoisie ne
manquera pas de recourir lorsque le prolétariat organisé se lèvera pour lui
arracher le pouvoir à tout jamais.
Si nous avons exposé cela, c'est pour montrer que notre
emprisonnement et nos conditions de détention sont des décisions politiques,
uniquement politiques, qui participent de la lutte des classes, et
particulièrement de ce procès.
Dans ce cadre, nous, militant(e)s
communistes prisonnièr(e)s d'un Etat démocratique
bourgeois, nous savons que seule la lutte totale et permanente peut garantir
notre intégrité. Seule aujourd'hui notre lutte radicale par la grève de la faim
peut arracher la transformation durable du régime de détention dégradant et
destructeur auquel nous sommes soumis.
Nous exigeons :
— la possibilité de correspondre sans entrave et sans
plus de retard et la restitution de tout le courrier volé depuis le premier
jour de notre emprisonnement ;
— de pouvoir nous rencontrer quotidiennement pour huit
heures de travail collectif ;
— les deux permis de visites extra-familiales
promis pour chacun et qui n'ont jamais été accordés ;
— la possibilité de recevoir, conserver et échanger
tout document politique utile à notre travail ( livres, brochures, revues, etc. ) ;
— le port de vêtements civils.
En 1986, face à ces mêmes revendications et après
quarante-trois jours d'atermoiements et de marchandages sordides, le
gouvernement avait répondu à certaines d'entre elles. Le pouvoir bourgeois, à
cette époque, préféra céder du terrain plutôt que de devoir assumer, devant la
conscience sociale, le meurtre d'un militant des Cellules Communistes
Combattantes. Un meurtre qui aurait clairement révélé l'essence véritable de sa
démocratie.
Nous avons vu que, pour la bourgeoisie, il ne pouvait être
question de se mesurer politiquement au projet révolutionnaire au cours des
audiences : pareille confrontation, elle le
sait, ne pouvant tourner qu'à notre avantage. C'est pourquoi, notamment en
prévision de ce procès, les responsables ministériels, judiciaires, policiers
et pénitentiaires, inquiets devant la petite porte ouverte par notre lutte de
1986, se sont empressés de la fermer au plus vite.
Dès le printemps 1987, la trahison des accords fixés était
bouclée. Car seul un retour à notre isolement carcéral le plus hermétique permettait
à la bourgeoisie de garder l'espoir d'exhiber au procès des militants
décollectivisés, isolés, atomisés, des prisonniers incapables d'une démarche
cohérente, politique et collective.
Presque trois années d'isolement inconditionnel étaient
nécessaires à la bourgeoisie pour tenter de donner un semblant de crédibilité à
la grossière vision policière de l'Histoire qu'elle compte faire avaler à la
conscience sociale à l'occasion de ce procès. Construite sur notre décollectivisation concrète, la tentative de réduction de
la lutte des Cellules Communistes Combattantes à une série de faits divers, à
une mosaïque d'initiatives individuelles criminalisables,
est l'artifice que la bourgeoisie veut imposer ici aux dépens de la vérité de
la lutte des classes.
La grève de la faim est la seule arme collective à notre
disposition pour lutter actuellement contre le régime d'isolement carcéral
total.
A la suite de l'ouverture de notre mouvement, le 2 septembre
donc, nous avons appris qu'il nous serait permis de nous rencontrer, en
présence d'un avocat, dans le cadre fixé par ce procès. Concrètement, cela
s'est traduit par l'autorisation de rencontres étalées sur deux semaines et le
délai de ce procès ... Juste sans doute de quoi
permettre à l'appareil judiciaire d'apparaître tel qu'il n'est pas, à
l'occasion des audiences publiques. Juste de quoi, sans doute, permettre à la
Justice d'arborer en public un masque un peu moins hideux que celui qui est le
sien au fond de ses cachots.
Nous ne faisons pas la grève de la faim pour que ce tribunal
puisse se vanter avec impudence de nous avoir fait l'aumône de quelques
rencontres éphémères après trois années d'écrasement et avant leur reprise
immédiate si éventuellement nous devions rester aux mains de l'ennemi bourgeois !
Nous menons la grève de la faim collective et illimitée pour
changer durablement les conditions de détention des militants révolutionnaires
prisonniers, d'aujourd'hui et de demain, et voilà pourquoi personne ne peut se
laisser abuser par la concession passagère et superficielle que nous avons pu
gagner il y a quelques jours.
Nous continuons notre lutte par la grève de la faim, nous ne
la suspendrons que le jour où nous aurons conquis des conditions de détention
élémentaires pour des militants politiques.
·
Clarification
concernant les jurés
Maintenant, nous allons parler d'une autre question très
importante. Comme cette question concerne directement les gens qui ont accepté
le rôle de jurés dans ce procès d'Assises, c'est bien naturellement à eux que
nous allons nous adresser. Mais nous appelons quand même tout le monde à
écouter notre propos car, au travers de cette petite déclaration, nous
tâcherons aussi de présenter quelque peu notre identité de classe, notre
attitude de révolutionnaires communistes.
L'affaire ne commence pas le 28 janvier 1987, mais comme
elle ne nous concerne qu'à partir de ce moment-là, nous retiendrons cette date
comme point de départ.
Ce jour-là, le ministre de la Justice, à l'époque le PRL Gol, a tenu une conférence de presse. Au cours de cette
conférence, il a annoncé sa décision de corriger quelques articles du code
judiciaire : en gros, il se proposait de
multiplier le nombre de jurés suppléants fixé traditionnellement pour un procès
d'Assises.
Certes, en elle-même, cette modification du code judiciaire
ne nous intéresse en rien. Pour notre part nous avons des lectures bien plus
saines que ce bouquin, et plairait-il encore au ministre de jouer aux dés les
articles 120, 124, 238, 245 et 247 de son code, que cela ne nous ferait ni
chaud ni froid.
Mais, par contre, dans leur esprit, la conférence de presse
du ministre de la Justice ainsi que son objet nous visaient directement — on
peut même dire exclusivement — nous et notre organisation les Cellules
Communistes Combattantes.
L'objectif principal visé par Gol le
28 janvier 1987 — et, de toutes manières, finalement, l'objectif unique visé
par cette inutile modification de loi — cet objectif principal donc était de
donner le coup d'envoi officiel d'une campagne de manipulation de la conscience
sociale, de ce que l'on appelle couramment l'opinion
publique.
Depuis lors en effet, très largement relayée par des médias
complaisants, consacrée par la loi du 13 novembre 1987, et conclue dans le
cadre de ce procès, cette campagne d'intox parmi d'autres ne s'est jamais
relâchée. Et cette campagne, vous ne pouvez pas l'ignorer.
Nous avons pu réunir ici quelques extraits de journaux
divers qui illustrent bien le ton général de la manipulation en question. Nous
vous ferons grâce des titres de mauvais goût ou des détails débiles de ces
papiers, et nous rappellerons simplement que l'on peut y apprendre en long et
en large comment nous allons sans tarder vous menacer de mille morts, comment
nous allons inviter sans attendre ( si ce n'est déjà fait ! ) nos camarades à l'action directe
de représailles contre vous, etc.
Et, bien évidemment, nous vous adresserions ces nombreuses
menaces en réponse au rôle que vous avez accepté de remplir dans l'exercice
contre-révolutionnaire qu'est la justice bourgeoise.
Rassurez-vous tout de suite. Même si nous pensons que la
place que vous occupez là, cette place de jury, est effectivement une place
créée et contrôlée par la bourgeoisie dans son arsenal contre-révolutionnaire,
même si pour nous cela est on ne peut plus clair, nous ne pensons pas pour
autant qu'il serait juste de diriger contre vous, ici et aujourd'hui, quelque
manifestation que ce soit de la violence révolutionnaire.
Nous tenions à vous dire cela immédiatement, simplement et
franchement. Nous voulions vous dire cela d'emblée parce que nous imaginons
combien il doit être pénible de vivre si l'on a pareille inquiétude, inquiétude
peut-être d'autant plus présente qu'elle est savamment entretenue par quelques
services policiers ... comme par toute cette mise en
scène.
Et nous tenions aussi à vous dire cela rapidement pour une
autre raison qui nous est plus particulière. Si, pour notre part, nous avons dû
apprendre à vivre avec l'insulte et la diffamation journalistiques comme lot
quotidien depuis des années, il n'empêche qu'à chaque fois que nous pouvons
rétablir clairement la vérité de notre lutte, l'esprit du combat communiste,
nous y sommes toujours aussi sensibles qu'à la première heure : nous savons que notre cause sort toujours grandie
même du plus petit éclat de vérité.
Toutefois, dire cela ainsi ne suffit pas et nous voulons
maintenant exposer plus précisément les raisons qui nous ont dicté notre
position à votre égard en tant que jurés.
Nous pensons cette explication nécessaire, car affirmer
simplement notre véritable position, sans plus, serait naïvement faire la part
trop belle à ceux-là même qui hier nous calomniaient dans de nombreux articles
et qui, dès ce soir dans leurs rédactions respectives, s'acharneront à remettre
ça sur une nouvelle base pourrie.
Qu'il soit avant tout bien clair qu'il n'y a nulle flatterie
— et d'ailleurs, d'une façon générale, la flatterie est un procédé hypocrite
que nous abandonnons volontiers aux politiciens en campagne électorale — qu'il
soit donc bien clair qu'il n'y a nulle flatterie, nulle intention opportuniste
ou conciliatrice de notre part dans la décision de ne pas vous tenir
personnellement pour responsables du service que vous êtes appelés à rendre ici
à la bourgeoisie. Comprenez bien que notre décision n'ouvre la porte à aucune
reconnaissance, aucune indulgence de notre part vis-à-vis du rôle de juré dans
une cour de justice bourgeoise.
Le droit et la justice dans une société comme la nôtre
divisée en classes sociales, divisée entre exploiteurs et exploités, le droit
et la justice dans ce cas consacrent nécessairement le pouvoir de la classe
dominante sur la classe dominée. C'est là une question que nous développerons
plus longuement par la suite, alors indiquons simplement maintenant que rien
qui relève de ce droit ou de cette justice appelés à disparaître dans le
Socialisme ne mérite le respect ou la reconnaissance des révolutionnaires.
Dès lors, que tout le monde comprenne bien que si
aujourd'hui dans ce procès, nous ne vous condamnons pas, vous personnellement,
si nous n'appelons pas à la violence révolutionnaire contre vous
personnellement, nous n'en condamnons que plus fermement, au niveau politique,
le très hypocrite rôle que l'on vous appelle à jouer dans ces lieux. Ce très
hypocrite rôle qui prétend donner une légitimité populaire à l'exercice le plus
trivial de la contre-révolution bourgeoise.
Et pourquoi faisons-nous cette distinction entre vous d'une
part, en tant que personnes, et le rôle que la bourgeoisie vous assigne
concrètement ici d'autre part ? Pourquoi ?
Parce que nous sommes des communistes, que toutes nos
décisions reposent sur une identité objective et une analyse de classe, et
qu'ainsi nous sommes capables d'estimer, dans chaque situation, qui sont les
véritables ennemis du prolétariat, et qui sont ceux que ces véritables ennemis
de notre classe trompent ou égarent.
En respectant le cadre du droit et de la justice de la
bourgeoisie, en collaborant à l'exercice contre-révolutionnaire de ce tribunal,
vous agiriez contre les intérêts du monde du Travail. Nous, en tant que
communistes, nous pensons que la meilleure des choses à faire en cette occasion
est de démontrer, du mieux que nous pouvons, la contradiction absurde de cette
situation qui verrait les prolétaires parmi vous concourir à leur propre
oppression.
Voilà pourquoi, en gros, aujourd'hui et dans le cadre de ce
procès, nous ne vous reconnaissons aucun droit de nous juger là où vous êtes,
nous ne vous reconnaissons aucun droit de juger la lutte de notre organisation,
nous disons que ce que la bourgeoisie attend de vous, c'est que vous perpétriez
son propre crime contre le peuple, mais aussi que, malgré tout ça, nous ne
pensons pas qu'ici et aujourd'hui il soit permis de vous tenir par principe
pour responsables de votre geste.
Vous aurez sans doute remarqué qu'à chaque fois que, dans
cette déclaration, nous avons évoqué notre refus d'appeler à la violence contre
un jury d'Assises, nous avons systématiquement — et même un peu lourdement ! — souligné la spécificité du lieu et de l'époque.
Nous avons toujours précisé « ici et
maintenant » ou « aujourd'hui et dans le cadre de ce procès », ou d'autres formules encore. Pourquoi cette restriction ? Pourra-t-il en être différemment demain dans un
autre procès fait à des révolutionnaires ?
Oui, en toute certitude on peut affirmer dès maintenant
qu'il en ira différemment demain. Puisque le rôle que vous êtes appelés à jouer
ici, le rôle de jurés, s'inscrit dans le cadre même de la lutte des classes, il
est bien évident que de l'évolution du rapport de force au sein de cette lutte
évolueront les analyses et les exigences du camp révolutionnaire au sujet de ce
rôle.
Nous l'avons dit, la place que vous occupez là est
objectivement de collaboration avec la bourgeoisie. Or, nous savons qu'un jour
viendra inexorablement — ici comme partout — où l'affrontement entre les
classes sociales atteindra un tel stade de développement, de maturité, un tel
stade d'évidence au quotidien, que plus personne ne pourra encore prétendre
n'en rien comprendre et que le prolétariat révolutionnaire, lui, pourra
légitimement exiger de l'ensemble du corps social qu'il choisisse le camp de la
révolution socialiste.
Un jour viendra, inexorablement, où les forces
prolétariennes révolutionnaires devront sévir contre les effets néfastes du
conditionnement bourgeois jusqu'au sein de leur propre classe. Un jour viendra
où les forces prolétariennes révolutionnaires devront sévir — pour
l'intérêt de tous ! — contre ceux qui
continueront à collaborer à la contre-révolution. Alors, ce jour-là, occuper la
place que vous occupez actuellement pourra coûter très cher.
Mais nous n'en sommes pas là aujourd'hui. La réalité de
notre pays ne voit pas encore les classes sociales s'affronter clairement,
ouvertement, massivement, l'une pour le renversement du régime capitaliste,
l'autre pour sa perpétuation criminelle. Nous n'en sommes pas encore là,
aujourd'hui nous n'en sommes qu'aux toutes premières étincelles du brasier de
la guerre de classe.
L'histoire de la lutte prolétarienne est remplie
d'illustrations de ce même problème posé dans diverses circonstances. Nous
allons en citer une parmi les plus traditionnelles, c'est un exemple que tout
le monde comprendra aisément : le fait
de rosser les briseurs de grève est légitime de la part des travailleurs
grévistes. Cette violence de classe — exprimée au sein même de la classe — est
légitime parce qu'elle est nécessaire pour gagner l'homogénéité du mouvement de
lutte et pour en assurer le succès.
Voilà un bon exemple, très clair : les grévistes rossant les jaunes ! Quand il y a cent ouvriers dans une entreprise et
qu'un seul est déjà conscient de la nécessité de faire la grève, va-t-il
condamner ses nonante-neuf collègues et s'attaquer à eux pour leur apprendre
qu'ils doivent cesser le boulot ? Non,
n'est-ce pas, il va plutôt tâcher de leur faire comprendre l'intérêt et la
possibilité de la grève, la nécessité et la crédibilité de la lutte pour
repousser l'exploitation qu'ils subissent tous, et pour cela il va s'attaquer
au patron.
Mais quand plus tard, petit à petit mobilisés par l'exemple
donné par ce centième ouvrier combatif, il y a suffisamment de travailleurs de
l'usine qui l'ont rejoint — et qui se sont mis en grève — alors la situation
n'est plus du tout la même.
La situation n'est plus la même en ce qui concerne la fraction
du personnel qui courbe la tête devant le patron et qui trime double. A ce
moment-là, il est juste que le comité de grève fasse passer un mauvais quart
d'heure à quelques jaunes parmi les plus traîtres, histoire d'apprendre aux
plus hésitants à rester chez eux et afin de créer par là les conditions de
victoire du mouvement revendicatif favorable pour tous.
Notre position par rapport à vous en tant que jurés se
rapproche un peu de celle de ce centième ouvrier dont nous venons de parler.
Pas plus qu'il ne peut condamner ses collègues tant qu'il reste seul à avoir
compris la nécessité de la lutte, pas plus nous ne pouvons, nous, aujourd'hui,
vous condamner pour n'être pas des révolutionnaires.
Ainsi on peut comprendre toute la bassesse, toute la vilenie
de la campagne ministérielle et journalistique orchestrée contre nos véritables
positions, contre notre identité communiste.
Vous désigner comme responsables sanctionnables
de ce que vous êtes appelés à faire ici, ce serait exiger de vous, au nom d'on
ne sait quoi, d'on ne sait quel principe — mais en tous cas certainement pas à
partir d'une position prolétarienne et communiste ! — que vous fassiez autonomement preuve d'une
maturité de conscience qui n'existe encore qu'à l'état de virtualité, au mieux
d'embryon, aujourd'hui dans notre pays.
Or nous, nous ne sommes pas des anarchistes, nous n'agissons
pas à partir de n'importe quoi, et encore moins à partir de nos desiderata
personnels. Au contraire, en tant que militants communistes nous agissons
toujours à partir de la situation objective du mouvement prolétarien et des
conditions historiques. Nous agissons toujours pour les progrès du mouvement
prolétarien transformant les conditions historiques.
Voilà pourquoi, une dernière fois, si nous critiquons de la
façon la plus radicale la place de collaboration que vous occupez au sein de la
justice bourgeoise, notre tâche constructive doit toutefois être de chercher à
vous éclairer, par l'attaque contre la bourgeoisie, de ce que vous êtes
maintenant appelés à agir contre les intérêts du monde du Travail.
Et notre tâche sera celle-là, inlassablement, parmi toutes
les autres, jusqu'à ce jour qui viendra où le mouvement prolétarien
révolutionnaire pourra témoigner de ses progrès en demandant — toujours comme
pouvait le faire le comité de grève dans notre petite illustration — en
demandant donc des comptes à ceux qui, pourtant réputés « populaires »,
persisteront à collaborer contre les intérêts des travailleurs. Et parmi
ceux-là, les autres jurés qui vous succéderont dans cette Chambre.
Tout ce que nous pouvons vous souhaiter, c'est que ce
jour-là vous soyez du camp de ceux qui refuseront systématiquement les
convocations du ministère de la Justice ...
ou qui y répondront pour mieux en subvertir l'objet !
Mais cette dernière démarche courageuse n'a jamais la vie
longue. Dès qu'elle apparaît, dès que la subversion prolétarienne pénètre dans
les jurys, alors la bourgeoisie instaure au plus vite des « sections spéciales »
ou d'autres tribunaux d'exception qui lui offrent toutes les garanties dont
elle a besoin pour protéger son pouvoir illégitime.
·
A
propos du procès et de la justice
Après les divers points particuliers qu'ont présentés mes
camarades, nous allons maintenant aborder une question plus générale, une
question essentielle car elle touche à l'ensemble des enjeux de ce procès.
Nous disons que l'on a déjà commencé, ici, à jouer un
spectacle terroriste et manipulateur dont l'unique objet est de trafiquer
complètement la vérité historique et de manipuler tout autant la conscience
sociale
En tant que militants communistes il est de notre devoir, de
notre responsabilité justement devant la conscience sociale, de démasquer et de
dénoncer immédiatement ce qui se passe et ce qui se passera à l'occasion de ce
procès. C'est de notre responsabilité, parce que la vérité est toujours
favorable à notre cause, à la cause du prolétariat, tandis que les obscurs
traficotages ne peuvent qu'être favorables aux intérêts de la bourgeoisie.
Comprenons-nous bien tout de suite. Quand nous disons que
l'on a commencé à jouer ici un spectacle terroriste et manipulateur à
destination de la conscience sociale, nous ne parlons pas exclusivement de la
lecture du roman malsain signé par le procureur. Cette intrigue intitulée « acte d’accusation »
est certes une pièce importante de la construction en cours ici, mais nous y
reviendrons plus tard pour souligner quelques aspects des plus tordus de cette
provocation. Pour l'instant c'est de l'ensemble de ce procès et de cette
justice de classe que nous voulons parler. Pour faciliter la démonstration des
manœuvres rnystificatrices de ce tribunal, nous
allons nous appuyer sur un petit exemple qu'il nous offre lui-même, un petit
exemple qui concentre vraiment bien l'essence du problème.
A l'ouverture de ce procès-spectacle,
le tribunal, selon le rite prescrit, s'est assuré la mise en coupe réglée des
jurés. Pour cela, il leur a fait prêter un serment. Et pour rappel, ce serment
disait très exactement ceci :
« Vous jurez et promettez d'examiner
avec l'attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre N.,
de ne trahir ni les intérêts de l'accusé ni ceux de la société qui l'accuse ; de ne communiquer avec personne jusqu'après votre
déclaration ; de n'écouter ni la haine ou la
méchanceté, ni la crainte ou l'affection ;
de vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre
conscience et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui
conviennent à un homme probe et libre. »
Certes, on pourrait facilement rire de la seconde partie de
ce serment qui demande aux jurés de ne pas être sensibles à la crainte ou à la
haine, alors que ceux-là même qui osent leur en faire la demande s'occupent
activement, par mille et une combines veules de créer et d'entretenir la
crainte et la haine.
Certes, on pourrait aussi ouvrir un débat philosophique clarificateur
sur la notion de conscience, de probité et de liberté, dans le cadre de
l'aliénation et de la déshumanisation totales qui
caractérisent l'oppression impérialiste. Mais ce n'est pas tant de cela que
nous voulons parler maintenant.
Maintenant, nous voulons nous arrêter une petite minute sur
la première partie de ce serment, et plus particulièrement sur le passage où il
est question « de ne pas trahir les intérêts de
l'accusé ... »
« Ne pas trahir les intérêts de
l'accusé … », voilà tout d'abord qui ne manque
pas de culot !
Il nous aura fallu subir pendant des années un régime de
détention exceptionnel, basé sur la privation permanente de tout rapport
social, de toute communication intellectuelle, de toute pensée collective, en
bref de tout ce qui fait la dimension humaine, pour entendre aujourd'hui parler
en termes bienveillants de notre intérêt !
Et de surcroît, comble de l'hypocrisie, nous devons entendre
cela sur ordre du système même qui, depuis bientôt trente-quatre mois,
s'acharne à nous briser, à nous rendre non seulement incapables de nous défendre,
mais aussi incapables ne fût-ce que d'exprimer ce que nous jugeons être notre
intérêt !
Cette abjection pourrait être comparée à l'action de
quelqu'un qui, après avoir coupé la langue de son ennemi, demanderait généreusement
le silence pour que le mutilé puisse jouir de son droit à la parole.
Voilà qui est fort révélateur du total manque de principe et
de scrupule de l'appareil judiciaire. Mais allons plus loin, car un autre
passage du serment est encore beaucoup plus instructif.
On peut en effet, à cet endroit, voir superbement évoquer « les intérêts de la société ». Mais de quoi peut il bien s'agir ? La question est importante. Et le fait que ce soit
nous, militants communistes qui la posons, et non le tribunal, n'est vraiment
pas le fruit du hasard.
Nous vivons dans une société divisée en classes sociales aux
intérêts contradictoires. Schématiquement, nous dirons que cette division de la
société se traduit par l'opposition de deux classes principales : d'un côté les travailleurs créant la richesse
sociale, de l'autre les capitalistes s'accaparant la plus grande part de cette
richesse. Les premiers sont les exploités, les seconds les exploiteurs. Et il
n'est pas besoin d'être un marxiste émérite pour comprendre que les intérêts
des uns sont forcément et irréductiblement antagoniques
aux intérêts des autres.
C'est à la lumière de cette réalité objective vécue
quotidiennement par le monde du Travail dans notre pays qu'il faut répondre à
la question : quels sont les intérêts de la
société ?
Pour nous, communistes, comme pour tous les travailleurs
réfléchis, la réponse ne souffre aucune discussion : les intérêts de la société, ce sont les intérêts du
monde du Travail, car les intérêts du monde du Travail sont les intérêts de
l'immense majorité de la population.
Pour nous, par exemple, les intérêts de la société ce sont
les conditions de vie des populations et non les profits plantureux de la Société
Générale. Et de cette façon, pour nous, l'intérêt de la société serait
notamment qu'elle cesse de payer chaque année cinq cent milliards d'intérêts
sur la scandaleuse « dette publique » auprès des banques ... alors qu'un ménage sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté et
un sur quatre dans des conditions de précarité.
Ce dernier exemple, — que celui qui a la chance d'y échapper
peut pourtant facilement comprendre après avoir vu son pouvoir d'achat
dégringoler de 15 à 20 % en huit ans —, impose une
conclusion : il faut choisir son camp dans
notre société. II faut choisir soit le camp du monde du Travail, le camp des
prolétaires et de la Révolution, soit le camp des exploiteurs, le camp de la
bourgeoisie et de la contre-révolution. II est impossible de prétendre choisir
les deux.
Nous le répétons encore, pour nous communistes, comme pour
tous les travailleurs conscients et combatifs, le choix est indiscutable : les intérêts de la société ce sont les seuls
intérêts du monde du Travail, ce sont les seuls intérêts de l'immense majorité
des populations. Et ce choix implique que les intérêts de la société, tels
qu'ils sont objectivement et tels que nous les comprenons, vont à l'encontre
des intérêts des capitalistes et vont aussi, par conséquent, à l'encontre du
régime politique et juridique en place puisque celui-ci est au service des
capitalistes.
La lutte communiste révolutionnaire contre le système
capitaliste et le régime qui le défend, est conforme aux intérêts de la société
puisqu'elle est conforme aux intérêts de la majorité laborieuse.
Ici le monde est à l'envers. Nous voyons ce tribunal avoir
l'impudence et la grossièreté de se réclamer des intérêts de la société. Mais,
si ce tribunal s'occupait objectivement des intérêts de la société, ce ne serait
pas des militants communistes et le combat d'une organisation révolutionnaire
qu'il mettrait en accusation, ce serait la clique de capitalistes, de parasites
et de politiciens qui volent et trompent le peuple d'une manière éhontée.
Il est nécessaire de mettre en évidence cette chose
inimaginable : un procureur bourgeois, parasite
social rétribué par l'Etat 120.000 frs net pour ses
services, prétend prendre ici la parole au nom de la société :
Mais quels intérêts sert-il ici ? Ceux des 2.917 pensionnés qui touchent 135.000 frs par mois, ou ceux des 382.904 autres pensionnés qui
reçoivent moins de 10.000 frs pour "vivre"
par mois ?
Le procureur a-t-il parlé pour les intérêts du prolétariat
surexploité au fil des restructurations et pour les intérêts du million de
sans-travail ? Sûrement pasl
Vous êtes le larbin des Leysen, Frère, De Benedetti, Davignon et autres canailles qui étouffent notre société
dans la décadence de l'impérialisme, mr Jaspar : nous vous interdisons de parler au nom de la
société, c'est un droit que vous usurpez !
Alors comme ça c'est clair. Chacun peut comprendre que le
tribunal réuni ici l'est pour servir les intérêts du capitalisme et de la
bourgeoisie et pour partir en guerre contre les intérêts de la société. C'est
pour masquer cet état de choses qu'il prétend embrigader des « jurés populaires »
avec un serment-escroquerie et c'est également dans
cette optique qu'il les a invités à surtout ne pas tenir compte de ce qui se
discutait dans la société et à se borner à ce qui se dirait dans le cadre de
cette salle d'audience placée sous son contrôle total.
Il serait toutefois réducteur de charger ce procureur
particulier, ou ce tribunal particulier, de toute la vilenie de la
contre-révolution. En fait, ce procureur n'est pas plus brillant que ses
complices, tout comme le procès instruit ici ne se distingue pas de ceux passés
ou à venir contre le mouvement de classe et la lutte révolutionnaire.
La question est plus vaste, elle concerne la fonction de la
justice dans une société divisée en classes sociales contradictoires, elle
concerne la fonction de l'appareil judiciaire dans le cadre d'une société basée
sur l'exploitation, sur l'inégalité, en bref, finalement, sur l'injustice
sociale.
Remontons un peu dans l'histoire pour bien comprendre le phénomène
en lui-même.
De la même façon que chaque époque développe ses propres
formes de pouvoir et ses propres valeurs idéologiques, chaque époque possède sa
propre justice.
Ces caractères particuliers à chaque étape historique
découlent de la manière dont ces étapes répondent à la question centrale de la
société, à savoir la question de l'organisation de la production.
C'est là une des lois fondamentales du matérialisme
historique. Dans notre jargon politique, nous disons que le déterminant
essentiel — infrastructurel — du rapport social est le mode de production, et
que de ce déterminant de base découlent l'encadrement politique, idéologique,
juridique, etc., en fait tous les caractères superstructurels du rapport social.
Prenons la période de l'Antiquité où la plus grande part de
la production était assumée par les esclaves. A cette époque, les formes de
pouvoir, les références idéologiques ...
et la justice étaient fonction du
système esclavagiste : elles émanaient de lui, elles
s'appuyaient sur lui, elles contribuaient à le perpétuer et, tout
naturellement, elles réprimaient les révoltes des esclaves.
Passons à la période suivante, le Moyen-Âge, où la plus
grande part de la production était assumée par les serfs. A cette époque, les
formes de pouvoir, les références idéologiques ... et la justice étaient
fonction du système féodal : elles émanaient de lui, elles
s'appuyaient sur lui, elles contribuaient à le perpétuer et, tout
naturellement, elles réprimaient les jacqueries, les soulèvements des serfs
contre la noblesse ou l'Eglise.
Et maintenant, arrivons à la période contemporaine où la
plus grande part de la production est assumée par les prolétaires. A notre
époque, les formes de pouvoir, les références idéologiques ... et la
justice sont fonction du système capitaliste : elles émanent de lui, elles s'appuyent sur
lui, elles contribuent à le perpétuer et, tout naturellement, elles répriment
les luttes prolétariennes anticapitalistes.
Et le fait que les formes de pouvoir, les références
idéologiques, et même la justice peuvent quelque peu varier dans le cadre d'un
même système ne doit pas nous égarer. Dans l'Antiquité, Athènes était une
démocratie et Rome un empire ... alors
que l'une et l'autre reposaient sur l'esclavage. Aujourd'hui, la Belgique est
une démocratie et la Turquie une dictature ...
alors que l'une et l'autre reposent sur le capitalisme, sur l'exploitation du
prolétariat par la bourgeoisie. Et qui plus est, aujourd'hui démocraties et
dictatures capitalistes se combinent dans un ordre unique : l'ordre impérialiste.
D'ailleurs, réfléchissons un instant avec bon sens. Comment
pourrions-nous jamais croire qu'il en aille autrement ? Si la justice n'était pas fonction du système en
place et, par là, instrument de la classe dominante au sein de ce système, il
suffirait simplement d'une série de procès politiques pour changer de système,
pour passer d'une étape du développement historique à une autre.
Or, l'esclavagisme et la féodalité n'ont pas disparu suite à
quelques procès de ce genre, ils ont disparu dans le fracas d'une lutte féroce
et à travers de terribles bouleversements historiques. Et il en ira de même
pour que disparaisse le capitalisme et s'affirme l'ère du Socialisme universel,
l'ère du pouvoir prolétarien, de la morale prolétarienne ... et de la
justice prolétarienne.
A nouveau, le seul fait que ce soit nous, communistes
révolutionnaires, qui ayons à répondre dans un procès du combat et des buts de
notre organisation, plutôt que ce soit la clique des capitalistes et des
politiciens qui exploitent et trompent la classe laborieuse qui ait à y
répondre de ses crimes, clarifie définitivement la réalité des choses : la justice — c'est à-dire
l'appareil judiciaire et le droit — est par nature au service de la classe
dominante.
De cet aspect essentiel de ce qui se passe ici, le tribunal
ne comptait bien évidemment pas parler. De son point de vue et en fonction de
ses buts contre-révolutionnaires, il ne pourra être question pour lui, au fil
des audiences, que de réduire la question posée par une initiative
révolutionnaire à une simple alternative :
innocence ou culpabilité.
Serions-nous innocents de toute participation aux activités
des Cellules Communistes Combattantes ?
Non, pas du tout, nous sommes des militants et militante de cette organisation révolutionnaire
et nous le revendiquons fièrement.
Serions-nous alors coupables d'un tel militantisme ? Non, encore moins, parce que les activités des
Cellules Communistes Combattantes ne sont pas coupables mais justes et
légitimes. Justes parce que nécessaires pour la libération du prolétariat,
légitimes parce qu'exprimant la marche historique du progrès de l'humanité.
Il suffit de jeter un petit coup d'œil au delà du cadre
borné dans lequel ce tribunal espère enfermer les débats d'audiences, pour
comprendre combien ce procès n'a de sens que pour les intérêts capitalistes.
A quels yeux, en effet, la lutte révolutionnaire
anticapitaliste, la lutte pour le Socialisme, la lutte pour le pouvoir des
travailleurs est-elle coupable ? Sinon
aux yeux des capitalistes et de leurs larbins ? La lutte révolutionnaire est illégale ? Mais bien sûr, fut-ce parce que la légalité est fonction du système
que la lutte révolutionnaire veut renverser !
Il en a toujours été ainsi dans l'histoire et il en sera toujours ainsi tant que
durera la lutte des classes dans la société.
Une lutte révolutionnaire revêt tôt ou tard une forme
illégale, cela témoigne de ses progrès politiques et organisationnels. Une
lutte révolutionnaire ne peut que développer son illégalité jusqu'au moment où,
le rapport de force entre les classes antagonistes s'inversant, la lutte
révolutionnaire finit par vaincre. Alors, la classe sociale révolutionnaire
devient la classe dominante, et elle impose ses propres formes de pouvoir, ses
propres valeurs idéologiques, sa propre justice et sa propre légalité, à savoir
une grande part de l'illégalité de la veille.
Pour ceux et celles qui mesurent combien la lutte
anticapitaliste est juste, il ne peut être question de poser le problème de la
lutte révolutionnaire en termes d'innocence ou de culpabilité. La lutte pour le
Socialisme est juste parce qu'elle sert les intérêts du plus grand nombre, les
intérêts du monde du Travail. Elle n'est coupable que pour ceux qui,
consciemment ou non, perpétuent l'exploitation et l'oppression de la majorité
de la société au profit d'une poignée de parasites.
Le seul fait que ce procès ait lieu est une insulte aux
intérêts de la société compris comme étant les intérêts de la majorité. Ce qui
se passe ici n'est strictement rien d'autre qu'une opération de maintien de
l'ordre capitaliste, opération policière camouflée par un grand nombre de
mystifications et de diversions. Et c'est pour cela, parce que ce procès est
fondamentalement contraire aux intérêts populaires et prolétariens que nous ne
collaborons pas à son fonctionnement.
Ainsi s'explique pourquoi nous ne sommes pas intervenus lors
de la constitution du jury. Comme nous pensons — comme nous savons— que le travail politique et militaire des Cellules
Communistes Combattantes est juste et honorable, nous rejetons l'idée qu'il
puisse être mis en accusation, qu'il puisse être jugé ou qu'il puisse faire
l'objet d'une condamnation.
Dans cette mesure il n'y a pas pour nous de jurés plus ou
moins acceptables. Le problème ne se situe pas là. Le problème se situe
uniquement dans le fait que ce ne sont pas les communistes révolutionnaires
mais plutôt les capitalistes et leurs larbins qu'il faut accuser, juger et
condamner. Alors seulement, enfin, un procès correspondra aux intérêts de la
société.
C'est aussi pour cela que nous n'avons pas à nous défendre
et que nous ne nous défendrons pas. Nous défendre contre telle ou telle
accusation de la bourgeoisie reviendrait à reconnaître le droit de nos ennemis
à nous accuser ! Et de pareille absurdité, bien
sûr, il ne peut être question.
Nous sommes attachés à notre cause, à la cause du
prolétariat, et quel que soit le prix que nous devions payer sur le chemin de
libération de l'humanité, nous ne la renierons jamais.
La cause révolutionnaire, la lutte pour le communisme est
juste et légitime, l'accuser est donc injuste et illégitime et reconnaître la
validité de l'accusation en cours ici en composant avec elle serait tout autant
injuste et illégitime.
Participer à la manoeuvre, à l'intrigue contre-révolutionnaire
de ce procès en nous y inscrivant aux bons soins d'une « défense »
irait à l'encontre de nos intérêts authentiques, de nos intérêts collectifs et
supérieurs qui sont ceux de la lutte révolutionnaire, ceux du combat
communiste, ceux de l'émancipation du prolétariat, ceux de l'Avenir.
Une dernière conclusion s'impose alors : la moindre intervention de la part de nos avocats
dans le cadre de ce procès irait à l'encontre de nos intérêts tels que nous les
comprenons. C'est pourquoi nous leur demandons de quitter la barre sans délai.
Déclarations centrales au procès, 14
octobre 1988
Il paraît que ce qui se passe ici est normal. Quatre
militants et militante révolutionnaires doivent répondre de la lutte de leur
organisation, et cela est normal. Cela est normal comme il est normal que 14
millions d'enfants de moins de cinq ans meurent chaque année — 40.000 chaque
jour — faute de soins et d'alimentation.
La lutte des Cellules Communistes Combattantes est mise en
accusation ? C'est normal, comme il est normal
que chaque année la CEE et les Etats-Unis produisent 400 millions de tonnes de
déchets chimiques hautement polluants qu'ils déversent pour la moitié en
Afrique et en Amérique du Sud.
Cela est très normal, comme il est tout aussi normal qu'au
cours de ces dix dernières années ...
d'austérité, la dette publique soit passée de 40 à 110 % du Produit National Brut. Autrement dit, comme il
est parfaitement normal qu'un enfant naissant dans ce pays hérite d'office
d'une dette de 624.000 francs plus les intérêts ! — vis-à-vis des holdings bancaires.
Voilà un président de tribunal, un procureur, beaucoup de
gendarmes, c'est normal. C'est normal comme sont normaux les 15 milliards de
bénéfices réalisés dans le seul secteur de l'électricité en 1987, alors qu'en
permanence des dizaines de milliers de foyers à travers tout le pays sont
privés d'éclairage et de chauffage.
Nous sommes ici dans un tribunal, nous avons dû entendre un
réquisitoire furieux et halluciné, rien que de très normal, normal comme le
budget de la Défense Nationale qui s'élève à 100 milliards, et normal comme les
160 francs de l'heure que les Agences Locales pour l'Emploi offrent
généreusement à des chômeurs taillables et corvéables à merci. Toujours aussi
normaux sont les 240.000 accidents du travail recensés chaque année, accidents
qui frappent pour 90 % la classe ouvrière.
La description de cette normalité pourrait être aussi
infinie qu'elle est sinistre. La normalité de l'ère impérialiste, c'est aussi
570 millions de sous-alimentés dans le monde, 800 millions d'analphabètes
complets adultes, 1,3 milliard d'êtres humains sans logement décent, 1,5
milliard d'êtres humains privés de la moindre assistance médicale, etc.
Et, dernier chiffre accusateur dans sa démence, la normalité
de l'impérialisme c'est aussi le montant compensatoire fixé pour limiter la
production de viande dans la CEE qui correspond, par tête de bétail supprimée,
au revenu moyen d'un habitant sur deux de la planète.
Tout cela est normal. Tout cela est aussi rigoureusement
normal que le droit bourgeois et le procès en cours ici. Voilà de quoi, selon
nous, il s'impose avant tout de discuter. Voilà ce que, selon nous, il s'impose
avant tout de dénoncer.
Pour bien comprendre ce qui se passe ici, il importe
d'ouvrir les yeux. Il importe de les ouvrir non pas en tolérant les œillères
que l'on nous impose, mais de les ouvrir sur la réalité globale des choses.
Autrement dit, il ne peut être question de se satisfaire de la mise en scène de
ces dernières semaines et, au contraire, il s'impose d'analyser de la façon la
plus large et en profondeur le cadre général dans lequel ce procès s'inscrit,
les bases sur lesquelles il se fonde, ses propres tenants et aboutissants.
On attendrait en vain l'ombre d'une pareille démarche de la
part de la clique de fonctionnaires du ministère de la Justice qui officient
ici, ou de celle des pisse-copies de la presse du régime. Et cela n'est pas un
malencontreux hasard. En fait, tout ici est planifié et organisé de telle sorte
que le cadre historique et politique de ce procès reste indiscutable et
indiscuté : ce procès est normal, n'est-ce pas ?
Là réside l'escroquerie essentielle de ce qui se passe ici.
Ce procès, ses bases, son organisation, ses modalités et ses artifices nous
sont présentés comme allant de soi, comme se situant d'emblée hors de tout
débat. Il s'agit donc d'une normalité imposée, limitant de fait ( et en dernier
recours par la force armée ) la marge de manœuvre accordée aux
diverses parties dans un cadre prédéterminé.
Dans la mesure où nous, communistes, trouvons cette
normalité complètement anormale, nous voulons discuter l'indiscutable en posant
avant tout cette question : En vertu de quoi, en fonction de
quoi, et sur quelles bases prétend-on faire ici le procès de la lutte des
Cellules Communistes Combattantes ?
Plusieurs éléments de réponse surgissent aussitôt.
En premier lieu, il apparaît que si ce procès peut se tenir,
procès qui voit des militants communistes révolutionnaires dans le box des
accusés et quelques fonctionnaires grassement payés par l'Etat bourgeois pour
orchestrer l'affaire, cela tient uniquement au rapport de force existant
aujourd'hui, dans notre pays, entre le camp révolutionnaire et celui du régime,
cela ne témoigne de rien d'autre que de la réalité de la lutte des classes en
Belgique en cette fin de siècle.
Si l'on réfléchit un instant, on ne peut en effet nier que
si le rapport de force entre les classes sociales était inversé ( c'est-à-dire si
l'Etat belge était un Etat socialiste, ce qu'il sera inexorablement tôt ou tard ), eh bien ce serait nous ou d'autres camarades
militants révolutionnaires qui siégerions au pupitre de l'accusation. Et ce seraient quelques piliers du régime actuel, bouchés et
récalcitrants à l'évolution historique, qui seraient coincés dans ce box. Qui
s'y trouveraient coincés non pas sous la surveillance de quelques mercenaires
mais bien sous celle de gardes rouges.
Quiconque est capable de lire l'Histoire, quiconque est
capable d'en comprendre le mouvement général peut faire sienne cette réflexion
élémentaire de bon sens. Mais laissons l'avenir à sa place et occupons-nous
plutôt du présent.
Remarquons que si les différentes structures du régime, et
principalement l'appareil policier et judiciaire, se sont mises
en branle contre notre organisation, cela tient au fait que les Cellules
Communistes Combattantes développent une activité dont l'illégalité n'est un
mystère pour personne.
Si à la place de détruire le siège du patronat de la
métallurgie, Fabrimétal, ou celui du CVP à Gand au
cours de campagnes de propagande armée, notre organisation muée en entreprise
de travaux publics avait procédé, munie de toutes les autorisations nécessaires,
à la démolition de quelques quartiers convoités par des promoteurs, nous ne
serions pas en prison et nous ne comparaîtrions pas en procès.
Se pose donc clairement la question de la légalité et de
l'illégalité des choses, question traduite par le droit puisque l'on entend par
ce terme l'ensemble des règles juridiques auxquelles les citoyens sont, par principe, tenus.
Cette question se pose avec d'autant plus de centralité que
nous vivons, à quelques ( sérieuses ) bavures près, dans un Etat de droit. Concrètement,
cela signifie que le procès en cours ici est fondé sur un droit et sur la
violation de celui-ci par les Cellules Communistes Combattantes. Ensuite, cela
signifie que les fonctionnaires chargés de la direction de ce procès sont tenus
de le mener conformément à ce même droit.
Bien sûr, çà et là au cours des différentes confrontations
entre forces révolutionnaires et gardiens du régime, ces derniers censés ( faire ) respecter la loi ont pris quelques libertés avec
elle. Mais lorsqu'on examine globalement la question, il n'y a pas de quoi
s'émouvoir excessivement : l'Etat de droit reste la forme de
pouvoir préférée par la bourgeoisie aujourd'hui dans notre pays.
Revenons un peu en arrière. Nous avons commencé par
souligner le crime de la normalité impérialiste. Et nous avons dit que la
normalité de ce procès s'inscrivait au sein de cette normalité imposée à
l'humanité.
Maintenant, pour avancer dans notre réflexion à propos de la
normalité de ce procès, nous devons donc nous interroger quant à la normalité
du droit puisque c'est lui qui, comme nous venons de le voir, justifie et
conditionne ce procès. Nous pouvons dire que le droit est au centre des
éléments indiscutables et indiscutés que tout un chacun est censé devoir
accepter d'emblée ici.
Contrairement à ce que toutes les idéologies dominantes
passées ou actuelles ont toujours prétendu, le droit n'est en rien la codification
plus ou moins réussie, sans cesse améliorée, d'un principe absolu et supra
historique de la justice humaine, Justice
avec un grand J, sorte de sagesse idéale. Non, le droit n'a rien à voir avec on
ne sait quelle normalité supérieure ou immanente. En lui-même le droit n'est
pas une norme, il est un produit socio-historique transitoire qui est imposé
comme norme.
D'ailleurs, si l'on ne tient pas compte de ce caractère
socio-historique du droit, on se retrouve tout bonnement incapable d'expliquer
le phénomène juridique : pourquoi faudrait-il mettre au
point un système aussi complexe et pourquoi faudrait-il ensuite mettre en place
un appareil aussi immense — et brutal — pour le faire respecter ?
Si le droit était l'expression d'une justice ou d'une idée
de justice plus ou moins transcendante à la condition humaine, eh bien les
éventuelles frictions internes à la société se résoudraient naturellement, spontanément,
sous la pression du corps social faisant sienne pareille idée de justice. On
peut même pousser le raisonnement plus loin en constatant que, quand il existe
une idée de justice propre à une société homogène, équilibrée, harmonieuse, les
infractions à la norme collective deviennent alors à proprement parler
accidentelles.
Cette dernière réflexion n'est ni gratuite ni utopique : il en va, ou plutôt il en allait ainsi dans la
société primitive et nous allons voir en quoi, en tant que société évoluée,
cela nous intéresse beaucoup.
Le phénomène juridique n'apparaît et ne se développe que
dans les sociétés caractérisées par des oppositions et des contradictions
permanentes d'intérêts en leur sein. En d'autres mots, le droit n'apparaît et
ne se développe que dans les sociétés dont des fractions constitutives, — des
classes sociales —, s'opposent, s'affrontent avec chacune leur propre
raison de ce qui est juste et de ce qui est injuste.
Le phénomène juridique est apparu assez tardivement dans
l'histoire de l'humanité. Les sociétés primitives ne connaissaient ni l'Etat,
ni le droit, ni l'appareil judiciaire pour le faire respecter. Et si ces
sociétés ne connaissaient pas le droit, ce n'était pas par indigence
philosophique mais tout simplement parce qu'elles n'en avaient nul besoin.
Elles n'en avaient aucune nécessité parce qu'elles étaient
socialement structurées d'une manière telle que le droit et le phénomène
juridique leur étaient superflus : la
société primitive n'était pas fondée sur des oppositions et des contradictions
permanentes d'intérêts en son sein, elle n'était pas divisée en classes
sociales antagoniques.
Au contraire d'être divisées en fractions inconciliables, en
classes sociales, les sociétés primitives étaient fondées sur la communauté
d'intérêts de toutes leurs différentes composantes. Cette communauté d'intérêt
se fondait sur la collectivisation totale des moyens de production, de
l'activité laborieuse et de la richesse sociale.
Spontanés et socialement équilibrés, les rapports sociaux
primitifs n'avaient donc nul besoin d'être codifiés et ordonnés pour exister,
et n'avaient donc pas plus besoin d'être l'objet de sanctions judiciaires pour
se maintenir. En bref, dans ces sociétés harmonieuses à base non antagonique,
la règle sociale naturelle, spontanée, respectueuse des intérêts de la
collectivité, suffit amplement à régler les petites crises et ruptures
forcément accidentelles surgissant en son sein.
La rupture de la communauté d'intérêt et de l'harmonie
sociale qui caractérisaient la société primitive est
survenue suite à l'apparition de la propriété privée des moyens de production.
Et pourquoi l'appropriation privée des moyens de production est-elle apparue ? Parce qu'elle était le produit du stade alors
atteint dans le développement des forces productives et la division croissante
du travail au sein de la société primitive.
Schématiquement, nous pouvons dire
que sans propriété privée sur les sources de richesses, il n'y a pas de
division de la société en classes sociales inconciliables, autrement dit il n'y
a pas de contradiction interne et inhérente à la société : il n'y a pas de lutte des classes. Et cela va de
soi : à partir du moment où il n'y a pas
de contradiction interne et inhérente à la société, pas de lutte des classes,
il n'y a pas d'Etat ... et pas de droit.
La propriété privée est donc en elle-même le droit
fondamental et premier, le droit des droits d'où dérivent tous les autres, y
compris le Droit lui-même en tant que concept philosophico politique.
Puisque le droit est finalement un corollaire, un produit
des modes de production fondés sur la propriété privée, il devient évident que
le passage d'un de ces modes à un autre implique le passage d'un droit
approprié à un autre. C'est tout à fait logique, les contradictions sociales
évoluant d'un système économique à un autre, le droit chargé de réguler et
normaliser ces contradictions évolue de concert avec elles. Ainsi le droit
romain trouvait juste l'esclavage parce qu'il était lui-même le produit du mode
de production esclavagiste. Ainsi le droit féodal trouvait juste le servage
parce qu'il était lui-même le produit du mode de production féodal. Et ainsi le
droit bourgeois trouve juste l'exploitation du travail salarié parce qu'il est
lui-même le produit du mode de production capitaliste.
Et à partir du moment où le droit ne fait que consacrer un
mode de production déterminé, où il est enfin compris pour ce qu'il est
réellement un élément superstructurel d'un mode de
production donné, il devient flagrant qu'il restera toujours invariable et
conforme au cadre du mode de production particulier dont il est issu. Les
changements successifs de droit au cours de l'histoire n'indiquent donc en rien
une évolution du droit vers une conformité toujours plus grande à une justice
idéale, supra-classiste et supra-historique.
De par sa nature superstructurelle,
de par sa nature de produit social entérinant les modes de production, le
phénomène juridique joue un rôle forcément négatif dans l'évolution du
processus historique. Le droit féodal par exemple, n'a pas évolué vers le droit
bourgeois. Il fallut attendre que les rapports de production capitalistes et la
bourgeoisie aient supplanté, dans une féroce lutte de classe, les rapports de
production féodaux et la noblesse, pour que le droit bourgeois supplante le
droit féodal.
En 1757, un nommé Damiens donna un coup de canif à Louis XV
pour le rappeler à ses devoirs et il fut écartelé en place de Grève. En 1793,
Louis XVI fut guillotiné place de la Révolution pour avoir manqué à ses devoirs
envers la nation. Les deux condamnations furent conformes au droit de leurs
époques respectives ... Est-ce à dire que le droit
avait évolué entre ces deux moments ?
Non, simplement, entre ces deux dates, la révolution bourgeoise de 1789 avait
imposé le pouvoir de la bourgeoisie aux dépens du pouvoir féodal, et le droit
bourgeois avait évincé le droit féodal.
Puisqu'il n'est pas évolutif dans la marche historique,
puisqu'il ne fait qu'entériner les changements après coup, le phénomène
juridique est à proprement parler réactionnaire. Le droit s'opposera toujours à
la marche en avant authentiquement progressiste de l'Histoire. Il s'y opposera
sans cesse car il sera toujours le défenseur des régimes d'aujourd'hui contre
ceux de demain, le défenseur du présent déjà périmé contre l'avenir. ( Un souci de
clarté nous impose de préciser, dès maintenant, que le droit socialiste
appliqué durant la période transitoire de dictature du prolétariat ne
correspond pas à cette définition globale. Il n'y correspond pas, justement
parce qu'il se fonde dans le processus concret d'extinction des classes
sociales, donc du dépérissement de l'État ...
et du phénomène juridique. Nous en dirons quelques mots plus loin. )
De plus, en tant que consécration d'un mode de production
créant des contradictions sociales, le droit ne peut être qu'oppressif. Car il
n'a naturellement de raison d'être qu'en tant que codification des intérêts de
la classe dominante du mode de production dont il est le corollaire.
Ainsi le droit romain codifiait les intérêts des
propriétaires d'esclaves dans le système esclavagiste, c'est-à-dire organisait
l'oppression des esclaves. Ainsi le droit féodal codifiait les intérêts des
seigneurs dans le système féodal, c'est-à-dire organisait l'oppression de la
classe serve. Ainsi le droit bourgeois codifie les intérêts des bourgeois dans
le système capitaliste, c'est-à-dire organise l'oppression de la classe
prolétarienne.
Dès le moment où l'on cesse de considérer le droit et les
lois comme allant de soi, dès que l'on cesse de les tolérer comme une normalité
sacrée, intouchable, c'est-à-dire dès le moment où on les soumet à l'analyse
scientifique pour les révéler tels qu'ils sont objectivement, alors le droit et
les lois — que l'on pouvait croire sans mystère — apparaissent comme
historiquement fort critiquables.
Prenons, par exemple, le concept d'État de droit dont nous avons dit un mot tout à l'heure. Voilà bien
une chose qui, selon tous les tenanciers et chantres du régime, serait une
espèce d'absolu précieux et éternel qui ferait l'honneur et la gloire, la
légitimité universelle de nos institutions. Pourtant, ce que l'analyse historique
permet de constater, c'est que l'État de droit ne signifie strictement rien
d'autre qu'un État se pliant aux règles d'un droit bourgeois codifiant le
pouvoir et les intérêts de la bourgeoisie contre le prolétariat dans le cadre
du mode de production capitaliste.
D'où il devient évident que, pour les communistes qui
luttent pour une société sans classe et sans État, cet État de droit ne mérite
pas vraiment gloire ou respect il est avant tout un obstacle sur le chemin de
l'émancipation du monde du Travail ...
Lorsque l'on a conscience de la nature réelle du droit, des
lois, du phénomène juridique et des appareils judiciaires, c'est-à-dire quand
on a conscience de leur inévitable nature de classe, on comprend facilement
pourquoi, selon la position occupée dans le mode de production ( et selon le mode
de production ), l'un ou l'autre aura une
perception radicalement différente du système juridique et judiciaire en place.
Tous ceux qui ont intérêt à la perpétuation du système en
place s'empresseront, bien sûr, de tout faire pour que le droit, leur propre droit, continue à régir souverainement les
rapports sociaux qui font leurs propres privilèges. A l'inverse, tous ceux qui
ont intérêt et qui aspirent à un changement de système, tous ceux-là se
sentiront libérés de quelque lien respectueux vis-à-vis du droit qui organise
leur oppression. Ceux-là, opprimés, feront tout ce qu'ils ont à faire pour
assurer à terme la suprématie de leur classe sociale, de leur classe dominée,
et ils le feront même si cela est parfaitement illégal.
Préciser à cette occasion « même si c'est illégal » est
évidemment un euphémisme. C'est un euphémisme parce que le droit étant, comme
nous l'avons démontré, la codification systématique des intérêts de la classe
dominante, toute initiative visant de manière conséquente les intérêts de cette
classe dominante, visant à son renversement, devra tôt ou tard enfreindre la
légalité en vigueur.
Ainsi, lutter contre le système esclavagiste imposait une
rupture avec la légalité esclavagiste. Ainsi, lutter contre le système féodal
imposait une rupture avec la légalité féodale — et la bourgeoisie
révolutionnaire en savait quelque chose !
Ainsi, lutter contre le système capitaliste impose une rupture avec la légalité
bourgeoise.
Entre ces deux positions bien tranchées, d'un côté celle des
bourgeois conscients qui défendent leur règne en s'armant du droit, et d'un
autre celle des prolétaires conscients et des révolutionnaires qui s'attaquent
à ce règne en violant le droit, entre ces deux positions hésite la grande
majorité des gens. Cette majorité de ceux qui se font encore des illusions à
propos de la nature et de la fonction du droit, qui se font toujours des
illusions à propos du système démocratique bourgeois, ou qui en devinent l'essence
et la vilenie mais s'y soumettent par crainte de la répression.
Car nous l'avons déjà dit aussi, le droit en appelle à un
appareil répressif capable de l'imposer au corps social. Sans cet appareil
répressif et le terrorisme qu'il exerce, il serait impossible d'imposer aux
classes dominées les règles du jeu de dupes fixées par la classe dominante : des crucifixions sur la via Appia aux
"suicides" de Stammheim, en passant par
l'écartèlement en place de Grève, autres temps autres mœurs certes, mais il
s'agit là d'une constante historique.
Nous voulons faire ici une parenthèse de prudence. Peut-être
serait-il bienvenu de préciser, pour éviter tout malentendu, que lorsque nous
démontrons l'impérative nécessité, pour toute initiative visant réellement à un
changement de régime, de s'affranchir du droit et de la légalité propres au
régime en place, nous n'en concluons absolument pas que toute entorse à la
légalité procède indubitablement d'une démarche révolutionnaire.
L'expérience quotidienne indique au contraire que la plus grande
partie des infractions commises aujourd'hui dans ce pays contre la légalité
bourgeoise ont pour origine la volonté de certaines personnes de servir leurs
intérêts personnels. Mais en fait, cela ne nous éloigne pas tellement de notre
débat, dans la mesure où le phénomène de la délinquance partage rigoureusement
sa matrice avec le phénomène juridique. La délinquance est dialectiquement liée
au droit et aux lois parce qu'ils relèvent tous de la contradiction permanente
d'intérêts au sein de la société basée sur la propriété privée. Flics et voyous
sont, finalement, les deux faces d'une même médaille.
Il existe aussi une autre situation où la violation de la
légalité ne procède en rien d'une démarche révolutionnaire, sans que l'on ait
pour autant affaire à un phénomène de délinquance. Il s'agit bien sûr de la
violation de la légalité socialiste. Nous ne dirons que quelques mots à ce
sujet.
Comme tout droit, comme toute légalité, le droit et la
légalité socialistes sont des instruments au service de la classe dominante.
Ces instruments présupposent donc que le pouvoir politique et militaire
appartienne au prolétariat, car ils ne sont qu'une manifestation de ce pouvoir.
Une manifestation dirigée contre les éléments délinquants perturbant la
normalité socialiste et contre les éléments réactionnaires œuvrant à la
contre-révolution, c'est-à-dire à la tentative de renversement du pouvoir des
travailleurs et de restauration du pouvoir bourgeois.
Mais le droit et la légalité socialistes se différencient
fondamentalement des droits et légalités esclavagistes, féodaux et bourgeois,
en ce que leur exercice supprime peu à peu leur raison d'être. En effet, plus
la société socialiste se développe, c'est-à-dire plus elle marche vers la
société sans contradiction d'intérêts inhérente — donc sans classe sociale —,
moins la normalité socialiste doit faire l'objet de sanction judiciaire pour
exister.
La société communiste se réapproprie donc le schéma de la
société primitive où toute infraction à la norme est réellement accidentelle,
mais cette fois avec la différence qualitative fondamentale qui voit les forces
productives mises en œuvre par la société, forces productives incomparablement
plus puissantes, offrir aux Hommes la maîtrise d'une existence de liberté, de
bien-être et de progrès.
Résumons-nous maintenant, en appliquant au cas particulier
de ce procès politique les premières conclusions dont nous disposons à propos
du droit en général, pour comprendre ce qui se passe ici ... et qui est très différent de ce que l'on veut nous
faire croire.
En gros, il y a deux manières d'aborder la réalité objective
de ce procès, deux manières d'envisager les éléments dont il a été question au
fil des audiences.
La première de ces approches se fonde sur l'acceptation du
droit bourgeois comme étalon de mesure, comme référence suprême et
indiscutable. Cette approche est celle revendiquée par les capitalistes et
leurs laquais, car ces bourgeois ont intérêt à ce que le régime capitaliste
perdure, et ils savent très bien que le droit est une arme favorable à cette
fin.
Cette première approche est encore supportée par des gens
qui sont abusés par le discours bourgeois, par l'idéologie dominante. Ce sont
des gens qui continuent à croire que le droit et les lois sont des facteurs
transcendant les clivages sociaux, et qui ne comprennent pas que droit et lois
sont, dans un État capitaliste, des armes aux mains de la bourgeoisie dans la
lutte des classes.
La seconde des approches concernant tout ce qui se passe ici
et la façon dont les choses y sont présentées, rejette le droit bourgeois comme
étalon ou référence. Cette approche est celle des gens qui à la fois sont
conscients de la nature contre-révolutionnaire du droit et sont attachés sincèrement
à un changement de société dans le sens anticapitaliste. Tout le monde aura
compris que cette seconde approche est celle que nous partageons.
Nous disions tout à l'heure que si nous nous retrouvons ici,
dans cette position qui est la nôtre, cela correspond au fait que nous sommes
militants et militante d'une organisation révolutionnaire, donc d'une
organisation située notamment, nécessairement, en rupture avec la légalité.
Mais cela ne veut naturellement pas dire que le choix de la pratique illégale
serait un a priori pour notre organisation. Le rapport des Cellules Communistes
Combattantes à la loi est un rapport purement tactique.
Pour les communistes, le choix et la décision de développer
telle ou telle stratégie, d'engager telle ou telle activité de lutte n'est
jamais pris au regard du caractère légal ou illégal de cette stratégie ou de
cette activité. Les communistes réfléchissent toujours à partir d'une analyse
globale de la situation objective, et leurs choix et décisions sont fixés dans
le seul but de contribuer du mieux possible aux développements et succès d'un
fort mouvement prolétarien révolutionnaire. La question de la légalité ou de
l'illégalité des tâches du combat n'intervient qu'au moment de l'application de
ces tâches fixées par l'analyse politique. S'il s'impose de développer une
pratique illégale, eh bien cela exigera des mesures particulières, telle par
exemple la clandestinité, pour que la pratique en question puisse être menée à
bien malgré la réaction de l'appareil policier ennemi.
Les Cellules Communistes Combattantes n'ont donc pas choisi d'emblée
d'enfreindre la loi. Elles ont mené une analyse socialiste scientifique de la
situation en Belgique, elles en ont tiré des conclusions politiques et
stratégiques, et elles ont conclu à la nécessité de mener à bien des tâches de
propagande armée, tâches qui se sont avérées être illégales.
Conséquentes avec leur responsabilité révolutionnaire, les
Cellules Communistes Combattantes ont donc adopté les mesures concrètes et
organisationnelles pour pouvoir entreprendre les tâches de propagande armée.
Mais bien sûr, ne jouons pas la surprise :
il n'y a aucun hasard dans le fait que l'analyse révolutionnaire et ses options
stratégiques aient engendré, déjà à la modeste échelle de notre organisation,
une rupture avec la légalité de la bourgeoisie puisque, nous l'avons vu
longuement, cette légalité est par nature objectivement réactionnaire,
objectivement contre-révolutionnaire, objectivement antisocialiste.
·
Quelques
éléments politiques
Dans cette seconde partie de notre exposé, nous allons
présenter l'analyse générale qui guide notre engagement de communistes
révolutionnaires et qui constitue le fondement de la ligne politique de notre
organisation.
Il serait bien sûr impossible, en quelques minutes et dans
ces lieux, de rendre compte de la richesse, de l'étendue et de la profondeur de
la pensée matérialiste dialectique et historique, de ce que l'on appelle
commodément la pensée marxiste.
Depuis que les principes essentiels, philosophiques,
politiques et économiques du socialisme scientifique ont été découverts et
synthétisés avec génie par Marx et Engels, des centaines et des centaines de
millions de prolétaires de par le monde en ont fait l'arme consciente de leurs
luttes, les plus grands philosophes, penseurs, chercheurs, économistes, hommes
politiques, stratèges, historiens, etc. de ce siècle
les ont enrichis, et d'innombrables communistes ont déjà donné leur vie pour
qu'ils éclairent le monde. Tout cela forme un patrimoine théorique et un
ensemble d'expériences colossaux que nous serions bien incapables de récapituler
en quelques phrases.
Aussi, plutôt qu'essayer de restituer la somme des principes
philosophiques, théoriques et politiques. des méthodes d'analyse et des
analyses elles-mêmes qui fondent la légitimité des Cellules Communistes
Combattantes — et qui ont dicté leurs choix, nous allons nous limiter à baliser
quelque peu cette réflexion en en soulignant des aspects, disons des étapes
fondamentales.
La marche de l'histoire et le rôle des communistes
L'étude des mouvements, forces et tendances jouant un rôle
moteur dans l'apparition, le développement, la décadence et la disparition des
systèmes de société est à la base de la politique révolutionnaire communiste.
« La grande idée fondamentale selon
laquelle le monde ne doit pas être considéré comme un complexe de choses
achevées, mais comme un complexe de processus où les choses, en apparence
stables, tout autant que leurs reflets intellectuels dans notre cerveau, les
concepts, passent par un changement ininterrompu de devenir et de périr ..., cette grande idée fondamentale a, surtout depuis
Hegel, pénétré si fondamentalement dans la conscience courante qu'elle ne
trouve presque plus de contradiction. Mais la reconnaître en paroles et
l'appliquer dans la réalité, en détail, à chaque domaine soumis à l'investigation,
sont deux choses différentes. »
Personne ne pourrait nier que le contenu de cette phrase
écrite par Engels, il y a un siècle, est toujours parfaitement vrai. Et tout le
monde doit reconnaître son indiscutable correction, particulièrement en ce qui
concerne le domaine historique, politique et social. Voyons ça en nous servant
des exemples déjà souvent évoqués.
Aujourd'hui, plus personne ne niera que la société
esclavagiste est apparue dans des conditions
historiques précises, qu'elle s'est développée et qu'elle a créé dans son
développement les conditions de sa propre disparition. Dans le même esprit,
plus personne ne niera que la société esclavagiste disparaissant, il était tout
à fait naturel qu'elle entraîne avec elle ses propres superstructures étatiques,
juridiques, idéologiques et autres.
Aujourd'hui encore, tout le monde reconnaîtra facilement que
la société féodale est apparue dans des conditions historiques précises,
qu'elle s'est développée et qu'elle a créé dans son développement les conditions
de sa propre disparition. Et, toujours, chacun s'accordera à penser que la
société féodale quittant la scène de l'Histoire, elle ne pouvait qu'évacuer par
la même occasion ses propres superstructures étatiques, juridiques,
idéologiques et autres.
Mais il suffit à l'heure actuelle de suggérer — même du bout
des lèvres — que la société capitaliste est apparue dans des conditions
historiques précises, qu'elle s'est développée et qu'à son tour elle a créé
dans son développement les conditions de sa propre disparition ( en prenant sous son bras ses superstructures
étatiques, juridiques, idéologiques et autres ) ... pour s'entendre taxer, de tous
les côtés à la fois, de « marxiste primaire », de « dogmatique
anachronique », de « manichéen réducteur », pour s'entendre traiter de doux rêveur quand pas de sombre crétin.
La politique révolutionnaire ne consiste pourtant pas à
tenter d'aller à l'encontre du processus de l'Histoire, pas plus qu'elle ne
consiste à vouloir orienter ce processus objectif en fonction d'un idéal
abstrait de justice tel que notre générosité présente pourrait le définir
subjectivement.
C'est notamment là une des choses essentielles qui nous
séparent des démocrates de bonne foi, ou encore même des anarchistes quand ils
sont honorables : nous sommes des matérialistes. Ce
qui n'empêche que nous avons un idéal, le communisme, c'est-à-dire ni plus ni
moins le stade d'organisation supérieure de la société humaine.
Le rôle des communistes est donc de dynamiser et de
rationaliser les processus historiques, en contribuant consciemment à la
liquidation de ce qui est appelé à disparaître et en contribuant de la même
façon au développement de ce qui est appelé à croître. Cet engagement permet, à
l'époque moderne, d'éviter que le processus historique n'avance que trop
laborieusement, aux prix de tâtonnements nombreux et d'hésitations diverses qui
sont autant d'épreuves pénibles et douloureuses pour les peuples. Qu'il suffise
de se rappeler les longueurs dramatiques de la décadence des systèmes esclavagistes
et féodaux pour imaginer ce qu'il en coûterait à l'humanité de voir le système
capitaliste pourrir sur pied aussi longtemps avant d'être remplacé par le
Socialisme.
Le capitalisme, un système à bout de souffle
Par système à bout de souffle, on entend un système devenu
un obstacle au développement des forces productives. Tel était le cas du
système féodal à la veille des révolutions bourgeoises : le féodalisme était devenu un cadre trop étroit
pour l'économie marchande qui se développait en son sein. Ce cadre ne pouvait
alors qu'éclater, et il éclata effectivement lorsque les forces vives de la
société s'engagèrent directement dans l'édification d'un nouveau système en
adéquation avec le stade de développement atteint objectivement par la société.
Aujourd'hui, c'est au tour du capitalisme d'être devenu un
cadre trop étroit pour le développement des forces productives qu'il a lui-même
contribué à créer. De nombreuses statistiques témoignent ouvertement de ce que
le capitalisme, actuellement, au contraire de signifier création de richesses,
se traduit surtout par frein à la création de richesses.
En 1983, les capacités productives des pays capitalistes
développés ne fonctionnaient qu'à 70-75 %
de leurs possibilités, ce taux chutant à 60, voire 40 % pour des secteurs tels la sidérurgie, le textile ou
la construction navale. A la même époque, ces pays capitalistes développés
comptaient 34 millions de chômeurs et de chômeuses.
D'un côté, nous avons des besoins énormes tant dans les pays
développés que dans le tiers-monde. D'un autre côté, nous avons les moyens
concrets de satisfaire ces besoins :
il suffirait pour cela d'utiliser au mieux les forces productives existantes,
c'est-à-dire d'organiser leur activité pour la satisfaction des besoins en
question. Mais ce qui caractérise le capitalisme, c'est qu'il s'agit d'un
système qui ne considère pas les besoins réels mais plutôt les besoins
solvables, autrement dit : le marché. Et c'est ainsi que la
moitié de l'humanité souffre de malnutrition à l'heure où l'on parle posément
de surproduction agricole et de mise en friche de terres arables. Ou c'est ainsi qu'à Londres un demi million de personnes se
retrouvent sans logis alors qu'un demi million de logements restent inoccupés
pour cause de loyers trop élevés ...
Le capitalisme, après avoir été le catalyseur d'immenses
forces productives, de fantastiques progrès technologiques et scientifiques
susceptibles d'améliorer la condition humaine partout dans le monde, se révèle
absolument incapable de gérer ces forces et ces progrès.
Des caractères tels que la propriété privée des moyens de
production, la recherche du profit capitaliste ou l'exploitation du travail salarié
deviennent objectivement — indépendamment de toute considération morale — purement
et simplement contre-productifs. Une contradiction de plus en plus exacerbée se
manifeste entre, d'une part, la production socialisée qui unit les activités
complémentaires et interdépendantes de l'immense majorité des travailleurs de
la planète et, d'autre part, l'appropriation privée des fruits de cette
production socialisée au profit d'une infime oligarchie impérialiste et
parasitaire.
Le Socialisme, une nécessité historique
Il est maintenant évident que seule la correspondance des
formes de la production et des formes de l'appropriation créera la base d'un
système capable de reprendre l'initiative de progrès de l'humanité. Dès
aujourd'hui, cela signifie qu'il est devenu historiquement nécessaire de donner
à la propriété des moyens de production, à la gestion de ces mêmes moyens et à
la jouissance des fruits de la production, un caractère aussi pleinement social
qu'à la production elle-même.
A une production socialisée doit impérativement correspondre
une gestion socialisée et à une production socialisée doit impérativement correspondre
une appropriation socialisée. Cette exigence historique, en terme politique, se
traduit très clairement : expropriation complète et
définitive de tous les capitalistes, transfert de la gestion de la production —
et de ses fruits ! — au monde du Travail, de telle
sorte qu'il oriente cette gestion et ces fruits en vue de la satisfaction des
besoins de tous et de chacun.
En résumé : il est
historiquement possible et nécessaire de liquider le système capitaliste et
d'édifier le Socialisme.
Seul le Socialisme permettra à l'humanité de franchir une
nouvelle étape historique, une nouvelle révolution d'une importance aussi
décisive que celles qui l'ont vu accéder du système primitif au système
esclavagiste, du système esclavagiste au système féodal et du système féodal au
système capitaliste. Mais cette fois l'étape à franchir est d'autant plus
grandiose, d'autant plus nôtre que pour la première fois dans l'histoire il ne
s'agit plus de l'apparition d'une nouvelle forme d'exploitation de l'homme par
l'homme mais il s'agit de gagner un monde totalement nouveau : la communauté d'intérêt entre tous les hommes et
toutes les femmes de tous les peuples réunis.
La lutte des classes
Seul le prolétariat, classe sociale induite par le mode de
production capitaliste, est à même d'animer le passage du capitalisme au
Socialisme. Ce rôle historique tient à de très nombreux facteurs interagissant
que nous pouvons regrouper en deux catégories. D'un côté les facteurs qui font
que le prolétariat porte en lui le Socialisme et d'un autre les facteurs qui
font que le prolétariat s'oppose constamment aux
rapports de production capitaliste.
Le prolétariat porte en lui-même le Socialisme dans la
mesure où il œuvre au sein d'une production socialisée, faite en commun, et où
il n'a aucun rapport de propriété privée avec les moyens de production. En
cela, le prolétariat est déjà porteur de deux éléments centraux de la
production socialiste. Et de la même façon le Socialisme se révèle alors être
un système social infiniment plus naturel pour les prolétaires que le
capitalisme qu'ils ont toujours connu.
Mais cette première qualité de la classe ne porterait
peut-être pas trop à conséquence si, plus encore que de porter en lui le
Socialisme, le prolétariat n'était pas irréductiblement opposé au capitalisme.
Dans le système capitaliste, une classe parasite — la bourgeoisie — s'accapare
les valeurs créées par le travail social et cela, naturellement, est une
contradiction permanente. Contradiction à laquelle les prolétaires lésés
répondent en cherchant toujours à réduire la part volée par les capitalistes ... tandis que ces derniers, tenus aux lois de leur
propre système économique, se retrouvent forcés d'augmenter sans cesse leur vol !
Il en résulte un bras de fer permanent entre le prolétariat
et la bourgeoisie, bras de fer qui a commencé avec le capitalisme et ne finira
qu'avec lui. Un bras de fer qui est donc constant mais en outre régulièrement
exacerbé par les crises capitalistes qui frappent la société.
Ces crises de surproduction et de suraccumulation, le
capitalisme les a toujours connues car elles sont
inhérentes à son fonctionnement. On dit d'ailleurs à cet effet que ces crises
sont cycliques. Ces crises particulières résultent notamment de l'exploitation
du travail salarié par laquelle les capitalistes s'approprient la plus grande
part des richesses pour les transformer en capital, en nouvelles forces
productives. Ce circuit, tôt ou tard, ne peut qu'engendrer des conjonctures de
crise où l'on voit la société incapable d'absorber les marchandises jetées en
masse sur le marché par les capitalistes. Incapacité de la société non pas due
au fait que les besoins sociaux seraient comblés mais due au fait que la
société est trop appauvrie pour y faire face !
Ce sont ces crises de surproduction qui, pour reprendre le
fil de notre réflexion, concrétisent l'exacerbation de la contradiction entre
le prolétariat et la bourgeoisie. Tout le monde a d'ailleurs pu le constater
car aucune crise récente n'a fait exception, ni celle de 1957-1958, ni celle de
1974-1975, ni celle de 1980-1982. Et déjà à l'aube de ce siècle, Lénine avait
parfaitement décrit le phénomène et ses conséquences :
« Mais la crise succédant à l'essor
industriel n'apprendra pas seulement aux ouvriers que la lutte en commun est
devenue pour eux une nécessité constante. Elle détruira également les illusions
néfastes qui ont commencé à se former dans la période de prospérité
industrielle. Çà et là, les ouvriers ont assez facilement réussi, au moyen de
grèves, à arracher aux patrons des concessions et l'on a commencé à surestimer
le rôle de cette lutte "économique", à oublier que les unions
professionnelles ( corporatives ) et les grèves ne peuvent, tout au plus, qu'obtenir
pour la marchandise - force
de travail des conditions de vente un peu plus avantageuses. Les unions
corporatives et les grèves sont impuissantes lorsque cette
"marchandise", en raison de la crise, reste invendable ; elles sont impuissantes à changer les conditions
qui font de la force de travail une marchandise et qui condamnent des masses de
travailleurs au chômage et à la misère la plus noire. Pour changer ces
conditions, il faut une lutte révolutionnaire contre tout le régime social et
politique actuel. et la crise industrielle obligera
d'innombrables ouvriers à se convaincre de la justesse de cette vérité. »
C'est d'autant plus vrai qu'aujourd'hui, en pleine crise
généralisée du capitalisme, d'importants facteurs qui se cantonnaient autrefois
aux périodes de crise cyclique, se manifestent maintenant en permanence, sans
aucune interruption d'une crise à l'autre. Pour prendre un exemple d'actualité,
citons tout simplement le chômage massif qui dans la période ascendante du
capitalisme n'apparaissait qu'avec les crises cycliques et se résorbait avec
elles. Aujourd'hui, dans la période décadente de l'impérialisme, le chômage
massif perdure d'une crise à l'autre et adopte donc un caractère endémique,
structurel.
Lénine soulignait donc que les périodes d'essor industriel
poussaient les prolétaires à surestimer le rôle de la lutte économique. Les
événements de ces dernières décennies apportent une confirmation éclatante de
cette thèse.
Dans la période de croissance économique des années 1960,
les luttes partielles et économiques des prolétaires débouchaient relativement
aisément sur des compromis avantageux mais partiels et économiques. Cette
période fut largement mise à profit par les réformistes pour répandre leur
thèse bidon de toujours, à savoir que le capitalisme pourrait être, au bon soin
des luttes économiques et partielles confinées dans la légalité bourgeoise,
sans cesse aménagé, amélioré, jusqu'à ce qu'il se retrouve un beau matin
métamorphosé en Socialisme ! Et toute l'organisation politique
et syndicale du prolétariat fut alors cadenassée dans ce schéma trompeur,
contre-révolutionnaire.
Les luttes partielles et économiques pour l'amélioration
immédiate des conditions de vie, pour repousser l'exploitation du Travail, etc., sont bien évidemment d'excellentes choses. Mais
l'organisation exclusive du prolétariat dans cette perspective fut une erreur,
un mauvais coup des réformistes que le prolétariat paie depuis des années déjà
en termes d'impuissance et de défaites.
La course à la compétitivité, imposée par la crise
économique capitaliste aux patrons qui doivent s'entre-arracher
des marchés en réduction constante, implique en effet des attaques directes
contre les acquis sociaux, les salaires, toutes sortes de mesures brutales
visant à augmenter le profit. Et de fait, depuis quinze ans on a pu voir les
beaux acquis des luttes des années 1960 fondre comme neige au soleil alors
qu'ils nous avaient été présentés par les réformistes comme définitifs, comme
l'expression de nouveaux rapports sociaux irréversibles.
Depuis lors, toutes les luttes, même les plus déterminées
mais reproduisant toujours les schémas anciens, n'ont rien pu changer à cela.
Nous savons donc maintenant que la crise pousse chaque
capitaliste, chaque bourgeois ou groupe de bourgeois à pressurer davantage les
prolétaires qu'il exploite, sous peine d'être ruiné par un autre capitaliste,
un autre bourgeois ou groupe de bourgeois concurrent. Au niveau de la
contradiction entre les classes sociales, au niveau du rapport prolétariat / bourgeoisie,
cette tendance du capitalisme en crise ne peut se traduire que par la radicalisation
d'un conflit ouvert et total débouchant à terme, pour le prolétariat, sur des
schémas politiques directement anticapitalistes.
Les prolétaires sont bien obligés de se rendre compte, en
effet, que les formes de lutte et d'organisation adoptées en période de
croissance capitaliste sont complètement vaines en période de crise. Et plus
même : dans la mesure où les réformistes
sont parvenus à monopoliser toutes les formes d'organisation et de lutte du
monde du Travail, ces instruments et ces méthodes de lutte sont devenus
finalement antiprolétariens, contraires jusqu'aux
intérêts immédiats de la classe.
Ainsi les syndicats qui étaient autrefois la tête de pont de
la classe ouvrière dans le système capitaliste sont-ils devenus la grosse tête
de pont du système capitaliste dans la classe ouvrière, comme les partis qui
étaient censés représenter le prolétariat dans le système parlementaire
bourgeois sont devenus les représentants du système parlementaire bourgeois
dans le prolétariat.
Nous voulons être très clairs à ce propos et nous
soulignerons encore une fois que le problème n'est pas tant le travail syndical
en lui-même puisque, nous l'avons vu, les luttes économiques et partielles sont
parfaitement naturelles et légitimes. Le problème concerne la surestimation de
ces luttes, leur élévation au rang de lutte prolétarienne par excellence.
Une saine compréhension marxiste-léniniste de la question
des luttes partielles et syndicales impose de considérer les gains économiques
de ces luttes et grèves non pas comme des étapes sur le chemin de la justice
sociale mais bien comme des acomptes,
dans l'attente du régime socialiste qui ne pourra être gagné que par la lutte
politique et militaire révolutionnaire.
La tendance à la guerre
Ce survol des caractères fondamentaux de notre époque qui
déterminèrent, entre autres, les choix politiques et stratégiques de notre
organisation, serait certainement insuffisant si nous omettions de dire
quelques mots au sujet de la tendance à la guerre. Ce complément s'impose
d'autant plus naturellement que les Cellules Communistes Combattantes ont déjà
consacré deux campagnes de propagande armée à ce problème.
La tendance contemporaine à la guerre impérialiste procède
directement de la crise générale du capitalisme et des crises économiques qui
se multiplient et s'aggravent en son sein.
A l'époque du stade impérialiste achevé, il n'existe plus
dans le monde aucune zone vierge susceptible d'absorber, comme au temps de la
colonisation, les poussées expansionnistes des grandes puissances. Pourtant,
ces poussées expansionnistes restent plus fortes que jamais car elles
continuent à représenter l'unique solution pour les grandes puissances en crise
cherchant à pallier la réduction de leurs bases traditionnelles d'exploitation.
Etendre sa zone de domination pour compenser la réduction du
marché induite par la crise, telle est la tendance obligatoire développée par
chaque puissance impérialiste actuellement. Et comme il n'y a plus de zones
vierges à conquérir ... l'élargissement d'une zone de
domination ne peut plus se concevoir qu'aux dépens de la zone d'une puissance
rivale.
Les puissances impérialistes sont donc contraintes de
s'arracher les marchés ... dans la limite du marché
mondial. Cet affrontement peut revêtir différentes formes selon les conjonctures
et aussi les caractères respectifs des puissances en question. Parfois
l'affrontement se traduira par une guerre économique : tout le monde sait que le Japon, par exemple, s'est
fait le champion de cette méthode d'expansion. Parfois l'affrontement se
traduira par la guerre tout court,
guerre impérialiste poursuivant des visées expansionnistes économiques certes,
mais aussi politiques et militaires :
l'impérialisme yankee anime aujourd'hui l'essentiel de cette tendance
belliciste. Du déploiement de la flotte US dans le Golfe à l'invasion de l'île
de Grenade, du bombardement du Liban par le cuirassé New Jersey au minage des
ports nicaraguayens, des bombardements de Tripoli et Benghazi au lancement du
programme de la « guerre des étoiles », les exemples criminels des menées bellicistes US
sont légion.
Si l'enjeu direct et conscient de la guerre impérialiste est
un nouveau partage du monde entre puissances impérialistes, il ne se limite
pourtant pas qu'à ça. La guerre impérialiste représente aussi un enjeu plus
profond dans la mesure où l'énorme destruction de forces productives, de
richesses, d'infrastructures, de marchandises et l'effroyable massacre de
dizaines de millions d'êtres humains qu'elle entraîne, créent les conditions
d'une nouvelle période de croissance économique capitaliste. Repartage du monde
et nouveau souffle économique capitaliste, telle est la signification
historique de la guerre impérialiste. L'exemple de la seconde guerre mondiale
est assez éloquent à cet égard.
L'émergence et le développement de la tendance à la guerre
sont apparus, en Europe comme partout dans le monde, de plus en plus clairement
et aux yeux de plus en plus de gens, à la fin des années 1970 et au début des
années 1980.
La coexistence pacifique, que les chantres de l'impérialisme
nous avaient promise aussi éternelle que la croissance économique, se révéla
soudain n'être qu'une fragile illusion devant la course aux armements et la
multiplication des conflits régionaux. Cette prise de conscience fut d'ailleurs
assez répandue puisque, dans notre pays, c'est par centaines de milliers que
nous nous sommes régulièrement retrouvés à manifester notre refus de l'indice
le plus choquant et menaçant de la tendance à la guerre ici, à savoir
l'installation des missiles atomiques US.
Certes, depuis quelque temps, une décrispation diplomatique
est apparue entre les deux superpuissances. Le traité signé à Washington en
décembre dernier à propos des euromissiles en témoigne on ne peut plus
spectaculairement. A nouveau on entend parler de coexistence pacifique et il
est donc nécessaire d'aborder ici rapidement l'évolution des rapports Est-Ouest pour faire la part de ce qui est fondamental et
de ce qui ne l'est pas à ce propos.
La formation sociale de l'Union Soviétique possède encore quelques
caractères socialistes importants même si, suite aux vagues
contre-révolutionnaires qui se sont succédées à la tête du pays depuis 1953,
ces caractères ont été rendus étrangers aux intérêts des masses, donc vidés de
leur sens et par là frappés de dysfonctionnement. L'existence de ces caractères
formellement persistants, tels la propriété d'État des moyens de production ou
le maintien d'une économie planifiée, fait que l'URSS ne vit pas du tout comme
les puissances impérialistes occidentales la crise mondiale du capitalisme. Et
cela se traduit notamment par le fait qu'elle ne joue pas un rôle moteur dans
la tendance à la guerre. Toutefois, par sa dimension de grande puissance
étendant sa domination et son influence sur une zone très vaste, l'URSS est forcément
concernée par la tendance à la guerre. A la pression agressive et
expansionniste de l'impérialisme US, la maffia Brejnev avait répondu en son
temps par un raidissement sur les positions acquises. Ce raidissement avait
naturellement impulsé un nouveau souffle à la course aux armements, ainsi que
la multiplication des points de friction directs ou indirects entre les deux
grandes puissances. Or, aujourd'hui, la nouvelle direction soviétique adopte
une attitude entièrement différente.
Nous avons dit il y a un instant que vidés de leur sens en
ce qu'ils ont été rendus étrangers aux intérêts des masses, les caractères
socialistes persistants en URSS étaient frappés de dysfonctionnement.
Concrètement, cela veut dire qu'ils sont devenus contre-productifs.
Pour sa part, la maffia Brejnev avait choisi de s'accommoder
du processus de stagnation résultant de ce dysfonctionnement et s'était
organisée en tant que caste dirigeante, pour détourner à son profit la part la
plus grande possible de la richesse sociale :
une situation qui ne pouvait qu'être très éphémère. La clique Gorbatchev se
retrouve maintenant confrontée à la situation dans son ensemble et elle fait
résolument face au problème. Mais elle le fait non pas en se réappropriant la
voie révolutionnaire qui consisterait à redynamiser et élargir les caractères
socialistes, elle le fait au contraire en adoptant définitivement la voie
contre-révolutionnaire qui consiste à précipiter la liquidation de ces
caractères et à instaurer les mécanismes capitalistes de l'économie de marché.
Pour mener à bien ce programme anti-socialiste, la nouvelle
direction de l'URSS doit absolument écarter la menace d'une confrontation et
réduire la ruineuse course aux armements. Pour ce faire, il ne lui restait qu'à
céder à de nombreux égards aux pressions yankee — ce qu'elle fait largement
depuis plusieurs années — en espérant gagner plus à travers une exploitation
accrue du prolétariat soviétique qu'elle ne perd en cédant du terrain à
l'impérialisme US. Et pratiquement, en effet, l'arrivée au pouvoir de la clique
Gorbatchev a signifié la capitulation de l'URSS sur tous les fronts où
l'impérialisme US se faisait fort pressant et où l'ancienne maffia Brejnev
refusait de céder.
L'URSS a ainsi accepté le principe d'une réduction asymétrique
des forces armées en Europe, elle a accepté de placer hors accords la question
des missiles atomiques US embarqués sur des navires croisant dans les eaux
européennes, elle a retiré ses troupes d'Afghanistan, elle a signé un traité de
réduction des forces malgré le maintien du programme de la « guerre des étoiles »,
elle a admis que les euromissiles français et britanniques ne soient pas
concernés par les nouveaux accords, etc.
Conclusion facilement compréhensible, pareille capitulation
tous azimuts devant l'impérialisme américain ne pouvait
que décrisper considérablement la situation entre les deux grandes puissances.
Mais croire que la capitulation de l'URSS devant la pression de l'impérialisme
belliqueux des USA à propos des euromissiles, de l'Afghanistan ou de la « guerre des étoiles »
pourrait enrayer la tendance contemporaine à la guerre impérialiste, ce serait
une erreur très grave. Ce serait reproduire exactement l'erreur de ceux qui
croyaient, dans la seconde moitié des années 1930, que la tendance à la guerre
serait enrayée parce que les anglo-français avaient capitulé devant la pression
de l'impérialisme belliqueux de l'Allemagne nazie à propos de la
remilitarisation de la Rhénanie, de l'Anschluss ou de la Tchécoslovaquie.
Cette leçon de l'histoire doit d'ailleurs nous éclairer. Si,
suite aux accords de Washington en décembre 1987, nous assistons aujourd'hui à
une décrispation des relations Est-Ouest qui entraîne
une démobilisation du mouvement anti-guerre, il faut critiquer cette
démobilisation comme étant aussi néfaste que celle qui suivit les accords de
Munich en 1938.
Naturellement, il serait vain de prétendre prévoir combien
de temps durera l'actuelle décrispation, mais ce que nous savons déjà à son
sujet, c'est qu'elle n'est qu'une parenthèse qui ne résout rien, qui n'arrête
pas le temps et qui sera fermée tôt ou tard.
L'échec des mouvements de lutte anti-guerre et anti-austérité
Tout le monde se souvient aisément des très larges
mobilisations populaires anti-guerre de la fin des
années 1970 et du début des années 1980. La question qui polarisait alors
l'attention de ces mobilisations était l'implantation des missiles atomiques US
à Florennes. Toutefois, si la question des missiles
sensibilisa de très larges masses par ce qu'elle avait d'effrayant et de
révélateur, d'un autre côté cet aspect spectaculaire des choses joua rapidement
un rôle négatif.
La raison de ce phénomène s'explique facilement La faiblesse
des forces marxistes-léninistes et l'hégémonie des directions pacifistes
petites-bourgeoises dans le mouvement anti-guerre ne pouvaient que le dévoyer.
Très vite, la question particulière de l'implantation des missiles Cruise prit le pas sur la question d'ensemble de la
tendance à la guerre impérialiste. En quelque sorte, la première question
s'imposant à la seconde, elle devint l’'arbre qui
cache la forêt.
La question des missiles Cruise,
question qui devait permettre à de larges couches de la population de
comprendre la réalité de la tendance à la guerre, fut détournée par les forces
politiques bourgeoises et petites-bourgeoises pour mieux en masquer la
globalité. Selon leurs mots d'ordre, tout le problème se résumait à
l'implantation ou la non implantation des Cruise.
L'échec cuisant d'une lutte aussi bornée était inévitable : les missiles furent installés à Florennes.
Arrivés à ce stade de notre réflexion, nous pouvons
facilement nous apercevoir de l'étroite correspondance qui unit les luttes
prolétariennes anti-austérité dont nous disions quelques mots tout à l'heure et
les mobilisations populaires anti-guerre dont nous venons de parler.
Dans un cas comme dans l'autre, nous avons affaire à des
luttes très importantes.
D'un côté, les luttes prolétariennes
anti-austérité ont mobilisé de très larges couches du prolétariat à
plusieurs reprises. Les secteurs les plus conscients et combatifs du
prolétariat, à commencer par la classe ouvrière, ont déployé dans ces luttes
des trésors de détermination, d'énergie et d'esprit de sacrifice. De l'autre
côté, les mobilisations populaires anti-guerre ont engendré les plus grands
rassemblements de foule depuis la libération de Bruxelles en 1944 : jusqu'à cinq pour cent de la population nationale
est descendue simultanément dans la rue.
Dans un cas comme dans l'autre, nous avons là affaire à des
luttes qui, en finalité, s'attaquaient à des phénomènes relevant directement du
capitalisme et de sa crise générale.
Les luttes prolétariennes anti-austérité opposaient les
prolétaires aux attaques bourgeoises contre les salaires, l'emploi, la
protection sociale, les services publics, les conditions de travail, etc. Ces attaques bourgeoises découlent directement
de la crise générale du capitalisme et plus particulièrement des crises
économiques qui se succèdent en son sein. Les mobilisations populaires
anti-guerre se sont cristallisées sur le problème du déploiement des missiles
atomiques yankee. Ce déploiement ne constituait qu'une petite part des
programmes militaires de l'OTAN, comme ces programmes militaires ne constituent
qu'une des manifestations de la tendance à la guerre qui, elle-même, est un
produit de la crise générale du capitalisme.
Mais, dans un cas comme dans l'autre, dans celui des luttes
prolétariennes anti-austérité comme dans celui des luttes populaires
anti-guerre, nous avons affaire à des luttes qui n'ont jamais été organisées en
conscience et en fonction de leurs qualités objectives.
Les luttes prolétariennes se mènent généralement entreprise
par entreprise, profession par profession, secteur par secteur, restructuration
par restructuration, plan gouvernemental par plan gouvernemental, etc. La perception de l'austérité comme un produit
d'ensemble du capitalisme, comme un problème global auquel il faut s'attaquer
dans le cadre d'une démarche anticapitaliste, reste faible.
De même, les mobilisations populaires
anti-guerre se sont principalement focalisées sur la question des
missiles en ne comprenant que trop rarement combien la guerre impérialiste est
un produit inévitable du capitalisme et combien il faut s'attaquer à ce capitaIisme-fauteur-de-guerre quand on désire ardemment la paix.
Maintenant, ajoutons aussi que dans l'un et l'autre cas, les
limites politiques de ces luttes sont surtout l'oeuvre des forces qui font tout
pour empêcher que s'impose la compréhension des problèmes dans leur globalité.
Parce qu'elles n'ignorent pas que pareille compréhension débouche
obligatoirement sur des schémas anticapitalistes et révolutionnaires, toutes
les directions réformistes, syndicales, pacifistes petites-bourgeoises. etc. — en bref tout ce que l'on
appelle communément « la gauche » — ont toujours lutté contre cette juste
compréhension des choses. Et ces forces continuent à le faire alors qu'il est
maintenant ouvertement démontré que, de cette façon, elles brisent
systématiquement la moindre chance de succès des grands mouvements sociaux.
En effet, dans le cas de la lutte anti-austérité comme dans
celui de la lutte anti-guerre, nous avons chaque fois affaire à des luttes qui
ont échoué dans leurs objectifs parce que, précisément, elles n'adoptaient pas
une approche globalisante et révolutionnaire des problèmes.
Les échecs successifs des luttes prolétariennes
anti-austérité qui n'ont pu empêcher la suspension de la liaison des salaires à
l'index, le blocage pur et simple des salaires, la succession des restructurations
industrielles, la liquidation progressive des services publics, etc., ont été vécus avec suffisamment de douleur par le
monde du Travail pour qu'il soit nécessaire de s'étendre à leur sujet.
Quant à l'échec cuisant des mobilisations populaires
anti-guerre, il est encore plus saumâtre dans la mesure où non seulement
ce formidable mouvement s'est retrouvé entièrement impuissant, mais ensuite il
est apparu que le démantèlement des missiles de Florennes
se ferait suite à des facteurs qui lui étaient complètement étrangers !
En résumé, dans les deux cas que nous venons de présenter,
nous avons affaire à ce que l'analyse politique définit comme des
contradictions à caractère révolutionnaire. On appelle ainsi les contradictions
qui, au sein de la société, opposent des forces sociales très importantes au
régime, des contradictions qui opposent globalement les classes sociales en
présence ... et qui ne peuvent être résolues
dans le cadre du système en place. Donc, des contradictions dont la résolution
impose inévitablement un changement de système.
La contradiction opposant le prolétariat au capitalisme-fauteur-de-crises,
et la contradiction opposant le peuple au capitalisme-fauteur-de-guerres
sont donc les deux grandes contradictions à caractère révolutionnaire de notre
époque. Voilà pourquoi les Cellules Communistes Combattantes ont axé leur
travail politique et militaire dans ces directions.
La question révolutionnaire
Après avoir défini l'espace principal où doit se développer
l'activité des communistes aujourd'hui dans notre pays, il faut bien sûr
exposer comment cette activité doit se développer en fonction de la réalité du
pays.
La première tâche qui s'impose aux militants communistes ici
et aujourd'hui, est de faire prendre conscience aux éléments les plus politisés
et combatifs au sein des luttes anti-austérité et anti-guerre que leurs
revendications ne pourront aboutir qu'inscrites dans une perspective
révolutionnaire. La seconde tâche qui s'impose aux militants communistes dans
ce cadre, est d'ouvrir la voie à cette perspective en élaborant et impulsant
les données théoriques, politiques, stratégiques, tactiques et organisationnelles nécessaires à la lutte pour le
Socialisme. Afin de contribuer au mieux à ces deux tâches, les Cellules
Communistes Combattantes se sont construites sous la forme d'une organisation
de guérilla, en faisant du choix stratégique de la lutte armée révolutionnaire
un élément central de leur politique.
Comme ce procès est fondamentalement dirigé contre ce choix
révolutionnaire, comme il est formellement dirigé contre la concrétisation de
ce choix, nous allons maintenant quelque peu l'expliciter.
L'édification d'une société socialiste passe, nous l'avons
vu : par l'expropriation totale et
définitive de la bourgeoisie au profit de toute la société. Pareille révolution
signifie donc la liquidation pure et simple de la bourgeoisie en tant que
classe sociale, puisque cette classe n'existe que dans la mesure où elle jouit
de la propriété des moyens de production et de l'exploitation du travail
salarié. En ce sens, il va de soi que le programme d'édification socialiste ne
pourra s'entreprendre que lorsque la bourgeoisie aura été chassée du pouvoir et
que celui-ci sera souverainement exercé par le prolétariat révolutionnaire.
La question du pouvoir est donc la question centrale. Sans
pouvoir, le prolétariat ne peut que subir l'exploitation et les aléas du
capitalisme en crise, c'est sa situation aujourd'hui.
Au pouvoir, le prolétariat pourra construire une société juste, solidaire,
laborieuse et prospère. La destruction du pouvoir bourgeois et la conquête des
pleins pouvoirs du prolétariat — ou, si l'on préfère, l'instauration de la
dictature du prolétariat — est donc une nécessité historique indiscutable sur
la voie qui mène du capitalisme décadent de notre époque à l'édification
socialiste de demain.
Il n'est pas nécessaire d'être fort savant pour comprendre
que, confrontée à une politique réellement anti-capitaliste, la bourgeoisie ne
peut réagir que par la contre-attaque de toutes ses forces afin de préserver
son propre pouvoir politique, garant de son emprise économique. La marche vers
le Socialisme passe donc par une lutte de classe acharnée, la lutte pour le
pouvoir.
Les clefs du pouvoir sont dans l'appareil d'État et dans les
forces armées. Sans État, sans forces armées, le prolétariat sera toujours
incapable d'entreprendre son programme d'édification socialiste. Mais cela ne
veut pas dire pour autant qu'il suffirait de chasser la bourgeoisie de l'Etat
belge et de l'état-major de l'armée pour, en quelque sorte, s'installer dans
ses meubles.
Une révolution socialiste, c'est la destruction de l'État et
des forces armées de la bourgeoisie, et leur remplacement intégral par un État
et des forces armées du prolétariat. La configuration actuelle de l'État et des
forces armées, c'est-à-dire des appareils extérieurs à la société et ignorants
des intérêts objectifs des masses, ne peut convenir qu'à la perpétuation du
pouvoir bourgeois et du capitalisme. La dictature du prolétariat exige une
configuration contraire, à savoir un État et des forces armées propres à la
société, à son service. Le pouvoir prolétarien ne peut s'accommoder de la
séparation du législatif et de l'exécutif, d'une bureaucratie étrangère aux
masses Il est incompatible avec une armée de mercenaires encadrant des
miliciens encasernés.
Le pouvoir prolétarien, c'est la participation active et
directe des masses — sous la direction de leur Parti Communiste — à toute la
vie politique et sociale du pays, c'est le peuple en armes défendant le peuple.
Une note sur la démocratie
Quand nous, communistes révolutionnaires, prenons acte de
l'antagonisme irréductible entre les classes sociales, de l'inexorable
résolution historique de cette contradiction et que nous agissons en
conséquence au service du prolétariat, nous pouvons voir fleurir contre nous
des condamnations et anathèmes particulièrement saugrenus. Ainsi le plus
stupide : nous serions des « ennemis de la démocratie » !
Commentaire aussi malveillant qu'imbécile compte tenu que, présenté de cette
façon, il ne signifie strictement rien, il n'a tout bonnement aucun sens.
Dans l'absolu, les communistes ne sont pas plus ennemis de
la démocratie que de la dictature. Simplement, le fond du problème est de
savoir de quelle dictature ou de quelle démocratie on parle. C'est la question
de savoir, par exemple, que la dictature du prolétariat veut dire plus de
liberté pour le peuple que la démocratie bourgeoise !
La clef de ce faux paradoxe tient dans cette vérité
objective : il n'existe pas de démocratie en
général mais il y a, selon les époques et les systèmes économiques, des régimes
démocratiques déterminés par le système social qu'ils couronnent. Les
démocraties de l'Antiquité fondées sur l'esclavagisme n'avaient pas grand-chose
à voir avec la démocratie bourgeoise contemporaine fondée sur le capitalisme,
de même que cette dernière ne partagera aucun point commun avec la démocratie
prolétarienne à venir, fondée sur le Socialisme.
Encore une fois le régime politique, la forme de pouvoir est
un produit socio-historique, un développement superstructurel
d'un mode de production donné. La démocratie en général, tout comme le droit en
général ne se rencontrent que dans les propos pervers des idéologues
bourgeois qui, pour prétendre à la pérennité de leur système déjà vermoulu, se
font les gourous de la nouvelle idole insondable : la démocratie mystique.
Nous, nous sommes contre la démocratie bourgeoise comme nous
sommes contre la dictature bourgeoise. Tout simplement parce que nous luttons
pour la dictature du prolétariat qui ouvrira la porte à la démocratie
prolétarienne. Nous luttons contre le régime démocratique en place aujourd'hui
en Belgique non pas parce qu'il est démocratique, mais parce qu'il est le
régime organisant et couronnant le système d'exploitation capitaliste. Si
demain la bourgeoisie se devait d'adopter une forme de pouvoir dictatoriale
pour perpétuer le système d'exploitation capitaliste, eh bien nous lutterions
contre cette dictature tout aussi énergiquement que nous pouvons lutter aujourd'hui
contre sa démocratie. Les communistes se sont assez souvent placés à la pointe
des luttes antifascistes pour que nous soyons dispensés de nous étendre plus
longuement sur ce sujet.
Est-ce à dire que pour les communistes, démocratie et
dictature se valent à l'intérieur d'un même système donné ? Non, pas du tout, une telle conception serait une
déviation gauchiste sans rapport avec le sens de la politique communiste.
Fondamentalement, nous luttons pour le dépassement du
capitalisme par le Socialisme, dépassement révolutionnaire qui veut dire que
toutes les formes de pouvoir propres au capitalisme, des formes les plus
dictatoriales aux plus démocratiques, suivront celui-ci dans les poubelles de
l'Histoire.
Mais pour ce qui est du chemin historique menant du
capitalisme au Socialisme, la question des formes adoptées par le pouvoir
bourgeois ne nous laisse pas du tout indifférents. Un simple coup d'œil sur
l'histoire de la démocratie en Belgique suffit pour s'en convaincre. Car il ya réellement quelque chose d'indécent dans la manière dont
les bourgeois et leurs larbins se présentent aujourd'hui comme les champions de
la démocratie.
Au siècle passé et au début de celui-ci, les prolétaires et
les communistes ont dû lutter avec énergie et héroïsme pour imposer la
démocratie. Et comment réagissaient à cette lutte pour la démocratie les
prédécesseurs des juges et procureurs siégeant ici ? Ils condamnaient et emprisonnaient au nom du droit
et de la société. Et comment réagissaient à cette lutte pour la démocratie les
prédécesseurs des chroniqueurs et journalistes ici présents ? Ils dénonçaient et calomniaient tant que faire se
pouvait. Et comment, enfin, réagissaient à cette lutte pour la démocratie les
prédécesseurs des flics et gendarmes paradant ici ? Ils sabraient et fusillaient à tour de bras.
Hier, la mobilisation pour la démocratie avait un caractère
très nettement progressiste dans le processus historique. La démocratie
permettait notamment l'organisation du monde du Travail et facilitait la
liquidation des derniers vestiges de la féodalité. Et dans la mesure où, à
cette époque, la lutte pour la démocratie était une lutte au service du
progrès, les marxistes s'y sont engagés sans restriction tandis que, justement
parce qu'elle était progressiste, les bourgeois la combattaient et la
réprimaient avec acharnement. Faut-il rappeler ici que la Sûreté et les flics
belges, en mars 1848, expulsaient Karl Marx du pays pour son engagement dans
les associations démocratiques ?
Aujourd'hui la question de la démocratie se présente tout à
fait différemment. Le système capitaliste ayant épuisé toute sa dynamique
créatrice pour entrer dans sa phase de décadence historique, la question de la
lutte pour le progrès ne peut plus se poser au niveau des formes successives de
pouvoir à l'intérieur du capitalisme mais doit se poser au niveau du
remplacement de l'ordre capitaliste par le Socialisme.
En d'autres termes, le fait que le système capitaliste revêt
aujourd'hui dans ce pays sa forme de pouvoir la moins directement agressive à l'égard
du prolétariat, à savoir la démocratie bourgeoise, n'empêche en rien le fait
qu'il faut liquider le capitalisme et par la même occasion toutes les formes de
pouvoir capitaliste, démocratie bourgeoise incluse.
Bien naturellement, depuis que la démocratie bourgeoise a
perdu son caractère progressiste dans le processus historique, voici nos
bourgeois devenus les meilleurs démocrates du monde et voilà leurs juges,
procureurs, journalistes, fusilleurs et autres larbins métamorphosés en
vaillants gardes du corps de la démocratie !
La bourgeoisie aurait-elle trouvé là son chemin de Damas ?
Oh, que non ! Dans un
premier temps, la bourgeoisie a pu faire — prudemment — l'expérience de la
démocratie et découvrir à cette occasion que, contrairement à ce que les naïfs
persistent à croire, cette démocratie ne constitue en rien une menace pour la
perpétuation de son pouvoir : les
ministres s'agitent et les patrons restent, les élections se succèdent et
l'exploitation se renforce, les partis valsent et les holdings prospèrent.
Dans un second temps, la bourgeoisie a dû constater que,
sans cesse démasqué aux yeux de tous par des crises et des guerres toujours
plus terribles, le système capitaliste ne pourrait cacher éternellement sa
caducité et son caractère essentiellement anti-populaire. Alors, pour lutter
contre cette clarification naturelle des faits, les chantres du régime nous bassinent du matin jusqu'au soir et du soir jusqu'au matin
avec la sacro-sainte démocratie. Démocratie que pour la cause, ils ont même
l'impudence de placer au crédit du système, ce qui ne manque pas de cynisme
quand on se souvient du prix que les travailleurs durent payer pour lui imposer
cette démocratisation !
Vouloir mobiliser les masses autour de la démocratie
bourgeoise aujourd'hui signifie objectivement vouloir les mobiliser autour du
système capitaliste pourrissant sur pied. De progressiste qu'elle était il y a
un siècle, la mobilisation pour la démocratie est devenue réactionnaire
aujourd'hui, - et elle le sera sans cesse plus tant que persistera le
capitalisme. Voilà pourquoi maintenant cette démocratie s'affiche au top niveau
des valeurs défendues par la bourgeoisie, ses complices et ses larbins.
La dénonciation de la véritable nature de la démocratie
bourgeoise n'est pourtant pas une chose récente. Lénine lui-même exposait déjà
le problème :
« Nous déclarons que nous marchons
contre le capitalisme en général, contre le capitalisme républicain, contre le
capitalisme démocratique, contre le capitalisme libre, et nous savons qu'il
brandira contre nous le drapeau de la liberté. Et nous lui répondons (…) : toute liberté est une duperie, si elle est
contraire aux intérêts de l'émancipation du Travail de l'oppression
capitaliste. »
Dès lors, les sottes litanies répandues contre la ligne
politique communiste révolutionnaire, dans la langue de bois bien connue des
démocrates, ne nous inquiètent nullement. D'autant moins encore que nous en
connaissons les commanditaires et la signification ... Les communistes et les prolétaires
conscients et combatifs ne dévieront jamais d'un pouce de leur programme pour
la conquête de tous les pouvoirs par le prolétariat, pour le prolétariat.
Le processus révolutionnaire marxiste-léniniste et les Cellules
Communistes Combattantes
L'expropriation des capitalistes, la destruction de l'État
et des forces armées de la bourgeoisie ne se gagnera pas par des élections ni,
on s'en doute, avec la permission des capitalistes et bourgeois en question.
L'Histoire nous enseigne que toute
initiative crédible et sérieuse visant à affirmer le pouvoir prolétarien contre
celui de la bourgeoisie se heurte, nécessairement, à toutes les forces dont
dispose cette dernière et débouche à terme sur un schéma de guerre civile. La
marche vers le Socialisme ne pouvant emprunter d'autre forme que celle d'une
guerre de classe, elle se retrouve en conséquence porteuse d'une dimension
politique et militaire. Cette question doit être envisagée très concrètement
dans sa totalité.
Plus personne aujourd'hui, à moins d'être aussi crétin
qu'opportuniste, ne pourrait encore imaginer la victoire spontanée d'un
prolétariat non organisé politiquement et militairement, au cours d'une
confrontation avec l'énorme arsenal d'expérience et de moyens dont dispose la
bourgeoisie. Se reposer sur l'inspiration de la dernière minute, sur la
spontanéité d'un hypothétique « Grand Soir » est tout simplement criminel. La disproportion des
forces entre un prolétariat désuni, désorganisé, désarmé à tous niveaux, voire
démoralisé, et une bourgeoisie surorganisée avec son État,
son armée, ses polices, sa Justice, ses médias, etc.,
est une évidence qui ne se discute plus.
Cette disproportion est d'ailleurs tellement flagrante
qu'elle en gagne une dimension terroriste pour beaucoup de prolétaires ou de
camarades qui finissent par désespérer de tout, qui finissent même par conclure
jusqu'à l'impossibilité d'un processus révolutionnaire ...
Pareil défaitisme est contraire à la marche historique
dialectique, il est contraire à la réalité des choses dont il ne retient que
l'aspect superficiel. Le devoir des communistes est de travailler sans relâche
à la transformation de ce rapport de force, de telle sorte que le prolétariat
puisse affronter la bourgeoisie dans les meilleures conditions jusqu'à la
victoire finale. La démarche essentielle des communistes doit donc être de
prendre l'initiative pour renforcer le camp du prolétariat dans une perspective
globalisante et révolutionnaire. C'est tout le sens du travail de notre
organisation.
Dans ce sens la lutte armée n'est plus différable
aujourd'hui. Elle permet de remporter des victoires, certes modestes et
limitées dans un premier temps, mais quand même bien réelles et servant de bon
vecteur pour la propagande révolutionnaire. Elle permet de démontrer
l'existence et la praticabilité de l'alternative révolutionnaire. Elle permet
de prendre l'initiative aux moments et endroits propices aux forces de la
classe et elle permet, de cette façon, de lancer ces forces à l'offensive, ce
qui contraste salutairement avec la situation actuelle d'attentisme passif du
prochain mauvais coup porté par la bourgeoisie. Elle permet d'acquérir
l'indispensable expérience de la guerre révolutionnaire et d'accumuler, dès
aujourd'hui, des forces dans la perspective des développements à venir.
La seule façon de vaincre la bourgeoisie consiste à saper
ses positions dès que cela s'avère possible, partout où cela s'avère possible,
et à développer les forces révolutionnaires en ralliant toujours plus de
prolétaires à la lutte, en trempant des générations de militants dans le
combat.
Seule la lutte révolutionnaire permet l'émergence, la
croissance et la qualification d'authentiques et redoutables forces
révolutionnaires. S'abstenir d'œuvrer dans ce sens en prétextant que le rapport
de force actuel n'est pas favorable à notre camp est le meilleur moyen pour que
ce rapport reste éternellement mauvais. Derrière l'apparente prudence de cette
démission se cache en fait un exécrable calcul opportuniste débouchant
inévitablement sur une attitude de soumission consentie au capitalisme, aux
misères de ses crises et aux horreurs de ses guerres.
Bien sûr l'actuelle disproportion des forces, si elle ne
peut pas être un obstacle à la détermination révolutionnaire, n'en reste pas
moins une circonstance objective qui limite initialement la pratique
révolutionnaire. Les premières offensives communistes ne peuvent être que
fragiles. Mais comme il ne pourrait pas en être autrement, il n'y a là aucun
motif pour désespérer. Tout simplement, il faut alors travailler plus et
toujours chercher à faire mieux. Il faut arriver à ce que la question de la
lutte révolutionnaire, de l'organisation clandestine et de la guerre de
guérilla soit posée pratiquement dans chaque secteur du prolétariat.
Le processus révolutionnaire débouchant sur l'insurrection
pour la prise du pouvoir et sur la guerre civile s'étale donc dans le temps.
De petites forces comme les Cellules Communistes
Combattantes s'engagent initialement dans des conditions très difficiles et
avec de faibles forces militantes, ouvrant ainsi la voie à d'autres forces déjà
plus mûres, plus puissantes car riches des premières expériences. Ces nouvelles
forces se développent à leur tour et entraînent la mobilisation de forces
encore plus larges, et ainsi de suite ...
L'ensemble de ce processus concrétisant objectivement la stratégie de la « guerre révolutionnaire prolongée ».
Pour que le prolétariat s'engage victorieusement dans la
guerre révolutionnaire prolongée, pour qu'il puisse arracher le pouvoir à la
bourgeoise et réaliser son programme d'édification socialiste, il s'impose
qu'il soit uni, conscient et organisé.
La conscience de classe, c'est la conscience des prolétaires
s'engageant dans la lutte pour les intérêts de tout le prolétariat en tant que
classe et non plus en fonction de tel ou tel intérêt ponctuel d'un secteur
particulier de la classe.
Cette définition de la conscience de classe, de la
conscience révolutionnaire explique pourquoi la simple unité quantitative des
prolétaires ne signifie pas encore une véritable position révolutionnaire de
classe. De la même manière, la juxtaposition, l'addition ou même l'articulation
de toutes les luttes partielles contre l'austérité et le militarisme, par
exemple dans un front, ne suffirait pas à créer une démarche révolutionnaire.
La ligne politique prolétarienne ne se construit pas sur la compilation de
toutes les luttes, elle se fonde sur la synthèse de toutes ces luttes dans un
projet global et homogène.
La conscience de classe se forge dans l'analyse, dans la
lutte et dans l'expérience. Elle débouche sur une vision totalisante de
l'Histoire et du monde, et elle détermine un engagement politique défini par
les tendances fondamentales de l'époque.
Pour maîtriser cette approche des choses, la conscience de
classe s'arme de la théorie marxiste-léniniste. C'est le Marxisme-Léninisme
qui met à nu le mouvement de l'Histoire, qui révèle les mécanismes des modes de
production et de leur évolution, qui éclaire le rôle des classes sociales dans
cette évolution contradictoire qui va de l'apparition à la disparition. C'est
le Marxisme-Léninisme également qui, fort de
l'expérience de plus d'un siècle de lutte prolétarienne dans le monde entier,
permet de choisir les chemins les plus sûrs et les plus courts pour la marche
révolutionnaire du prolétariat.
L'unification théorique, politique et stratégique du
prolétariat se réalise dans l'unification organisationnelle. Il est nécessaire
que le prolétariat se dote au plus tôt d'une organisation unique et
centralisée, regroupant tous les militants d'avant-garde de la classe,
représentant toute la classe dans le combat pour ses intérêts historiques et
synthétisant enfin toutes les aspirations et les initiatives de la classe en
une ligne commune. Cette organisation, c'est le Parti de classe.
La fondation du Parti Communiste Combattant est un objectif
central pour le projet révolutionnaire. Sans Parti, le prolétariat et les
révolutionnaires se retrouveront toujours incapables de synthétiser une ligne
révolutionnaire de masse, frustrés de l'unité politique et
stratégique nécessaire, condamnés à la dispersion et de ce fait vulnérables.
Mais, de la même manière que la Révolution est
l'aboutissement d'un long processus de guerre révolutionnaire prolongée, la
fondation du Parti est le fruit d'un long processus de recherche et d'édification
organisationnelles dans le combat. Il serait irréaliste d'attendre une
révolution pour demain sans développer la pratique révolutionnaire dès
aujourd'hui et il serait absurde d'imaginer la fondation du Parti pour demain
sans entamer, dès aujourd'hui et à quelque niveau que ce soit, un travail
d'organisation.
Tout comme la pratique de la lutte armée révolutionnaire, le
travail de construction organisationnelle doit être mené dès que possible et
l'une et l'autre doivent l'être en adéquation avec les possibilités offertes
par la situation objective. Pratiquement cela veut dire qu'aujourd'hui ce
travail ne peut être engagé qu'à l'échelle réduite de Cellules, de petits
groupes de Cellules, de formations encore isolées les unes des autres. Cette
étape de faiblesse est le témoin de notre réalité et nous ne devons pas la
craindre : il faut passer par là pour gagner
les forces organisationnelles de l'avenir. Aussi, œuvrer aujourd'hui avec
courage, audace et confiance dans cette voie est le devoir des communistes et
des prolétaires responsables.
L'étude du droit comme produit social et historique nous a
démontré qu'il y a deux manières d'aborder tous les éléments dont il a été
question au fil des audiences.
La première façon d'aborder ces éléments est celle des
personnes qui adoptent le droit bourgeois comme critère essentiel pour décider
ce qui est condamnable et ce qui ne l'est pas. Ces personnes sont soit celles
qui ont directement intérêt à la perpétuation du système capitaliste, soit celles
qui ne se rendent pas bien compte combien le droit est par nature contre-révolutionnaire
et combien il sert à la perpétuation du système dont il procède.
La seconde façon d'aborder les éléments dont il fut question
au fil des audiences est celle des personnes qui rejettent le droit bourgeois
comme critère valable pour décider ce qui est légitime et ce qui ne l'est pas.
Ces personnes sont celles qui, d'une part sont conscientes du fait que le droit
actuel est une fonction du pouvoir bourgeois et, d'autre part se positionnent
dans une perspective prolétarienne et anticapitaliste.
Selon l'approche bourgeoise ou plus exactement selon
l'approche s'appuyant sur le droit bourgeois, une des questions posées au fil
des audiences est de savoir si par exemple, tel ou tel militant était armé à
tel ou tel moment et cela sans autorisation du gouverneur de la province. Se
présente alors cette alternative : soit le
révolutionnaire portait effectivement une arme sans autorisation du gouverneur
et dans ce cas il est coupable, soit le révolutionnaire ne portait pas d'arme
sans autorisation du même gouverneur et dans ce cas il est innocent.
Selon l'approche prolétarienne et révolutionnaire,
c'est-à-dire selon l'approche s'appuyant non pas sur le droit bourgeois mais
sur la juste compréhension des intérêts globaux et historiques des masses, la
question se pose en tout autres termes qu'en histoire d'autorisation de
gouverneur provincial. Selon l'approche prolétarienne et révolutionnaire, la
question devient celle-ci : est-il légitime, pour les
militants communistes, de prendre les armes contre le régime capitaliste ?
La réponse à cette question ne réside pas dans tel ou tel
article de loi mais nous est donnée par l'analyse politique de la conjoncture
historique et de la situation concrète du monde du Travail dans cette
conjoncture.
Dans la mesure où les intérêts de l'immense majorité de la
population passent non pas par la perpétuation du système capitaliste décadent
mais bien par son dépassement dans le Socialisme, l'alibi du « jury populaire »
utilisé par la justice bourgeoise dans ce procès se révèle alors être la plus
triviale des escroqueries. En effet, soit les jurés se positionnent
conformément au rôle qui leur a été imparti, c'est-à-dire se réfèrent au droit
bourgeois pour décréter ce qui est coupable et ce qui ne l'est pas, soit les
jurés refusent ce rôle ou décident de le subvertir en fonction des intérêts
historiques du peuple. Pratiquement, cela veut dire que les jurés se
positionnent en tant que jury contre les intérêts populaires, ou qu'ils se
positionnent en fonction des intérêts populaires contre le rôle de jury tel
qu'il est conçu et imposé ici. Soit
jury, soit populaire, « entre les deux il n'y
a rien ».
Dans le cadre de l'exercice de la justice bourgeoise, parler
de « jury populaire » est un paradoxe. Un paradoxe qui est loin d'être
innocent. C'est l'un des multiples trucs par lesquels les bourgeois essayent de
faire croire que leur système juridico-judiciaire
plane au-dessus des classes, de leurs contradictions, de leur antagonisme.
L'affaire du « jury populaire », c'est la seule solution dont dispose la
bourgeoisie pour tenter d'évacuer la question de la légitimité des choses.
Pourtant, la question de ce qui est légitime et ce qui ne
l'est pas est finalement la seule question qui présente un réel intérêt. C'est
naturellement pour cela que la bourgeoisie s'obstine à l'occulter au profit de
celle de la légalité pénale. Tout ici repose sur cet obscurantisme que la
bourgeoisie impose à la société : une
synonymie de la légitimité et de la légalité. Or, pour le réel, pour l'Histoire
en marche, tout se passe différemment et oblige de poser la question de la
légitimité en rupture avec la légalité dominante.
Présenter la réalité telle qu'elle est balaie toutes les
constructions foireuses censées nous abrutir de la fable d'un code judiciaire
étranger à la lutte des classes. Pourquoi ce coup de balai ? Parce qu'il apparaît immanquablement, dans chaque
cas précis, que ce qui est légitime pour les capitalistes ne l'est pas pour les
prolétaires, et vice versa. Et parce que naturellement, la légalité traduisant
la conception bourgeoise de la légitimité, elle ne peut que s'opposer
aujourd'hui à la conception prolétarienne de la légitimité.
Démontrons donc toute la correction de cette réflexion à la
lumière de quelques exemples concrets liés à ce procès.
Il a été question ici d'association de malfaiteurs.
Pour les capitalistes et leurs laquais, cela désigne
notamment notre organisation révolutionnaire. Mais pour les prolétaires
conscients et les communistes, les associations de malfaiteurs ce sont les
gouvernements qui planifient la paupérisation du pays au profit du grand
capital, ce sont les conseils d'administration des banques et des holdings qui
jettent des masses de travailleurs et de travailleuses sur le pavé pour
s'assurer des bénéfices toujours plus plantureux, ou ce sont encore les
alliances impérialistes qui sèment la mort aux quatre coins de la planète.
Il a été question ici de vol et de recel.
Pour les capitalistes et leurs laquais, cela désigne
notamment les diverses réquisitions effectuées par notre organisation pour
assurer son fonctionnement. Mais pour les prolétaires conscients et les
communistes, les voleurs et les receleurs sont ceux qui vivent en parasites sur
le travail d'autrui, qui pillent les ressources du monde entier à leur seul
profit, et ceux qui, dans la bureaucratie d'État et les divers appareils
répressifs, sont payés grassement pour maintenir le système capitaliste en
place.
Il a été question ici d'armes prohibées.
Pour les capitalistes et leurs laquais, cela désigne
notamment l'armement de notre organisation. Mais pour les prolétaires
conscients et les communistes, les seules armes prohibées sont celles qui sont
tournées contre le peuple et contre les ouvriers. Que ce soient les armes de la
gendarmerie depuis toujours pointées contre le peuple, ou que ce soient les armes de l'OTAN pointées contre les peuples
d'Europe Centrale et les peuples en lutte dans le tiers-monde.
Il a été question ici d'attentats terroristes.
Pour les capitalistes et leurs laquais, cela désigne
notamment les opérations de propagande armée menées par notre organisation.
Mais pour les prolétaires conscients et les communistes, les attentats
terroristes sont ceux qui visent les populations civiles. Ce sont donc, par
exemple, les bombardements de l'aéronavale yankee à l'île de la Grenade, à
Tripoli et à Benghazi, ce sont les massacres perpétrés par les diverses « contra » au
Nicaragua, en Angola ou au Mozambique, ce sont les voitures piégées placées
dans les marchés de Beyrouth par les services secrets des puissances
régionales, ce sont les attentats-massacres perpétrés
par des fascistes d'État dans les trains, les gares ... ou les grandes surfaces.
Il a été question ici de détention illicite de matières
explosives.
Pour les capitalistes et leurs laquais, cela désigne
notamment une autre partie des moyens militaires de notre organisation. Mais
pour les prolétaires conscients et les communistes, la détention criminelle de
matière explosive c'est, par excellence, l'accumulation de bombes et de
missiles atomiques dont sont coupables les superpuissances et leurs satellites
comme, entre autres, l'état belge qui entretient un stock d'ogives nucléaires
US à la base des chasseurs-bombardiers de Kleine-Brogel
dans le Limbourg.
Il a été question ici de meurtre et même d'assassinat.
Pour les capitalistes et leurs laquais, cela désigne
notamment la mort accidentelle de deux pompiers lors d'une opération menée par
notre organisation avec grand soin pour que rien ni personne hormis l'immeuble
visé ne soit atteint. Pour les prolétaires conscients et les communistes, on ne
compte plus les assassinats, c'est-à-dire les homicides organisés et planifiés
délibérément par le système capitaliste. Qu'ils prennent la forme du génocide
par la famine qui extermine des centaines de millions d'hommes et de femmes à
quelques heures d'avion de montagnes de « surplus » alimentaires, qu'ils prennent la forme des millions
de morts dans les guerres ou les expéditions néo-coloniales partout où
l'impérialisme impose sa domination, qu'ils prennent la forme de la saignée
permanente de la fine fleur des peuples en lutte contre l'impérialisme, le sionisme
et l'apartheid, ou encore — moins effrayants dans l'image mais tout aussi
insupportables — qu'ils prennent la forme, dans nos sociétés, des accidents du
travail, de la route, etc., conséquences directes de
politiques déterminées par l'intérêt exclusif du profit.
Il a été question ici de faux et d'usage de faux.
Pour les capitalistes et leurs laquais, cela désigne
notamment les techniques appliquées par notre organisation pour contrer
diverses mesures de flicage déployées par l'État. Mais pour les prolétaires
conscients et les communistes, les faux et usages de faux ce sont, dans le
cadre de ce procès, les multiples mensonges et constructions par lesquels cette
Justice espère arriver à ses fins. C'est l'amalgame fait entre les Cellules
Communistes Combattantes et ce "FRAP" alors que notre organisation —
qui n'a jamais caché avoir entretenu, à un moment donné, des contacts avec
Action Directe — n'a jamais eu la moindre liaison avec cette aventure. Ce sont
les mensonges planifiés de la gendarmerie, mensonges relayés et développés par
la juge d'instruction, le procureur et les avocats des parties civiles, tel ce
mensonge le plus vil et odieux qui prétend que notre organisation aurait monté
un traquenard contre des travailleurs du service public le 1er mai
1985, en programmant l'explosion de la charge à 0 h 27 plutôt qu'à 0 h 30,
alors que l'alerte téléphonique transmise à la gendarmerie ainsi que les tracts
d'avertissement répandus tout autour du véhicule spécifiaient clairement
qu'intervenir sur ce dernier pouvait provoquer l'explosion. Ces faux et usages
de faux, ce sont encore les bricolages inventés de toutes pièces pour impliquer
d'office deux d'entre nous dans des actions menées avant leur entrée dans
l'organisation, et ce sont les bricolages foireux chargés d'embringuer les deux
autres dans le moindre soupir de l'organisation. Etc.
Il a été question ici d'abus de confiance.
Pour les capitalistes et leurs laquais, cela désigne
notamment les techniques utilisées par notre organisation pour résoudre
certaines questions logistiques sans devoir recourir à la violence. Pour les
prolétaires conscients et les communistes, l'abus de confiance est l'essence
même du travail des politiciens, des idéologues et des journalistes du régime.
L'abus de confiance consiste, entre autres choses, à présenter la clique de
parasites encombrant le parlement comme étant « les représentants de la nation ».
L'abus de confiance consiste encore à masquer le fait que ce système est avant
tout synonyme de militarisme, de chômage, de crise, de gaspillage, de
destruction écologique, d'oppression des peuples des pays dominés, de décadence
et de misère morale. L'abus de confiance consiste à chanter les louanges de la forme démocratique du système
capitaliste pour mieux masquer son fond
anti-populaire et anti-prolétarien.
Que l'on nous comprenne bien. Avec cette énumération accusatrice,
nous n'avons nullement l'intention de dire à la bourgeoisie qu'en s'autorisant
à nous mettre en procès, elle s'occupe de la paille qui nous gênerait l'œil
avant de s'occuper de la poutre qui l'éborgne ! Non, il ne s'agit pas de comparaison mais d'opposition : simplement, nous constatons qu'il y a deux façons
contraires de voir les choses. Lorsque les capitalistes et leurs larbins se
réunissent, ils forment pour les communistes une association de malfaiteurs. Et
lorsque les communistes s'organisent, ils forment pour les capitalistes et
leurs larbins une association de malfaiteurs.
En terme politique, ce qui est légitime pour une classe est
nécessairement illégitime pour l'autre. Ce qu'une classe sociale consciente de
ses intérêts peut juger comme honorable est nécessairement jugé par l'autre
consciente des siens comme condamnable. Et c'est l'existence de cette
contradiction propre à l'existence antagonique même des classes sociales que
les bourgeois veulent nier en évacuant la question de la légitimité au profit
de celle de la légalité, de leur légalité. La norme de la légalité est toujours
celle de la classe possédant les moyens de l'imposer à l'autre. Dans cette
mesure, le droit apparaît à nu : il émane
du rapport de force entre les classes sociales.
En imposant ce procès sous le signe de la légalité, la
bourgeoisie s'offre la garantie de combattre la politique révolutionnaire à
travers sa propre conception de ce qui est légitime et de ce qui ne l'est pas,
à travers une conception forcément anti-populaire et antiprolétarienne.
Placer les questions soulevées au cours de ce procès sous le
signe de la légitimité est la seule façon de déborder l'horizon borné et
contre-révolutionnaire du droit bourgeois. Il ne s'agit plus alors de se
demander si oui ou non tel ou tel militant révolutionnaire est l'auteur de tel
geste ou acte, mais de savoir si ce geste ou cet acte est légitime ou ne l'est
pas. Dans le cas qui nous occupe : si la
lutte révolutionnaire pour le Socialisme est légitime ou pas.
Abordée ainsi sous l'angle de la légitimité, la
confrontation en cours ici prend un net caractère de classe, tant il est vrai
que se prononcer sur la légitimité ou non de la lutte pour le Socialisme
implique un positionnement objectif, clair et évident dans le camp du prolétariat
ou dans celui de la bourgeoisie.
Pour notre part, nous sommes convaincus non seulement de la légitimité
mais aussi de la justesse des objectifs, de la ligne politique et des choix
stratégiques des Cellules Communistes Combattantes. Pour nous, la lutte
révolutionnaire et les diverses tâches qu'elle nécessite ne sont en rien une
activité coupable. Au contraire, nous sommes extrêmement fiers d'y avoir
contribué dans toute la mesure de nos faibles moyens. Devrions-nous refaire
cent fois ce choix libérateur que nous le referions cent fois.
Ce choix n'a rien de coupable, au contraire, c'est le choix
conscient le plus honorable dans cette société. Voilà pourquoi, comme nous
l'avons expliqué dès le deuxième jour de ce procès, nous rejetons toute idée de
culpabilité liée au travail de notre organisation, nous rejetons ce procès
lui-même.
Pour paraphraser Bertolt Brecht,
nous pourrions demander : qu'est-ce qui est coupable,
dynamiter une banque ou en gérer une ?
En gérer une avec tout ce que cette gestion comporte comme étranglement pour
une fraction de la population surendettée, comme masse de travailleurs et de
travailleuses jetés sur le pavé au fil des rationalisations, comme
surexploitation des travailleurs restants au nom de toujours plus de profit et
de compétitivité.
Nous rejetons donc l'alternative culpabilité ou innocence
qui sert de trame à la justice bourgeoise, parce que dans l'un ou l'autre cas
il ne peut s'agir que de reproduire les valeurs et les conceptions de la
bourgeoisie. Et peu importe si, oui ou non, nous avons personnellement fait ce
que le procureur prétend avec d'autant plus de mauvaise foi que, dans
l'ensemble, il est systématiquement incapable d'étayer ses accusations.
Prenons un exemple déjà évoqué. Un de nous a été accusé ici
d'avoir tiré sur le vigile de la Banque Bruxelles-Lambert.
Or, ce n'est pas lui qui a tiré. Faut-il maintenant que notre camarade se
défende de cette accusation ? En tant
que militant des Cellules Communistes Combattantes, il ne peut le faire parce
que se défendre de pareille accusation reviendrait à penser que le fait d'avoir
ouvert le feu contre la voiture du vigile pour empêcher celui-ci d'intervenir inconsidérablement contre la Cellule qui, à ce moment-là,
faisait rentrer une lourde charge explosive dans les bâtiments de la BBL, est
une démarche condamnable, coupable.
En tant que militant de l'organisation, ni plus ni moins que
n'importe quel militant de l'organisation, tout camarade se doit de revendiquer
et d'assumer politiquement cette petite partie de l'activité de l'organisation,
exactement de la même façon que chaque militant revendique et assume l'ensemble
du combat des Cellules. Et cela, indépendamment du fait qu'il y ait ou non
participé personnellement. Si notre camarade n'a pas à se défendre personnellement
à ce sujet, il n'a pas non plus à s'en revendiquer personnellement. D'une part
parce qu'il ne participait pas à l'opération contre la BBL, mais d'autre part,
plus fondamentalement, parce que les militants n'ont pas à revendiquer en leur
nom telle ou telle fraction du travail de leur organisation.
La nature du travail militant communiste est
organisationnelle. Seuls les flics, ce tribunal et des journalistes marrons
peuvent accorder de l'intérêt à savoir qui a fait quoi, quand et où. Ce qui
importe, c'est de savoir ce qui a été fait et pourquoi cela a été fait. C'est
donc uniquement sur ce plan-là que nous nous situons.
Le fond du problème est celui-ci : de la même manière qu'il est légitime d'attaquer politico-militairement l'appareil de domination et d'exploitation
de la bourgeoisie, il est légitime de neutraliser les chiens de garde que la
bourgeoisie dresse pour se protéger.
Nous ne sommes pas mécontents que le vigile s'en soit tiré à
bon compte. Mais quoi qu'il en soit, le développement de la lutte révolutionnaire
apprendra fermement à ses collègues ou homologues de la fonction « publique »
que si le fait de se vendre à la bourgeoisie offre la sécurité d'emploi, cela
peut aussi impliquer un prix à payer.
Dans cet exemple de la BBL, ou dans d'autres tout aussi
bidons au registre de l'accusation, nous nous sommes abstenus d'intervenir
autrement que pour dénoncer politiquement quelques manœuvres du procureur. Nous
nous abstenons de toute réponse à l'accusation parce
que nous ne reconnaissons aucune culpabilité à la chose incriminée.
Nous ne sommes pas des innocents, nous ne sommes pas des
coupables.
Nous sommes des révolutionnaires, des militants et militante
des Cellules Communistes Combattantes. Nous assumons et revendiquons
politiquement tout ce que notre organisation a fait, tout ce qu'elle fait, et
tout ce qu'elle fera.
Notre cause, la cause
du prolétariat, est juste.
Nous vaincrons.